Par Amir Karef et Florence Beaugé
A moins de trois mois de l’élection présidentielle algérienne, le président Abdelaziz Bouteflika n’a pas encore confirmé officiellement son intention de se présenter à la magistrature suprême une troisième fois. Cela ne fait pourtant guère de doute. Le 12 novembre 2008, une révision constitutionnelle sur mesure a permis d’amender l’article 74 de la Constitution limitant jusque-là les mandats présidentiels à deux.
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Le problème du régime est aujourd’hui de trouver des candidats ayant suffisamment de poids pour donner du crédit à l’élection au mois d’avril. Une grande partie de l’opinion publique algérienne voit dans ce scrutin une simple formalité de reconduction. Quant aux candidats potentiels les plus sérieux, ils ont choisi, sans même s’être concertés, de laisser le président Bouteflika faire cavalier seul.
C’est ainsi que le général Liamine Zeroual a opposé une fin de non-recevoir catégorique à ceux qui le pressaient de se porter candidat. Des comités de soutien – certains étant inspirés par le pouvoir – invitaient cet ancien chef de l’Etat (1994-1998) à se présenter. Dans un communiqué très critique, rendu public le 13 janvier, le général Zeroual – qui avait cessé toute activité politique en 1999 -, a souligné l’importance de « donner une chance à l’alternance au pouvoir » et s’est dit « étranger à la notion d’homme providentiel ». L’allusion visait sans le moindre doute M. Bouteflika.
Quarante-huit heures plus tard, le Dr Saïd Saadi, leader du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), annonçait, avec fracas, qu’il ne serait pas candidat. Son constat était encore plus accablant que celui de M. Zeroual. « La participation à une telle compétition serait synonyme de compromission dans une opération d’humiliation nationale », a déclaré M. Saadi devant le conseil national de son parti, le 15 janvier. « Refuser de se commettre dans ce pitoyable et dangereux cirque est autant une affaire politique que de dignité », a-t-il encore ajouté.
Le « boycott » de M. Saadi prive le pouvoir d’un élément important dans le décor électoral. Avec le leader du RCD, qui avait accepté de concourir à l’élection présidentielle de 2004, c’était la garantie d’une représentation de la Kabylie et des courants laïques et modernistes. Quant à Liamine Zeroual, auréolé de son statut de général et d’ancien président de la République, sa participation aurait donné du crédit à l’élection et créé ainsi l’illusion d’une compétition.
Les autres personnalités que compte l’Algérie, comme Mouloud Hamrouche, ancien premier ministre réformateur, Ahmed Taleb Ibrahimi, chef du parti Wafa (non agréé par les autorités), l’ancien chef de gouvernement Sid Ahmed Ghozali, secrétaire général du Front démocratique (également non agréé), ou le leader du FFS, Aït Ahmed, n’ont même pas daigné s’exprimer sur une élection qu’ils estiment courue d’avance.
On assiste aujourd’hui en Algérie à une grève, non concertée, des candidatures. Personne ne veut jouer le « lièvre » dans une course qui paraît déjà gagnée par le président Bouteflika. L’immense désintérêt de l’opinion publique algérienne face à cette opération électorale destinée à reconduire le statu quo dissuade également les candidatures potentielles. Mais, plus que tout, c’est le souvenir de l’élection de 2004 qui paralyse le jeu. Cette année-là, le régime avait réussi à faire croire à une partie des élites et de la presse que l’armée avait lâché le président Bouteflika et qu’Ali Benflis, le dauphin devenu rival, avait des chances de l’emporter.
A Alger, ces derniers jours, on constate avec humour que M. Bouteflika devra se contenter d’emporter son troisième mandat avec la participation des « sanafirs » (Schtroumpfs, en arabe). Ce terme désigne en Algérie les dizaines de partis sans consistance que l’on réveille au moment des échéances électorales pour créer un semblant d’animation.
Personne ne se fait d’illusion. Au point que l’actuel secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, a lancé, le 16 janvier, une supplique aux responsables de partis politiques « qui comptent des députés » à l’Assemblée populaire nationale ou qui ont « un ancrage populaire » pour qu’ils fassent acte de candidature. Les « délais légaux pour présenter la candidature ne sont pas encore épuisés » et « rien n’empêche les candidats dits « lourds » de se présenter », a-t-il déclaré à la radio nationale. « Nous souhaitons, a-t-il encore ajouté, une compétition loyale et de la plus haute facture », où il y aurait un « débat d’idées », qui permettrait aux Algériens de choisir.
Cet appel du secrétaire général du FLN est resté vain. Et ce n’est pas la candidature probable de Louisa Hanoune, chef du Parti des travailleurs (trotskiste), ou de Moussa Touati, du Front national algérien (FNA), qui vont pouvoir donner du piment à une élection sans enjeu. Mme Hanoune soutient davantage M. Bouteflika qu’elle ne joue son rôle d’opposante.
L’appel de M. Belkhadem traduit surtout la crainte du pouvoir d’enregistrer un taux de participation particulièrement faible à la présidentielle. Au cours des élections législatives et locales de 2007, ce taux n’avait pas dépassé les 35 %, selon les chiffres officiels. Il s’agissait du taux de participation le plus bas jamais enregistré en Algérie depuis 1989, date du début du multipartisme.
Courriel : beauge@lemonde.fr.
Amir Karef et Florence Beaugé (Service International)
LE MONDE | 26.01.09 | 14h02 • Mis à jour le 26.01.09 | 14h02