Le harcèlement moral et sexuel au travail en Algérie. Écrire une loi est bien, Prévenir et éduquer c’est encore mieux !

Redaction

Suite à L’article de M. Samir Rekik : Le harcèlement moral et sexuel au travail, je viens ajouter mon grain de sel. Nous ne pouvons qu’applaudir une telle loi, maintenant comment cela va être appliqué?

Ce titre comporte deux volets, les conditions de travail en Algérie pour les hommes et les femmes, et le volet harcèlement des femmes. Je vais m’intéresser à la deuxième partie dans ce qui suit.

Dans une situation de harcèlement sexuel, il y a l’abuseur qui est un homme et sa victime une femme.

1) Intéressons nous à Monsieur : Souvent, la position de pouvoir va lui donner (dans sa petite tête) le droit de disposer d’autrui à sa guise. Dans ce cas là, ni femmes ni hommes ni enfants ne sont préservés. Nous connaissons tous au moins un père de famille qui reproduit ce modèle. Je suis le chef de famille, je vous fais manger, alors je dispose de vous comme je veux. Et il s’en va appliquer son schéma de vie dans son entreprise.

Maintenant, si nous nous intéressons à l’abuseur de femmes seulement, il a toujours et d’abord l’impression de pouvoir, je suis un homme donc je suis le plus fort.

Les hommes harcèlent les femmes impunément en Algérie, dans la rue, à l’école, dans les universités, dans les familles et ensuite dans le travail.

Cet homme harceleur, qui est il ? Cela peut être, le voisin, le maître, le docteur, le policier, l’épicier, l’avocat, le ministre, l’imam,le père, l’oncle, le frère ou peut être même vous. Cela a été prouvé le harcèlement est une forme de violence et la violence n’a ni âge, ni classe sociale, ni race ni niveau intellectuelle.

Souvent les abuseurs reproduisent le modèle qu’ils ont toujours vu faire. Imaginez le petit gars qui à partir de l’âge de 5 ans a vu son père crier sur sa mère, son oncle battre sa tante etc. Il a aussi entendu sa mère dire à sa sœur qu’elle devait lui laver ses habits parce que lui est un gars et elle juste une fille.

Imaginez le au lycée pour garçons seulement en grande discussion parler avec ses copains sur une histoire d’amour imaginaire qu’il entretient avec la voisine et imaginez toutes les réponses macho que ses fabulations suscitaient. Imaginez le au travail côtoyant ces femmes qui ont su prendre leur place au travail juste au travail! Réalisez vous le degré de sa frustration ? Comment pensez vous, qu’il va réagir ?

2) Regardons du côté femme: Cette femme victime de harcèlement qui est elle, d’où vient elle? Cela peut être n’importe quelle femme qui se trouvait à la mauvaise place et au mauvais moment. Cela peut être votre sœur, votre mère, votre tante, votre femme, votre fille, votre amie ou même vous. N’importe quelle femme dans le monde entier peut rencontrer un abuseur, un harceleur, un contrôlant ou un violent. La différence va se situer dans la réaction à l’acte de harcèlement.

Si on se situe en Algérie, très peu de femmes réagiront en posant un geste concret comme porter plainte ou même dénoncer l’acte de harcèlement auprès de ces proches.

Pourquoi? Tout simplement par peur d’être jugée. (Reportez-vous à l’article de Samir et la femme brûlée en France, il y a de quoi traumatiser les plus braves).

Ces femmes reproduisent aussi le modèle qu’elles ont vu faire depuis leur tendre enfance. Imaginez la petite fille, qui a grandi dans un milieu où la femme a toujours eu à baisser les yeux et les bras d’ailleurs, devant un homme. Comme monsieur plus haut, elle a vu les hommes de son entourage abuser, violenter, harceler les femmes. Elle a appris jeune à laisser sa place à l’homme. Je ne peux m’empêcher de relater ce qui suit :

Durant mon dernier passage en Algérie, j’ai assisté à plusieurs situations qui m’ont interpellée par rapport à ce sujet. Je choisis celle qui mettait en scène des enfants et je suis sûre que chaque lecteur doit en avoir au moins une dizaine d’histoires similaires.

Sur un grand trottoir, une petite fille de 8 à 10 ans faisait la classe à cinq petits bambins, assis sur des bancs. Debout, elle utilisait le mur comme tableau et avait un long bâton dans la main. Je rends hommage à sa débrouillardise. Je m’approchais pour regarder ces enfants jouer à la maîtresse. Je suis frappée par les intonations de voix assez stridentes et le regard rude de la petite fille. Je lui demande pourquoi tu cries ma petite chérie, pourquoi tu as l’air fâchée ? Et elle de répondre: Je ne suis pas fâchée je joue à la maîtresse! (étrange modèle, non ?) Je continuais de regarder et quand une petite fille parmi les cinq bouts de chou a voulu parler, la maîtresse se fâcha pour de bon et de répliquer : Tais toi ! Je demandais encore pourquoi une telle colère et la réponse ma glaçait le dos : C’est juste une fille, le garçon allait parler d’abord!

Nous venons de voir, d’où vient l’abuseur et d’où vient la victime. Pensez vous, qu’en sortant une loi pareille, nous règlerons le problème? Lutter contre le harcèlement veut dire lutter contre la violence physique, verbale, psychologique et économique envers les femmes. C’est un projet de longue haleine qui commence d’abord dans la plue petite cellule sociale qui est la famille, ensuite les écoles. Un programme de sensibilisation à l’échelle nationale doit être mis sur pied et ensuite ce programme doit être supporté par des lois.

La violence peut pourrir une société et détruire les relations humaines surtout les relations hommes femmes. Les victimes de violence, de harcèlement, développent un moyen de survie qui est la manipulation, le mensonge afin de se protéger. N’avez-vous jamais rencontré un homme ou un père violent qui se plaint que sa femme ou ses enfants lui mentent continuellement? Si les hommes demeurent violents, les femmes demeureront menteuses et manipulatrices pour sauver leur peau. Imaginez les enfants issus de ce couple dysfonctionnel !

Il y a des médias, radio, télévisions, journaux, pourquoi ne pas profiter de tous ces canaux de communication pour atteindre les gens chez eux avec un programme structuré de sensibilisation anti-violence pour appuyer cette loi ? C’est le timing idéal pour mobiliser toutes les associations qui œuvrent contre la violence faite aux femmes non ?

Pour conclure voici une altercation qui se passait en Algérie entre une jeune femme fraîchement mariée et son conjoint: Tu n’as pas le droit de me donner une gifle, c’est moi qui travaille et c’est moi qui m’occupe de la maison! Mon père au moins lui sa femme ne travaillait pas, il avait le droit de la battre!

Si vous analysez ces paroles, que concluez vous? Cette jeune femme a intégré dans sa logique que c’est normal pour un homme de battre sa femme s’il fait fonction de pourvoyeur. Cela vous donne t-il une idée sur la tâche colossale qui est l’éducation, la sensibilisation et surtout la « détabouisation » de la relation homme femme dans notre pays ? Cela fait peur non?

Nacera kherbouche

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