« L’Algérie, De Gaulle et la bombe » revient sur les dégâts de la bombe nucléaire de Reggane

Redaction

Le documentaire « L’Algérie, De Gaulle et la bombe » de Larbi Benchiha a été projeté mercredi au Centre culturel algérien (CCA) à Paris en présence d’un nombreux public venu constater les gigantesques dégâts engendrés par l’explosion de la première bombe nucléaire française à Reggane, sur l’environnement et la santé des populations. Cette explosion atmosphérique, le 13 février 1960 à 7h04, a expliqué le réalisateur, s’est faite contre l’avis des trois puissances atomiques de l’après-guerre (Etats-Unis, URSS et Grande-Bretagne,) qui venaient de signer un moratoire contre les essais atmosphériques et la France était visée directement par ce moratoire. De Gaulle voulait à tout prix que la France soit dotée de bombes et tenait à lui garantir un rang dans le club très fermé des puissances nucléaires atomiques.

Sous le nom de code militaire « Gerboise bleue » se cache alors le premier essai nucléaire français mené au Sahara. Le tir est aérien, sa puissance est quatre fois supérieure à la bombe d’Hiroshima. Trois autres tirs, intitulés « Gerboise blanche », « rouge » et « verte », suivront rapidement.

Le documentaire de 52 mn est enrichi de témoignages accablants, d’anciens négociateurs des Accords d’Evian, dont Réda Malek, d’historiens dont Mohamed Harbi, d’anciens militaires de carrière français, de soldats du contingent et de quelques membres de la main-d’œuvre locale mise à contribution pour réaliser ce sinistre projet. Ils reviennent tous sur des faits dont les conséquences continuent à ce jour d’affecter lourdement la santé de nombreuses familles qui continuent à vivre dans un environnement radioactif. Par la suite, y compris après l’indépendance de l’Algérie, en 1962, et selon une clause des accords d’Evian, treize autres essais auront lieu jusqu’en 1966. Ils sont cette fois souterrains, parmi lesquels le tir « Béryl » qui échoue et libère le 1er mai 1962 un nuage radioactif contaminant et l’environnement et les personnes.

Ces faits Larbi Benchiha les remet en mémoire tant pour sonder un épisode du colonialisme dont ils témoignent que pour évoquer un scandale qui se perpétue. Il démontre que cette zone d’essais, pas aussi inhabitée qu’on voudrait le faire croire, ne fut pas décontaminée par l’armée française lors de son départ. A ce jour, il existe encore des victimes de cette exposition aux radiations, au sein de la population de cette région, souligne-t-on.

La France a mis sous le sceau du secret toutes les archives relatives à la période des essais nucléaires, datant de 1960 à 1966, y compris les rapports médicaux sur la situation sanitaire à Reggane. « Les victimes algériennes des essais nucléaires sont dans une situation telle qu’ils n’ont aucun droit de regard sur les archives pouvant prouver leur présence sur les lieux des explosions +Gerboise bleue+ », a affirmé lors des débats, Roland Desbordes, président de la Commission indépendante sur les radiations (CRIIRAD).

« Par une loi de juillet 2008, la France a décidé de classer secret défense pour l’éternité toutes les archives des essais nucléaires français en Algérie », a-t-il ajouté, relevant qu’elle veut « tourner une page d’histoire qu’elle n’entend plus revoir ». Il a insisté pour affirmer qu' »‘il n’a jamais eu à constater des niveaux de radioactivité aussi importante qu’à Reggane » où il s’est rendu, il y a une année. Ammar Mansouri, chercheur en génie nucléaire, a quant à lui déploré l’absence d’études épidémiologiques qui permettent de déterminer le degré de contamination.

Il a déploré aussi le fait que la loi française reconnaissant et indemnisant les victimes des essais nucléaires a une portée « fort limitée » et « ne répond pas aux revendications algériennes quant au droit des populations du Sahara ». De plus, a-t-il ajouté, l’indemnité est limitée aux seules dates du début et de la fin des expérimentations, alors que les effets de la radiation s’inscrivent dans le temps et peuvent contaminer les générations futures.

Diplômé en philosophie à l’université de Besançon, Larbi Benchiha a travaillé comme journaliste pour France 3 Ouest. On lui doit une douzaine de documentaires traitant de thèmes de société tels que l’exclusion sociale, la culture Hip Hop ou le conflit israélo-palestinien.

Le documentaire « L’Algérie, De gaulle et la bombe », deuxième d’une trilogie, a été précédé de « Vent de Sable : le Sahara des essais nucléaires » (58 mn), alors que le troisième est en cours de réalisation.

APS