Suite à la disparition de grand islamologue Mohamed Arkoun (1928-2010), il y a tout juste une semaine, la presse française et algérienne, pays d’origine et d’adoption de ce professeur émérite de la Sorbonne, ne se sont quasiment pas fait écho de cette perte notoire d’une sommité mondiale sur l’islam et la pensée islamique, faiseur de paix en ces temps sombres où le dialogue entre les civilisations est mis à mal. Cette disparition a ému et sensibilisé nombre d’intellectuels, d’étudiants, sympathisants de sa pensée, amis ou détracteurs tant la place du Pr Arkoun a été forte, portée par un homme jovial, humble et passionné.
Un collectif « Mohamed Arkoun » est né spontanément d’une mobilisation citoyenne sur des réseaux sociaux en réaction à ce silence de la presse et des autorités politiques et académiques en France autant qu’en Algérie. M. Arkoun, intellectuel à la pensée originale et sans concession, n’a pas mérité ce silence.
Le collectif Mohamed Arkoun, porté par des anciens étudiants et sympathisants (Karim Kiared, Brahim Senouci, Sabri Haddad, Moussa Khedimellah), a notamment appelé à une pétition sur Internet (et profil Facebook dédié) pour éviter une seconde mort à l’intellectuel : celle de l’oubli. Cette pétition appelle à la traduction de l’œuvre du Professeur Arkoun en Algérie, sa patrie d’origine où sa pensée est peu diffusée. Une lettre publique, relayée par la presse, a été adressée au chef de l’État algérien, Abdelaziz Bouteflika, afin de lui adresser cette requête vis à vis de son œuvre mais également de donner le nom de l’illustre professeur, enseignant des 4 coins du monde, le nom d’une chaire ou d’un lieu de savoir. La même démarche sera entamée également auprès des autorités françaises prochainement par le collectif.
Enfin, une mobilisation pour un sit-in de la paix en hommage au Professeur Arkoun a eut lieu, à l’initiative du collectif, dimanche 19 septembre sur le Parvis du Trocadéro à Paris. Le fondateur de l’islamologie appliquée, passeur entre les 2 rives et les 3 monothéismes s’il en est, a pu être célébré alors que sa dépouille a été inhumée au Maroc. Ce rassemblement spontané a fédéré une petite centaine de personnes parmi lesquelles le neveu du disparu, Youssef Arkoun qui s’est exprimé au nom de sa famille, le sanglot dans la voix, des amis proches, des étudiants ou anciens étudiants et de nombreux sympathisants de l’homme appelé sous d’autres cieux. Des nombreux témoignages de celles et ceux qui l’ont connu se sont succédés à la tribune dans une cérémonie très sobre, pleine d’émotion et de recueillement pour ce dernier hommage. L’institut de Monde arabe organisera également prochainement un hommage au professeur et à son œuvre, à l’image de France Culture ou de l’émission « Islam » sur France 2 la semaine passée.
Le collectif Mohamed Arkoun en appelle aujourd’hui à tous les sympathisants épris de paix, de justice et de la raison éclairée à les soutenir pour diffuser ses actions et l’œuvre de Mohamed Arkoun par les portes qu’il a ouvertes pour contrer tous les radicalismes, de l’islamisme ou eux de la modernité ou de la laïcité combattante, qu’il a toujours renvoyé dos a dos. L’humanisme éclairé qu’il a toujours défendu de son vivant se poursuivra à ce prix : celui de l’exigence, de la justice et de la raison contre l’oubli.
Collectif Mohamed Arkoun
21 septembre 2010