Les entreprises redécouvrent l'Afrique et ses consommateurs

Redaction

Longtemps, les industriels occidentaux se sont surtout intéressés aux matières premières de l’Afrique. Mais, avec la forte croissance du continent ces dernières années, L’Oréal, Danone, Orange et autre Vodafone veulent maintenant séduire les consommateurs africains. Et investissent sur place.
L’Afrique, c’est «la nouvelle frontière.» L’expression est d’Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat américaine. Jean-Paul Agon l’a reprise à son compte: «Nous allons partir à la conquête de nouveaux pays, et même d’un nouveau continent, l’Afrique, expliquait récemment le directeur général de L’Oréal dans «Le Point». Il y a des marchés, il y a des besoins. C’est notre nouvelle frontière.» Le boom africain ne laisse pas insensibles les entreprises. Nombreuses sont celles, comme le leader mondial des cosmétiques, qui en ont fait leur nouveau cheval de bataille.

Danone, par exemple, vient de monter à 100% dans sa filiale en Afrique du Sud, pour en faire sa tête de pont sur le continent. Le groupe Bel, qui cherche à «développer la consommation de fromage» en Afrique, a choisi d’ouvrir une usine en Algérie. Pour un succès immédiat: la demande du pays a augmenté de 50% l’an passé. «Avant, on ne voyait l’Afrique que comme un continent ressource. Maintenant, on commence à la voir comme un continent marché», constate Anthony Bouthelier, président délégué du CIAN, organisation rassemblant les entreprises françaises investies en Afrique.
La crise, pourtant, n’a pas épargné la zone. Selon la Banque africaine de développement, la croissance y est passée d’une moyenne de 5,5 % ces cinq dernières années à 2,3% en 2009. Mais cela reste bien supérieur à celle des économies développées. Et le continent devrait reprendre très vite un essor plus marqué.

Les entreprises prennent donc la mesure du potentiel du marché, où les perspectives, notamment en matière de nouvelles technologies, sont immenses. Le cabinet d’études Forrester, par exemple, prévoit un doublement du nombre d’internautes en Afrique entre 2008 et 2013.
Autre exemple marquant: la téléphonie mobile. Entre 2002 et 2007, le nombre de souscriptions a été multiplié par 3 au Maroc, par 12 en Tunisie et par 58 en Algérie! Safaricom, filiale du britannique Vodafone et premier opérateur d’Afrique de l’Est, a réalisé un bénéfice de 900 millions de dollars en 2008. «En voyant l’engouement pour le téléphone portable, les opérateurs ont compris tout le profit qu’ils pouvaient tirer en réalisant une faible marge, mais sur un grand nombre de clients plus pauvres, plutôt que de développer un produit de luxe pour une clientèle aisée, explique Annie Chéneau-Loquay, directrice de recherche au CNRS.

Cette politique a provoqué une explosion du nombre d’abonnés, dont l’ampleur a surpris tout le monde. Dans les villes africaines, le mobile devient un objet de consommation courante.» A condition, donc, d’adapter son modèle économique aux spécificités locales. IBM aussi l’a compris : depuis septembre, le groupe américain commercialise des «paquets» de logiciels à bas prix pour le marché africain, vendus 10 dollars par mois et par utilisateur.

Le rush chinois

Selon le CIAN, deux événements ont mis l’Afrique sous les feux des projecteurs. D’abord, le rush chinois sur les matières premières et le pétrole, qui a permis des croissances du PNB importantes dans plusieurs pays africains, comme l’Angola. «Désormais, des investisseurs viennent nous voir en nous disant que c’est en Chine qu’ils ont pris conscience de l’interêt de l’Afrique», confie Anthony Bouthelier.
Par ailleurs, les nouvelles préoccupations écologiques ont mis en lumière les atouts du continent pour lutter contre le réchauffement climatique: 30% du potentiel hydroélectrique mondial et d’incroyables ressources solaires. «Le fait nouveau, c’est que l’on s’aperçoit que la clef de ces problèmes se trouve en Afrique, donc que le continent est une source de business considérable», poursuit le président délégué du CIAN.
En témoigne, également, la réussite récente de l’entrée en Bourse de CFAO, la Compagnie Française de l’Afrique Occidentale, filiale de PPR. Le chiffre d’affaires de l’entreprise, qui vend notamment des automobiles et des médicaments, a progressé de 12% par an depuis dix ans.
Restent des tensions politiques et une corruption quasi omniprésentes, qui freinent évidemment l’intérêt des investisseurs étrangers. Pour le CIAN, une solution: «contourner les Etats, en subventionnant les organisations régionales à qui sont déléguées les compétences économiques.»

S. M., Les Echos

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