Tente bédouine plantée dans le jardin de l’ambassade de Libye, promenade sur la place Navone, où il a acheté pour 300 euros de bagues de pacotille, et surtout soirée en compagnie de cinq cents jeunes femmes : les frasques de Kadhafi, font les gros titres des médias italiens.
Venu célébrer avec son ami Silvio Berlusconi le deuxième anniversaire du traité d’amitié du 30 août 2008, qui a mis fin au contentieux sur la période coloniale, Kadhafi a donné, dimanche 29 août, une longue leçon sur l’islam à son auditoire féminin, voilé et sélectionné par une agence d’hôtesses pour une rémunération de 80 euros.
La présidente du Centre italien féminin, Maria Pia Campanile, a dénoncé le « spectacle inacceptable » de cette « rencontre entre le dictateur-sultan libyen Kadhafi et un groupe consistant de jeunes filles recrutées par une agence à condition d’être jeunes, belles et muettes ». L’une des phrases prononcées par le leader libyen s’étale en une de toute la presse : « L’Europe doit se convertir à l’islam », titre la Repubblica, « l’islam doit devenir la religion de toute l’Europe », écrit la Stampa.
Le sous-secrétaire à la présidence du Conseil, Carlo Giovanardi, catholique très pratiquant, a cherché à éteindre l’incendie en parlant de « formule prononcée dans un cercle privé ». Mais le député européen Mario Borghezio, membre de la Ligue du Nord, allié clé du gouvernement Berlusconi, s’est inquiété d’un « projet dangereux d’islamisation de l’Europe » et a invité le gouvernement à se méfier de Kadhafi et de sa « philosophie de marchand de tapis », dans une allusion aux gros contrats qui seraient à la clé de sa visite en Italie.
La presse a évoqué l’achat de matériel de défense italien par la Libye, qui a déjà récemment accru sa présence au capital du groupe bancaire italien Unicredit. Pour l’Italie, le traité d’amitié prévoit 5 milliards de dollars d’investissements en compensation de la colonisation, dont une autoroute littorale de 1 700 kilomètres en Libye. Et le groupe Eni a prévu 25 milliards d’euros d’investissements en Libye, décrite par son patron Paolo Scaroni comme la « pupille de ses yeux ».
Avec ses déclarations sur l’islam, « l’objectif de Kadhafi est de faire croire qu’en Occident il n’y a pas de dignité, que l’Europe ne croit qu’à l’argent », a dénoncé Rocco Buttiglione, président du parti chrétien-démocrate UDC, en lui demandant de « garantir une véritable liberté de religion en Libye ».
Le responsable des affaires juridiques de la conférence épiscopale italienne (CEI), Mgr Domenico Mogavero, a de son côté prévenu que l’Eglise demanderait à Kadhafi des comptes sur le sort des immigrés refoulés par l’Italie vers la Libye au nom d’une clause du traité d’amitié bilatéral. « Je trouve préoccupant qu’on ne sache rien de ce qui arrive aux désespérés d’Afrique arrêtés par la police libyenne », a dénoncé Mgr Mogavero, qui comptait s’entretenir avec Kadhafi lors d’un colloque lundi après-midi, après l’inauguration d’une exposition photographique par Kadhafi et Berlusconi.
La section italienne d’Amnesty International a également demandé à Berlusconi d’évoquer les « graves violations » des droits de l’homme en Libye dans ses discussions avec Kadhafi.
A la nuit tombée, Berlusconi devait offrir à Kadhafi, l’iftar, le repas de fin de jeûne du ramadan, en présence de huit cents invités, après une grande parade équestre à laquelle participeront trente pur-sang berbères et leurs cavaliers acheminés par avion spécial de Tripoli.
lemonde.fr
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