Le Maghreb et l’Afrique face aux enjeux géostratégiques des Etats-Unis d’Amérique, de l’Europe et de la Chine

Redaction

Updated on:

1- En ce début du 21ème siècle, des disparités de niveau de vie criardes font de notre planète un monde particulièrement cruel et dangereusement déséquilibré. L’abondance et l’opulence y côtoient d’une manière absolument insupportable la pauvreté et le dénuement. Sur les six milliards d’habitants que compte la planète, un cinquième – dont 44% en Asie du Sud – a moins d’un (01) dollar par jour de revenu. Si dans les pays du Nord, 5% de la population souffrent de malnutrition, ce taux monte à 50% dans les pays du tiers-monde.

Le revenu moyen des 20 pays les plus riches est 37 fois plus élevé que celui des 20 pays les plus pauvres qui appartiennent à l’Afrique sub- saharienne, à l’Asie du Sud et à l’Amérique Latine. Quand on sait que, dans les 25 prochaines années, la population mondiale augmentera de deux milliards d’individus – dont 1,94 milliard pour les seuls pays en voie de développement – on peut imaginer aisément le désastre qui menace cette partie de l’humanité si rien de décisif n’est entrepris dès aujourd’hui. L’injustice au niveau mondial est due à une répartition inéquitable des richesses mais aussi à la gouvernance, des plus discutable, qu’exercent les élites politiques des pays du tiers-monde. Tout cela renvoie à des enjeux géostratégiques de première importance, objet de cette modeste contribution.

2- Les récentes rencontres Afrique-Europe, USA-Afrique et Chine-Afrique (le Maghreb s’insérant dans le cadre de l’espace de l’Afrique du Nord) ont pour objectif la reconfiguration géostratégique du monde. Car il est illusoire en ce XXIème siècle de raisonner en termes d’Etats- Nations et toute politique locale doit prendre en compte le processus de mondialisation, rapport social complexe, produit du développement du capitalisme, processus non encore achevé tant à travers les flux commerciaux, de capitaux, de la ressource humaine à travers l’exode de cerveaux, les régimes de change, que de la stratégie militaire qui soutient l’économie.

Aussi y a-t-il lieu de tenir compte de la stratégie tripolaire mondiale à travers l’Alena en Amérique, l’Apec avec l’Asie et l’entrée de la Chine et la construction européenne devant s’élargir sur son flanc Est et Sud de la méditerranée, (espace économique Europe-Afrique via le Maghreb) qui entraîneront des bouleversements considérables, sans compter les puissances régionales comme le Brésil, l’Inde et le Pakistan. La stratégie des USA du Grand Moyen-Orient obéit à cet impératif stratégique de contrôler les portes de l’Asie, notamment l’énergie du fait d’une dépendance accrue de l’économie mondiale à l’égard du pétrole et du gaz. Pour leur part, les européens insistent également sur le renforcement de leur politique euro- méditerranéenne et le processus de Barcelone qui « lie l’UE depuis dix ans aux pays de la région » bien que l’impact a été mitigé.

3- Aussi, il faut replacer ces actions dans le cadre du contrôle économique mondial en introduisant un troisième acteur, à savoir la Chine lorsqu’on sait qu’elle est devenue la deuxième puissance économique mondiale et est actuellement la deuxième importatrice de pétrole/gaz après les USA, d’où le souci pour éviter son encerclement de s’ouvrir sur l’Afrique et le Moyen-Orient, ayant un allié stratégique l’Iran.

Le problème du contrôle des réserves stratégiques explique en partie ce qui s’est passé en Irak (2ème puissance pétrolière après l’Arabie Saoudite), au Liban, les tensions au Soudan (dont la Chine est présente dans ce pays pour le pétrole, ce qui explique sa positon dans la crise du Darfour); avec l’Iran (2ème puissance gazière mondiale après la Russie) et surtout ce pays contrôlant une grande partie du passage maritime des exportations des hydrocarbures des principaux pays du Golfe à travers le détroit d’Ormuz, dont les réserves mondiales sont de plus de 60% de la planète.

Cette configuration géostratégique, même lente, s’accompagne de l’adaptation des grosses firmes mondiales qui éclatent en vastes réseaux à travers le monde, tissant des relations complexes entre les circuits réels et financiers, transgressent les frontières géographiques nationales grâce à la révolution dans les domaines de la télécommunication, de l’informatique avec prédominance des services qui deviennent des activités marchandes à forte valeur ajoutée. Les institutions internationales ont tendance à jouer comme support de coordination de ces grands ensembles et le rôle des États se concentre sur leurs vocations naturelles qui sont la cohésion sociale et l’adaptation à ces mutations en ce monde où le temps économique ne se rattrape jamais.

4- Toute Nation qui n’avance pas recule. Dans ce contexte, l’Afrique, qui paradoxalement est un continent qui a des ressources naturelles et des potentialités importantes mais avec un taux de misère des plus élevé du monde, dû à la fois à la mauvaise gouvernance interne, aux effets de la colonisation et à la détérioration des termes de l’échange des produits primaires, constituera un enjeu majeur durant ce siècle, d’où les redéploiements des USA et de la Chine, tout en n’oubliant pas l’Europe qui craint que plus d’un milliard d’âmes frappe à ses portes. Car l’Afrique abrite actuellement 950 millions d’habitants, et en 2020, 1,5 milliard d’habitants.

Existant une mobilité du monde, que l’objectif est de fixer durablement les populations par un développement durable et éviter ce mythe d’eldorado artificiel, notamment l’Europe, l’Amérique ou l’Australie. De ce fait, il est même impératif pour les pays développés et pour l’intérêt de l’humanité qu’à une vision strictement marchande se substitue un co-développement pour une richesse partagée tenant compte d’une bonne gouvernance par une lutte efficace contre la corruption qui mine les nations africaines, et de l’enjeu du XXIème siècle qui est celui d’une véritable politique écologique (tenant compte de la protection de l’environnement et du cadre de vie) impliquant une réorientation de la politique agricole, industrielle et énergétique. Le dialogue des civilisations et la tolérance sont des éléments plus que jamais nécessaires à la cohabitation entre les peuples et les nations.

Docteur Abderrahmane MEBTOUL : Professeur d’Université en management stratégique, Expert International

Quitter la version mobile