LE FONCTIONNEMENT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL A BESOIN D’ÊTRE REVU.
Le président de la république n’a pas besoin de rapports complaisants mais de rapports objectifs qui évitent tant le dénigrement gratuit que l’autosatisfaction source de névrose collective. Aussi, un bilan sans complaisance s’impose afin de corriger les effets pervers de la politique socio –économique.
Sommes nous sur la bonne voie ? Telle est la question qui aurait mérité d’un débat contradictoire utile loin de toute passion, car engageant l’avenir du pays et donc la sécurité nationale au niveau du conseil économique et social et non des répétitions des rapports du gouvernement.
1- Ainsi, lit-on dans le rapport de conjoncture pour l’année 2009 du Conseil national économique et social (CNES) présenté le 24 décembre 2009 à Alger je cite : « le budget d’équipement pour 2009, qui enregistre une hausse de 11,7% par rapport à 2008, marque la phase de clôture du coût global des projets inscrits dans le programme complémentaire de soutien à la croissance et dans les programmes Sud et Hauts plateaux pour la période 2005-2009 à 13.610 milliards DA( plus de 190 milliards de dollars) . Malgré une forte chute des prix des hydrocarbures, le financement public en 2009 demeure soutenu grâce à une forte accumulation des réserves financières durant les années précédentes représentant 40% du Produit intérieur brut en 2009″, – Le taux de croissance, hors hydrocarbures, entre 10,5% et 11%, réalisé par l’Algérie durant l’année 2009, est appréciable ».
2.-Pas de surprise puisque ce montant de dépenses publiques je l’ai donné depuis quatre mois à la presse algérienne. Car, je rappelle que l’année 2009 verra la fin du programme du président de la république de soutien à la relance économique 2004/2008 qui est passé successivement de 55 milliards de dollars fin 2004, à 100 fin 2005, 140 fin 2006 et dépassera certainement 200 milliards de dollars fin 2009, ces dépenses étant permises grâce au cours élevé des hydrocarbures entre 2006- premier semestre 2008 dont les infrastructures ont absorbé plus de 70% de ce montant.
Or la question qu’il convient de se poser : les impacts ont-ils été proportionnels à ces dépenses colossales et sans précédent qui représentent 40% du programme du président US, 35% du programme de la Chine et plus de 50% du programme de l’Europe ? Invoquer 9% selon le premier Ministre à l’occasion de la tripartie, 10% selon le Ministre des Finances et 11% selon le CNES ( qui dit mieux et qui croire ) hors hydrocarbures en 2009, et comment expliquer par miracle ce doublement par rapport aux prévisions officielle de 5/6% il y a de cela seulement 5 mois alors que les fondamentaux économiques n’ont pas changé.
Comme j’ai eu à le démontrer c’est un chiffre artificiel, car plus de 80% des segments hors hydrocarbures sont irrigué eux-mêmes par la rente des hydrocarbures ( BTPH notamment et assainissement répétée des entreprises publiques plus de 3250 milliards de dinars entre 1991/2010, 70% étant revenus à la case de départ selon les rapports officiels pour un effectif inférieur à 500.000 personnes pour tout le secteur public économique ) restant aux véritables entreprises créatrices de richesses moins de 2/3% hors hydrocarbures alors que le taux de croissance de la population active dépasse 3,5% flux annuel de demande d’ emplois additionnel 450.000/500.000 /an.
Pour des dépenses représentant 1/3, des pays similaires au notre ont eu un taux de croissance largement supérieur témoignant à la fois de mauvais choix dans l’allocation des ressources financières et de la mauvaise gestion généralisée ce qui implique de poser les raisons de l‘ inefficacité de la dépense publique car le taux de croissance durable et non fictif hors hydrocarbures reprises par les entreprises aurait du être de plus de 7/8%.
Commet peut-on affirmer en pleine ENTV officiel le 24 décembre 2009 à 20h comme le fait le Ministre du travail, et sans nuance, qu’il sera créé 3 millions d’emplois entre 2010/2013 induisant en erreur tant l’opinion publique que le président de la république comme si la création d’emplois dépendait de décrets et de lois alors qu’il s ‘agit de réorienter toute la politique socio-économique , les infrastructures n’étant qu ’un moyen devant reposer sur els deux fondamentaux du développement du XXIème siècle , améliorer la gouvernance et valoriser le savoir ce qui suppose que ce Ministère ait une véritable politique salariale inexistante axée sur al création de valeur et non la distribution de rentes .
3.- Le Conseil Economique et social à l’instar des missions des CNES de par le monde , au lieu de redire des affirmations parues les communiqués des différents conseils de gouvernement , aurait du analyser et proposer des solutions concrètes , notamment les raisons du décalage entre la planification budgétaire et les priorités sectorielles;
-l’absence d’interventions efficaces dues à un morcellement du budget résultant de la séparation entre le budget d’investissement et le budget de fonctionnement (récurrent) ;-des passifs éventuels potentiellement importants, des écarts considérables entre les budgets d’investissement approuvés et les budgets exécutés;
– des longs retards et des surcoûts pendant l’exécution des projets, ce qui témoigne de la faiblesse de la capacité d’exécution des organismes d’exécution ; faiblesse de l’évaluation a posteriori permettant de comparer ce qui était prévu avec ce qui a été réalisé et de comparer le coût- avantage ou l’efficacité avec la situation réelle.
De nombreuses faiblesses trouvent leur origine dans l’urgence qui accompagne la préparation des projets notamment la myriade de demandes spécifiques auxquelles les projets sont supposés répondre et le chevauchement des responsabilités entre les diverses autorités et parties prenantes (25 commissions ministérielles et 48 commissions de wilaya dans le cas du PSRE). Ces enjeux institutionnels et de gouvernance qui contribuent largement à limiter la réussite des projets à alourdir les coûts, renvoient à la faiblesse des réformes institutionnelles et micro-économiques, à l’instabilité juridique et au retour vers le dirigisme étatique des années 1970, à ne pas confondre avec le rôle stratégique de l’Etat régulateur en économie de marché concurrentielle. Car, l’Algérie possède l’une des économies les moins diversifiées parmi les pays à revenus intermédiaires et des pays producteurs de pétrole.
Le programme de réformes est à la traîne dans les domaines tels que l’accession à l’OMC, la privatisation des entreprises publiques, la modernisation du secteur financier et dans des domaines de la gouvernance tels que la réforme de l’administration fiscale et de l’appareil judiciaire. Ce qui explique les raisons d’inefficacité, de gaspillage, de l’extension de la sphère informelle produit de la bureaucratie et des dysfonctionnements des institutions de l’Etat favorisant la socialisation de la corruption.
4.-Nous aurons ainsi 4 impacts de l’inefficacité de la dépense publique niveau macro-économique non mis nettement en relief dans le rapport du CNES :
a- sur le volume des importations car le gonflement est du essentiellement à la dépense publique et ses surcoûts. Ce qui explique qu’ après des mesures d’ordre commercial (30%70% pour le commerce nationaux/étrangers avec une période de cacophonie sur la notion de rétroactivité, 51/49% pour l’industrie/services du passage du REMDOC au CREDOC, la suppression du crédit à la consommation, le Ministre du commerce reconnaissant récemment mais avec retard que ce passage sans transition pénalise bon nombre de PMI/PME qui n’ont pas assez de trésorerie qui risquent d’aller vers la sphère informelle.
Car, hélas les dernières statistiques douanières (les 10 mois de 2009) ne donnent qu’un ralentissement de 3% de la valeur des importations (soit 1,2 milliard de dollars), nous orientant vers 38/39 milliards de dollars contre 40 milliards en 2008, somme dérisoire alors que nous avons assisté à une déflation des prix au niveau mondial (- baisse des prix, donc inflation importée presque nulle) et à une récolte intérieure exceptionnelle (pluviométrie). Qu’en sera-t-il s’il y a retour de l’inflation au niveau mondial entre 2010/2014 ? Donc ces mesures ont eu une portée limitée ne s’étant pas attaqué à l’origine de la hausse des importations qui est l’inefficacité de la dépense publique.
b- sur le processus inflationniste l’inefficacité de la dépense publique étant à l’origine essentiel de l’inflation et accessoirement les salaires qui représentent moins de 18% rapportés au produit intérieur brut en 2008/2009 au profit de rentes et des indépendants contre une moyenne de plus de 50% dans les pays développés et émergents donc sur le pouvoir d’achat de la majorité. L’ ONS a évalué le taux d’inflation à 1,6% en 2006, 2,5% en 2007, 4% en 2008, allant vers 6% en 2009, posant d’ailleurs le problème du taux d’intérêt bancaire qui devrait être supérieur de 2 à 3 point par rapport au taux d’inflation et surtout la méthode de calcul de l’indice des prix par l’organisme officiel de la statistique ONS.
Cela comme je l’ai souligné récemment dans mon interview à la télévision internationale Al Djazzera le 23 décembre 2009, cela revient surtout à poser clairement les problèmes de l’impact de l’inflation comme vecteur de concentration du revenu national au profit d’une minorité de couches rentières , la majorité des ménages consacrant entre 2008/2009 plus de 80% de leurs revenus pour les produits de première nécessité ( dont l’indice des prix officiel pour 2009 l’évalue entre 15/20% de hausse, seul taux significatif pour ces ménages ) et donc sur leur pouvoir d’achat.
c- sur la balance des paiements du fait que le doublement de la valeur des services entre 2006/2008 (11 milliards de dollars en 2008) concerne essentiellement le poste infrastructures et le montant sera identique sinon supérieur en 2010 avec ce paradoxe fuite des cerveaux et appel à l’assistance étrangère, l’appel à l’émigration étant un mythe si l’on continue à privilégier les rentiers gravitant autour des sphères du pouvoir.
d- sur le faible taux de croissance ; les exportations hors hydrocarbures indicateur de l‘efficacité économique n’ont jamais dépassé 1,5 milliard de dollars avec une chute inquiétante de 40% en 2009 selon les dernières statistiques douanières, moins de 1 milliard de dollars, 50% étant représentés par des déchets ferreux et semi ferreux. Qu’en sera t –il des effets de l’Accord de libre échange avec l’Europe applicable depuis le 01 septembre 2005 devant aller vers un dégrèvement tarifaire zéro horizon 2014.
5-En résumé, il est souhaitable pour les pouvoirs publics que les missions du Conseil Economique et Social ainsi que sa composante soit revues selon un processus démocratique car les louanges pour des louanges sans analyses constructives et opérationnelles sont contreproductifs pour le gouvernement lui même. Car ce rapport apporte peu de valeur ajoutée, peu de propositions ou de nouveautés, des reproductions sans analyse critique des chiffres déjà diffusés par les officiels et des analyses en deçà souvent avec plus d’objectivité des experts de différentes sensibilités et de la presse algérienne depuis plusieurs mois. Le CNES algérien ne doit pas être une annexe du gouvernement qui est dans son rôle de défendre son bilan, mais une force de propositions et être un cabinet conseil pour la présidence de la république. Faute de quoi, cette institution budgétivore n’a pas de raison d’être.
Docteur Abderrahamne MEBTOUL Professeur d’Université – Économiste