Le FMI et l'économie algérienne

Redaction

fmiContradiction entre l’optimisme démesuré de la mission des experts du FMI de novembre 2009 et le rapport officiel du FMI d’octobre 2009 ?

1.-Outre qu’il ay lieu de signaler que le FMI pour l’évolution de l’économie mondiale entre 2009/2010 a fait plus de quatre prévisions contradictoires, et qu’ au sein des experts internationaux et institutions internationales existent de profondes divergences , il est utile de rappeler qu’il y a lieu de distinguer le rapport officiel du FMI ayant trait aux indicateurs de l’économie mondiale publié chaque année entre octobre et novembre , des missions effectués par le FMI via ses experts. Comme existe des fonctions distinctes entre le FMI chargé d’analyser les équilibres macro-économiques et monétaires et celui de la banque mondiale chargée d’analyser les réformes micro-économiques et institutionnelles. Pour preuve la mission du FMI effectuée en Algérie avait prévu un taux de croissance global pour 2009 à plus de 5% mais dans son rapport officiel du 02 octobre 2009 publié à la veille de la tenue des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale à Istanbul (Turquie) l’a ramené à 2,1%. Par ailleurs, un taux de croissance se calcule par rapport à l’année précédente et un taux de croissance faible multiplié par un l’accroissement d’un taux légèrement positif l’année qui suit, donne toujours en valeur relative, un taux de croissance faible.

Ce qu’il faut également savoir, qu’il faut savoir est que les déclarations des experts du FMI et quel que soit le pays, se basent sur les données officielles gouvernementales mais à Washington , au vu des comparaisons internationales, des tests de cohérence, lors de l’élaboration du rapport final, il y a souvent des redressements soit à la hausse soit à la baisse selon la conjoncture propre à chaque pays et au vu de l’évolution de l’économie mondiale qui influe sur le taux de croissance intérieur du fait de l’interdépendance des économies. Cela a été le cas pour un autre organisme international, le PNUD, rapport élaboré par le CNES avec l’appui de certains experts de la banque mondiale qui avaient déclaré que l’indice du développement humain en Algérie serait en nette amélioration dans le prochain rapport, mais le rapport final du 04 octobre 2009 après les tests de cohérence, a rétrogradé l’Algérie de la 100ème place en 2008 à la 104 place en 2009.

2.- En effet, dans son rapport du 02 octobre 2009 sur les perspectives économiques mondiales , inquiétant pour l’Algérie remettant en cause les prévisions gouvernementales de création de trois millions d’emplois entre 2009/2013,nécessitant un taux de croissance de 6/7% sur cinq années , le FMI a prévu un taux de croissance de 2,1% en 2009 et 3,7% en 2010 en mettant l’accent sur la non proportionnalité entre les dépenses publiques 200 milliards de dollars entre 2004/2009, tirées essentiellement par les hydrocarbures et les impacts économiques et sociaux , une moyenne 2004/2009 inférieure de taux de croissance à 3% alors que ces dépenses auraient du occasionner une croissance supérieure à 7% avec ce paradoxe, le produit intérieur brut PIB moyenne 2008/2009, est presque l’équivalent des réserves de change (144 milliards de dollars) dues à des facteurs exogènes.

Par contre les déclarations (non pas un rapport) sur l’économie algérienne rendu public par les experts du FMI le 03 novembre 2009 s’en tient à des constats très généraux et l’appréciation très conventionnelle. « l’Algérie ne serait pas touché par la crise mondiale directement mais indirectement par le canal de la baisse des recettes des hydrocarbures, l’économie algérienne continuant d’afficher de bons résultats , une croissance hors hydrocarbures solide lit-on dans la déclaration finale , le taux d’inflation maîtrisée et qu’il y a aurait réduction du taux de chômage ( ceci étant en contradiction avec les derniers rapports de la banque mondiale qui affirment le contraire ) notant toutefois que les dépenses globales de l’Etat restent élevées , l’Algérie affichant pour 2009 un déficit qui pourrait atteindre 8,4% du PIB encore qu’existent des sous entendus concernant le climat des affaires, bureaucratie encore lourde, des politiques économiques incertaines et changeantes.

Car les expert du FMI envoyés à Alger ne peuvent ignorer le classement du Doing Business 2009 où l’Algérie figure à la 15ème place sur les 19 pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, juste avant la Syrie , l’Iran, l’Irak et Djibouti. Comment peut-on afficher une telle sérénité qui peut induire en erreur les pouvoirs publics algériens oubliant que cela est du essentiellement aux cours élevés des hydrocarbures les années passées et non à la création de valeur par le travail et l’intelligence, l’économie algérienne de juillet 1963 à octobre 2009 étant essentiellement une économie rentière. Et l’Algérie sans les hydrocarbures ? Car, existent deux rapports contradictoires, en plus du nouveau modèle de consommation énergétique qui se met lentement en place entre 2015/2020, qui certes sont fonction du couple vecteurs prix/coût futur,du rythme des exportations et de la consommation intérieure souvent oubliée, celui de l’AIE d’août 2009 qui prédit un épuisement des ressources en pétrole en Algérie dans 16 ans et celui du premier ministre Ahmed Ouyahia qui dit 25/30 ans pouvant découvrir des centaines de gisements non rentables financièrement . Or 30 ans c’est demain l’Algérie étant indépendante depuis 47 ans sans que l’on ait préparé l’après pétrole.

II- NUANCER CERTAINS PROPOS POUR ÉVITER DES ERREURS DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE

Car il est utile de rappeler des faits afin d’avoir une clarté et une cohérence dans la démarche future de la politique socio-économique du pays et je recense quatre raisons :

1.1.-Première raison, tenant compte de la croissance de la population active( 3,4% par an minimum) , c’est-à-dire que le flux annuel de demandes d’emplois( 400.0000/450.000/an) et une réduction du taux de chômage actuel implique un taux de croissance selon l’avis unanime des organismes internationaux entre 7/8% sur plusieurs années cumulées, taux d’ailleurs confirmé officiellement à maintes reprises par le gouvernement algérien, pour atténuer à terme les tensions sociales. Il existe des lois économiques universelles applicables à tous les pays : le taux d’emploi dépend du taux de croissance et des structures des taux de productivité. On ne crée pas des emplois par des lois et décrets : c’est l’entreprise qui crée l’emploi. Il s’ensuit qu’avec un taux de croissance de 2/3%, l’Algérie évitera les licenciements massifs, comme cela se passe de par le monde. Or, Sonatrach ne créant pas d’emploi est déjà en sureffectifs. Avec les taux de croissance 2/3%, l’on pourrait créer moins de 50% du programme à moins que le gouvernement ait des solutions innovatrices loin des actions de distribution de salaires fictifs au nom de la solidarité ou des milliers de jeunes s’adonnent temporairement à désherber les routes ou à faire et refaire des trottoirs. L’économie algérienne a enregistré pour la première fois un taux de croissance inférieur à la moyenne méditerranéenne (moins de 3% contre 4,8% en 2008) -suite aux fluctuations du prix du pétrole et à la crise économique internationale »-

C’est ce que relève le dernier rapport du Forum Euro-méditerranéen des Instituts des Sciences économiques (Femise) sur le partenariat euro-méditerranéen dans son rapport fin octobre 2009, l’ Algérie ayant longtemps suivi un modèle de croissance à accumulation extensive, subissant les effets du manque de diversification de sa structure productive qui aurait pu assurer une productivité plus élevée et à diminuer les retombées de la crise sur l’économie réelle, les exportations d’hydrocarbures représentant, la quasi-totalité des exportations totales» . L’indicateur de performance logistique (LPI) de l’Algérie place le pays en 140ème place sur 150 pays, montrant, une déficience en matière de réduction de coûts et de barrières administratives et une mauvaise qualité fonctionnelle, analyse confirmée par le rapport de la banque mondiale sur l’évaluation des effets de la dépense publique en Algérie réalisée sous l direction de Theodore O. Ahlers ( rapport n°36270 DZ 15 août 2007 2 volumes), montrant, à partir d’enquêtes précises sur le terrain clairement la faible efficacité de ces dépenses contrairement aux affirmations des experts du FMI en mission à Alger.

2.2-Deuxième raison, nous savons que le taux de croissance du PIB a été officiellement de 1,6% en 2006, moins de 2% en 2007, inférieur à 3% en 2008, et selon les prévisions d’octobre 2009 du FMI sera à 2,1% en 2009 et 3,7% en 2010, la mission du FMI à Alger e novembre 2009 affirmant 4 et 5% et donc qui croire ? La technique connue des économistes – triangularisation du tableau d’échange interindustriel- permet de démontrer que les hydrocarbures irriguent l’ensemble de l’économie et le segment hors hydrocarbures l’est à plus de 80% sur le total des 5/6% hors hydrocarbures de taux de croissance invoqué par les experts du FMI , restant aux seules véritables entreprises une participation réelle inférieure à 10% du total du produit intérieur brut ( PIB). Pour l’Algérie cette performance est dérisoire comparée à la dépense publique dont les prévisions officielles 2004/2009 sont passées successivement de 55 milliards de dollars en 2004, à 100 milliards de dollars en 2005 (inclus le Sud et les hauts plateaux) puis sans explications à 140 milliards de dollars fin 2006 et selon les déclarations de l’ex chef du gouvernement Abdelaziz Belkhadem en conseil du gouvernement courant 2007( repris par l’APS) à plus de 200 milliards de dollars . Comparé aux dépenses sur la population, des pays similaires en voie de développant dépensant le 1/3 de l’Algérie ont des taux de croissance plus importants.

2.3-Troisième raison, pour ces experts L’inflation est maîtrisée bien qu’ en hausse (5,8%) en raison d’une flambée des prix des produits alimentaires frais. Hors inflation des aliments frais, elle reste faible (1,4 %), grâce aux subventions pour certains produits alimentaires de base. Or une analyse objective doit faire le lien entre le processus d’accumulation et la répartition du national par couches sociales où l’on assiste à une détérioration du pouvoir d’achat de la majorité, les agrégats globaux ayant une signification limitée sachant que 80% revenu moyen de la majorité de la population entre 2008/2009 sont consacrés justement aux besoins essentiels touchés par l’inflation.

2.4- Quatrième raison,les observateurs du FMI omettent d’analyser un facteur important qui a un impact négatif sur l’économie algérienne à savoir la dépréciation du dollar , le cours ayant dépassé la barre symbolique depuis quelques jours de 1,50 dollar un euro et depuis quelques jours fluctuant entre 1,41 et 1,48 dollar un euro ayant perdu plus de 50% de sa valeur depuis 2000, (26 octobre 2000 : 1 EUR = 0,8252 USD) certains instituts stratégiques mondiaux prévoient sa dépréciation à plus de 1,60 dollar un euro, la politique monétaire des Etats-Unis d’Amérique correspondant à une politique volontaire de baisse du dollar afin d’essayer de réduire le déficit commercial et de limiter la valeur réelle de leur endettement mondial libellé en dollars. Cette dépréciation du dollar ainsi que le rythme de l’inflation mondiale ont un impact négatif sur le financement et le pouvoir d’achat des réserves de change de l’Algérie ( dont les bons de trésor américain ,montant supérieur à 44 milliards de dollars) bien que n’existe pas une corrélation à 100% entre la baisse/hausse du dollar et du cours du pétrole, les hydrocarbures représentant 97/98% de nos exportations libellées en dollars et sur les importations algériennes ,60% environ libellées en euros.

III.- EN CONCLUSION CERNER LES VRAIS ENTRAVES AU DÉVELOPPEMENT

Il ne faut pas avoir une vision essentiellement négative, mais à travers cette modeste contribution , j’ai voulu essentiellement essayé de cerner les vrais enjeux futurs de l’économie algérienne : comment passer d’une économie de rente à une économie productive donc comment enclencher une production et exportation hors hydrocarbures, passant nécessairement par une plus grande cohérence et visibilité dans la politique économique, éviter l’instabilité juridique et donc une gouvernance rénovée. L’Algérie a toutes les potentialités matérielles surtout humaines richesse bien plus importante que toutes les réserves d’hydrocarbures pour devenir un pays pivot au sein de l’espace euro- méditerranéen et arabo –africain, son espace naturel. Car le grand danger à la lumière de l’analyse de la balance de paiement document beaucoup plus fiable que la balance commerciale est ce triplement entre 2006 et 2008 du poste services qui risque de prendre la relève de l’ancien service de la dette, dépendance beaucoup plus grave, réduit grâce aux remboursement de la dette par anticipation, atteignant 11 milliards de dollars en 2008, certainement une somme équivalente ou supérieure pour 2009 selon les informations du premier semestre 2009, traduisant ce paradoxe : paiement des compétences étrangères et exode de cerveaux algériens à l’étranger étant passé des usines clefs en main à des infrastructures clefs en main sans permettre l’accumulation du savoir faire technologique et organisationnel local qui est la base d’un développement durable hors hydrocarbures.

L’Algérie connaît certes un cadre macro-économique relativement stabilisé et il est indéniable que la politique monétaire suivie par le gouvernement algérien depuis 1996, date de l’ajustement structurel suite au rééchelonnement de 1994 ( cessation de paiement) a permis de contenir l’inflation , rappelant le taux d’inflation approchait les 30% en 1998 et a permis de le réduire à 4,5% en 2008, certainement supérieur à 5% en 2009 du moins selon les officiels, certaines institutions internationales donnant environ 12% dans une enquête sur la région MENA . Comme cela a permis de réduire l’endettement du pays ou le principal en 2009 est inférieur à 4 milliard de dollars avec une baisse substantielle tant de la dette intérieure que du service de la dette qui prenait toujours entre 1996/1997 plus de 70% des recettes d’exportation et ce grâce au remboursement anticipé de la dette extérieure. Mais, c’est une condition nécessaire mais non suffisante autant qu’avoir des réserves de change dues essentiellement comme en Algérie à des facteurs exogènes. Rappelons le syndrome hollandais (beaucoup d’argent, corruption généralisée, et absence de création de richesses durables) Les expériences historiques montrent clairement que le cadre macro-économiquestabilisé est éphémère sans de profondes réformes micro économiques et institutionnelles qui seules permettent une croissance durable. Car, cette situation financière a été permise depuis 2000 grâce au cours élevé des hydrocarbures( en rappelant que l’Algérie a environ 1% des réserves mondiales de pétrole et 3% en gaz devant donc aller vers l’épuisement ) et non pas grâce à la gouvernance interne et donc une politique socio-économique hors rente : pour preuve les exportations hors hydrocarbures entre 1996/2009 représentent moins de 3% du total dont plus de 70% de déchets ferreux et semi –ferreux.

Docteur Abderrahmane MEBTOUL, professeur d’Université – Économiste –

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