La nuit de réveillon de moins en moins célébrée en Algérie à cause de la pression des fondamentalistes

Redaction

La soirée de réveillon, une tradition remontant à l’époque coloniale que les Algériens célébraient il y a encore une dizaine d’années, notamment dans les grandes villes comme Alger et Oran, est en passe d’être abandonné progressivement à cause de la pression des fondamentalistes qui sont en train d’imposer une chape rigoriste sur la société algérienne.

Les pâtisseries du centre-ville d’Alger, à part quelques exceptions, n’ont pas jugé utile de confectionner la fameuse bûche symbole des fêtes de fin d’année. Les magasins des rues commerçantes n’ont fourni aucun effort pour embellir leurs devantures.

Cette année, même les jeunes qui proposaient des cartes de voeux, tout au long des arcades, ont disparu, note mercredi le « Quotidien d’Oran » qui constate que la tradition de la fête du réveillon, qui n’a aucune connotation religieuse, est bel et bien en voie de disparition à Oran. Du moins, elle perd chaque année davantage de terrain.

« Je continue à faire les bûches, mais sur commande seulement, et je ne les expose pas en vitrine », confie Hakim Fars, patron d’une célèbre pâtisserie sur la rue Didouche (ex-Michelet) d’Alger, dans une attitude qui s’apparente à du défi par rapport aux islamistes.

Nombre d’Algériens qui ne veulent visiblement pas se mettre à dos des islamistes avec qui ils résident ont préféré aller en Tunisie et au Maroc pour passer tranquillement les fêtes de fin d’année, surtout que les prix affichés sont alléchants.

Il y a une grande demande pour la Tunisie, surtout que ça coïncide avec les vacances scolaires, indique Salah Megrani, gérant d’une agence de voyage à Annaba, ville distante de 80 km de Tunis.

Face aux menaces des islamistes, surtout après les tracts distribués à proximité d’une mosquée de Constantine (450km à l’est d’Alger) invitant les Algériens à se détourner de la voie de la dissolution morale et ne pas célébrer la fin de l’année, le ministre algérien de l’Intérieur a dû monter au créneau mardi pour rassurer ceux qui ont des projets de réveillon dans les grands hôtels de la capitale.

Le ministre tient à assurer qu’aucune mesure n’a été dictée en vue de restreindre une quelconque activité, lit-on dans un communiqué qui dément par ailleurs fermement et énergiquement l’information, rapportée mardi par un journal arabophone proche des islamistes, selon laquelle une instruction faisait obligation aux établissements servant des boissons alcoolisées et non alcoolisées de fermer à 20h, la veille de la nouvelle année, et interdisait aux citoyens fréquentant ces établissements de sortir au-delà de 20h.

Dans le communiqué, il ajoute que les services de sécurité sont mobilisés en vue d’assurer la sécurité et la quiétude des citoyens, au quotidien et en toute occasion.

La réaction du ministre de l’Intérieur se veut un message fort destiné aux islamistes qui cherchent à imposer leur diktat sur la société algérienne, se félicite mercredi le quotidien « Liberté » en souhaitant que cette réaction ne soit pas conjoncturelle.

Paradoxalement, beaucoup d’Algériens, notamment dans les grandes villes, estiment aujourd’hui qu’il y avait plus de liberté dans les années quatre-vingt-dix en dépit du climat de terreur imposé par les GIA à l’époque.

Les aspects de l’islamisation de la société algérienne post-terroriste ne se limitent pas la fermeture des cabarets et des barres, aux pressions sur les réveillonneurs , ils se manifeste également par une propagation du port du Hidjab, au point qu’il devient de plus en plus rare de croiser des femmes en jupe dans les rues d’Alger.

« Je me sens vraiment gênée de monter à Alger en jupe », avoue Aziza, professeur de langue française au lycée de Rouba, dans la banlieue est d’Alger, déplorant que beaucoup de ses collègues se sont mises au Hidjab, par convenance, par peur, mais rarement par conviction.

AP