J’ai été, pour la première fois, le visiteur numéro 409.677 à consulter le site de la Bibliothèque nationale algérienne.
Premier reflexe : chercher une plume. Un fin clic sur le lien de la rubrique «Plumes».
La rubrique me répond en texte : «Cet espace est réservé à tous les écrivains, créateurs et scientifiques. Nous les invitons à enrichir cette page par leurs travaux, œuvres, et créations.» Evidemment, je n’ai trouvé aucun écrivain algérien ayant «honoré» la rubrique, sauf le dessin d’une plume Bic au design archaïque flottant à droite sur de l’encre virtuelle.
Ceci pour dire que le Livre en Algérie se fait sa promotion ailleurs que dans une bibliothèque ; celle-ci répondant en partie aux recherches académiques adaptées aux programmes universitaires.
Pour savoir qui lit le livre en Algérie il faut connaitre qu’est ce qu’il lit, celui qui le vend, puis celui qui le promeut pour atteindre enfin celui qui l’édite.
On s’en fout de celui qui l’écrit du moment qu’il est autorisé. C’est l’amère vérité car le lectorat extra-universitaire tend à disparaitre et se transforme en lectorat religieux, là où le marketing bat son plein.
Le terrain a été cédé par la force de l’ignorance à un segment mercantile monopolisé par les «barbus», il faut l’admettre. Il s’agit, pour les plus aguerris, d’un marché qui cible non un lecteur mais un consommateur.
Et à défaut de produits locaux de «qualité» conforme aux normes qualité/prix établies, tout est bon à prendre si le contexte marketing y est.
Les autorités ayant pris conscience de ce monopole tendent à enclencher de temps à autre des campagnes de sensibilisation, la censure ne marchant que pour les écrits francophones.
C’est l’exemple de la 13ème édition du Salon international du Livre à Alger, Sila. A défaut de repères et d’études scientifiques se souciant du lecteur algérien, le Sila est devenu depuis sa 10ème édition une référence pour cerner le comportement du «consommateur» et fournir des données sur les livres qui intéressent.
En matière d’exposants, le Sila a connu un taux d’évolution de 14,92%, en trois ans, avec 459 exposants cette année contre 345 en 2005.
Selon les organisateurs du salon, 300.000 visiteurs ont sillonné ses stands de 8.923 m², contre 250.000 visiteurs lors de la 10ème édition.
24 éditeurs ont participé au Sila avec 95 titres dont «Cinq fragments du Désert» de Rachid Boudjedra.
Qu’est ce que le Sila peut-il nous indiquer ? Il faut croire que le Salon est assez représentatif de ce que lisent les algériens.
22 pays ont honoré le salon cette année avec 77 participants égyptiens, soit plus de la moitié des participants algériens qui ont été 125. Les libanais ont été 50.
Additionnés aux autres écritures arabophones, il aura fallu les respectifs 86 et 13 participants français et belges pour équilibrer le salon.
7 prix ont été attribués pour que le Sila ferme ses portes et soit vite oublié. Et pourtant le président de la République en avait prévenu dans son allocution d’ouverture en inaugurant un salon ou se mêlent censure et tabou.
Extrait : «Le rôle des intellectuels et des créateurs ne se limite évidemment pas à une manifestation, même si elle dure des semaines ou des mois ; il doit se manifester en tout temps et en tout lieu». Il continuera : «L’histoire de la civilisation humaine montre que les grandes révolutions ont toujours été précédées puis suivies par des dirigeants dans le domaine de la science, des arts et des lettres». Je n’ai qu’à revenir chez le bouquiniste sur le trottoir pour troquer les mêmes livres que je lui ai achetés il y peu de temps avant qu’il ne se mette à vendre des livres religieux qui ont envahi les librairies et fardent le décor avec leur titres doctrinaires.
A ce rythme, la révolution littéraire n’est pas pour aujourd’hui.
Redouane Benchikh
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