Le Conseil de sécurité autorise une zone d’exclusion aérienne en Libye

Redaction

Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté jeudi une résolution stipulant des  »mesures nécessaires » de protection des populations civiles en Libye dont la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne, alors que les membres  »abstentionnistes » y entrevoient une intervention militaire. Aux termes de la résolution 1973, adoptée par 10 voix favorables et 5 abstentions (Chine, Russie, Allemagne, Brésil et Inde), le Conseil précise qu’il est exclu le déploiement d’une force d’occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n’importe quelle partie du territoire libyen. La résolution, présentée par la France et le Royaume-Uni, autorise les Etats membres à prendre au besoin toutes mesures nécessaires pour faire respecter la zone d’exclusion aérienne et de faire en sorte que des aéronefs ne puissent être utilisés pour des attaques aériennes contre la population civile.
Le Conseil a décidé que tous les Etats interdiront à tout aéronef enregistré en Libye, appartenant à toute personne ou compagnie libyenne ou exploité par elle, de décoller de leur territoire, de le survoler ou d’y atterrir. Il a aussi demandé « ‘l’établissement immédiat d’un cessez-le-feu et l’arrêt complet des violences et de toutes les attaques et abus contre des civils », soulignant « ‘le besoin d’intensifier les efforts pour trouver une solution à la crise afin de répondre aux demandes légitimes du peuple libyen ».

Afin de garantir la stricte application de l’embargo sur les armes, la résolution « demande à tous les Etats Membres, en particulier aux Etats de la région, de faire inspecter sur leur territoire, y compris dans leurs ports maritimes et aéroports et en haute mer, les navires et aéronefs en provenance ou à destination de la Libye, si l’Etat concerné dispose d’informations autorisant raisonnablement à penser que tel chargement contient des articles dont la fourniture, la vente, le transfert et l’exportation sont interdits » par la résolution 1970 adoptée en février dernier.

Appelant tous les Etats « à fournir une assistance, notamment pour toute autorisation de survol nécessaire », la résolution stipule aussi que tous les Etats exigeront de leurs nationaux et ressortissants et des sociétés sises sur leur territoire ou relevant de leur juridiction de faire preuve de vigilance dans leurs échanges avec des entités enregistrées en Libye, si ces Etats ont des raisons de penser que de tels échanges peuvent contribuer à la violence ou à l’emploi de la force contre les civils.

Sur un autre plan, les membres du Conseil ont déploré l’utilisation systématique de mercenaires et ont demandé à tous les pays de se conformer strictement à leurs obligations afin d’empêcher la fourniture de mercenaires armés à la Libye.

En outre, le Conseil de sécurité a demandé au Secrétaire général de créer, pour une période initiale d’un an, un groupe d’experts chargé de réunir, examiner et analyser des informations provenant des Etats, d’organismes des Nations unies compétents, d’organisations régionales et d’autres parties intéressées concernant l’application des mesures édictées dans la résolution 1970 et dans la présente résolution, en particulier les violations de leurs dispositions.

Abordant le gel des avoirs, le Conseil a décidé qu’il concernera tous les fonds, les avoirs financiers et les ressources économiques qui sont propriété ou contrôlés directement ou indirectement par les autorités libyennes.

Par ailleurs, les délégations qui se sont abstenues de voter cette résolution ont expliqué leur décision par le fait, qu’au cours des délibérations, elles n’avaient pas pu obtenir des réponses à leurs questions. L’Ambassadeur russe, Vitaly Churkin, a fait observer que son pays n’avait pas reçu d’indications sur les moyens permettant de mettre en place le régime d’exclusion aérienne:  » Non seulement nos questions n’ont reçu aucune réponse pendant les délibérations, mais nous avons aussi vu passer sous nos yeux un texte dont le libellé n’a cessé de changer, suggérant même par endroit la possibilité d’une intervention militaire d’envergure ». Pour lui, le moyen le plus rapide pour assurer la sécurité du peuple libyen restait l’instauration d’un cessez-le-feu immédiat.

Pour sa part, l’Ambassadeur chinois, Li Baodong, dont le pays assure la présidence du Conseil de sécurité pour le mois de mars, a rappelé que son pays s’était toujours opposé au recours à la force dans les relations internationales, ajoutant qu’il attendait que l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Libye, Abdallah Khatib, « fasse le point aux membres du Conseil sur la situation sur le terrain ».

Le représentant allemand, Peter Wittig, a indiqué de son coté que « l’Allemagne s’est abstenue de voter en faveur de la résolution parce qu’elle ne souhaite pas s’engager dans une confrontation militaire, ce qui est envisagé par certains paragraphes ».

Le représentant indien, M. Hardeep Singh Puri, a expliqué que son pays s’était abstenu lors du vote sur le projet de résolution, convaincu qu’il  » n’existait pratiquement aucune information crédible sur la situation sur place » qui puisse justifier la décision d’établir une zone d’exclusion aérienne, ajoutant que les modalités d’application de ces mesures ne sont pas claires.

Quant à l’ambassadrice brésilienne, Maria Viotti, elle a estimé que son pays « n’est pas convaincu que l’utilisation de la force telle que prévue permettra d’atteindre l’objectif commun qui est de mettre un terme à la violence et de protéger les civils ».

Concernant les modalités d’application de la zone d’exclusion aérienne, les capacités qui seront mobilisées et le nombre de pays qui prendront part à cette opération, les réponses sont restées vagues. Interrogée à ce sujet par la presse à l’issue de l’adoption de la résolution, l’ambassadrice américaine à l’ONU, Susan Rice, s’est bornée à dire qu’elle n’allait pas entrer « ‘dans les questions opérationnelles ou les questions relatives à l’application de l’utilisation de la force ».

Cette nouvelle résolution intervient près de trois semaines après la résolution 1970 du Conseil de sécurité qui portait sur des sanctions contre les autorités libyennes, comprenant la saisine de la Cour pénale internationale, un embargo sur les armes, une interdiction de voyager et un gel des avoirs.

APS