1- Le pessimisme vis-à-vis de la reprise de l’économie mondiale
Les réunions du G20 tant à Londres qu’à Pittsburg ne se sont pas attaqués aux fondamentaux de la crise car au lendemain de l’éclatement de la crise des prêts hypothécaires en aout 2007 avec le point culminant au mois d’octobre 2008 comment ne pas rappeler la crise d’octobre 1929 qui atteint son pont culminant en 1935/1936 c’est-à-dire 5/6 années après du fait des politiques désordonnées protectionnistes (existant des solidarités entre crise économique, crise sociale et crise politique avec l’avènement de régimes fachistes), avec des similitudes, dominance de la sphère financière sur la sphère réelle, distorsion entre les salaires et les profits(endettement), mais également des différences du fait de l’interdépendance accrue des économies et la naissance de pays émergents.
Dans son rapport publié courant janvier 2010, la banque mondiale (BM) note que le pire de la crise financière est derrière nous et la reprise économique mondiale est en cours, mais que cette reprise est fragile, l’ampleur globale de la reprise et sa durabilité dépendant du redressement de la demande des ménages et des entreprises sur les prochains trimestres 2010/2011. Selon la BM, on ne peut cependant pas exclure l’hypothèse d’une rechute en 2011, s’il advenait que la dépense publique se ralentisse et que la croissance ne soit pas reprise par l’entreprise privée, la croissance dans ce cas devant ralentir au second semestre 2010 à mesure de l’atténuation de l’impact des mesures de relance budgétaires et monétaires sur la croissance et de la fin du cycle des stocks actuel.
Pour preuve la faible reprise de la sphère réelle, le nombre de sans-emploi dans le monde ayant atteint près de 212 millions en 2009, en raison d’une hausse sans précédent de 34 millions par rapport à 2007, à la veille de la crise économique mondiale, a annoncé le Bureau international du Travail (BIT) dans son rapport annuel sur les tendances mondiales de l’emploi publié fin janvier 2010. Et la proportion de travailleurs en situation d’emploi vulnérable dans le monde est évaluée à plus de 1,5 milliard, soit plus de la moitié (50,6 %) de la main-d’œuvre mondiale. Et ce nombre est susceptible d’avoir augmenté de plus de 100 millions entre 2008 et 2009 et la situation n’est pas prête de s’améliorer entre 2010/2011. Or qui dit chômage seul indicateur de la reprise de la sphère réelle, dit baisse de la demande solvable qui se répercute sur le niveau de l’appareil de production et l’Espagne le pays le plus frappé de l’Europe avec près de 20% du taux de chômage est un exemple significatif.
Tout en évitant ce pronostic irréaliste du moins à court terme, selon mon point de vue, du moins durant la période 2010/2015, peut être au delà de 2020 s’il y a accroissement de la demande solvable chinoise et indienne , de penser que la Chine avec un produit intérieur brut ( PIB) légèrement supérieur à l’Allemagne, avec la somme modique de 2000 milliards de dollars de réserves de change et les pays du Golfe (environ 1200 milliards de dollars de fonds souverains avant la crise, les pertes étant évaluées provisoirement à plus de 500 milliards de dollars) alors qu’il faille diviser le PIB sur la population totale pour analyser objectivement la productivité et la demande solvable malgré un important marché intérieur, permettra de suppléer au faible taux de croissance des pays de l’OCDE et combler ce besoin immense de financement.
2- Le risque du retour à l’inflation
Il s’ensuit que le risque est de s’orienter vers un retour à l’inflation à l’échelle planétaire, mais fait nouveau, conséquence à la fois de la combinaison cette fois de bulles financières et de bulles budgétaires et l’expérience récente de la Grèce en faillite devrait être méditée. Ce risque est anticipé par une étude du Fonds monétaire international (FMI) publiée le 11 février 2010 « repenser la politique macroéconomique » larticle, cosigné par l’économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard, qui suggère aux autorités monétaires d’envisager un relèvement de leur objectif d’inflation à 4% en 2011 au lieu de 2% afin d’accroître l’efficacité des politiques monétaires.
Comme il est attendu que la Fed relève dans un porche avenir son taux d’escompte mais d’une manière graduelle. En effet, selon le président de la FED, Ben Bernanke dans un discours publié le 12 février 2010 sur le site de la banque centrale américaine « sous peu, nous nous attendons à envisager une hausse modeste du spread entre le taux d’escompte et le taux des Fed funds. Cet écart, de 100 pb, a été ramené à 25 pb lors du déclenchement de la crise financière. Les Fed funds sont aujourd’hui à 0-0,25% et le « discount rate », taux auquel les banques commerciales peuvent se financer directement auprès de la Réserve fédérale, à 0,50%. Ce dernier devrait donc augmenter, mais sans grande conséquences. La Fed peut notamment augmenter le taux d’intérêt versé sur les réserves des banques, ce qui amènerait ces dernières à accroître d’autant les taux qu’elles demandent sur le marché monétaire ».
L’atténuation de ce retour à l‘inflation mondiale est certes atténuée par l’ampleur du chômage ( faible demande) et pour l’avenir ne peut provenir que d’une distorsion des salaires entre les pays dits développés et les pays émergents dont la Chine, le Brésil et l’Inde supposant donc plus d‘ouverture économique des pays développés et donc des respécialisations au niveau mondial rivant les pays émergents et certains pays du tiers monde dans la production de biens salaires à bas prix à destination des pays développés. Allons-nous dans cette tendance alors que les exigences supposent une élévation des niveaux et genre de vie de l’ensemble de la zone Sud ? Car l’apparence d’un retour à un dollar fort ne doit pas faire illusion.
La résistance relative du dollar face à l’euro ( encore qu’il faille préciser que le dollar était coté en janvier 2000 à environ 0,90 dollar un euro soit un dérapage de plus de 40/45% par rapport à février 2010) est liée à la liquidation par les investisseurs américains de leurs positions sur les marchés financiers internationaux et à la politique monétaire chinoise. Concernant justement les bons de trésor représentant environ 45 % de la dette totale externe des Etats-Unis, ils sont concentrés surtout au niveau de la banque centrale de Chine.
Au mois de juin 2009, sur 2000 milliards de dollars de réserves de change chinois dont une grande partie grande libellée en dollars la Chine détient 712 milliards de dollars de bons du Trésor (selon les statistiques américaines). Malgré certaines déclarations contre l’hégémonie du dollar, la Chine continue à être un gros acheteur de bons du Trésor.
Ainsi, la crise a rendu de facto l’économie américaine encore plus dépendante de la Chine des Etats Unis et la Chine plus dépendante des USA car toute contraction de la demande affecte les exportations chinoises. Mais est ce que cette situation pourra continuer à l’avenir ? Tout dépendra de l‘attitude de la Chine, premier créancier des Etats-Unis et tout le problème est le suivant, les chinois continueront-ils à acheter des bons du Trésor des Etats Unis où s’orientera t- elle vers les émissions des droits de tirages spéciaux émis recèlement par le FMI car une monnaie supranationale n’est pas pour demain, les USA à travers le dollar bien qu’en diminution relative dans les transactions internationales, devant rester encore pour longtemps la première puissance et la locomotive de l’économie mondiale.
3- L’endettement croissant des pays développés et la nouvelle politique monétaire chinoise
Il existe dans la conjoncture actuelle liée aux points précédents trois facteurs qui ont contribué à accélérer le dérapage récent de l’euro amplifié par la spéculation qui traduit l’incertitude vis à vis de l’avenir.
Premièrement, l’endettement croissant des pays de la zone euro alors que le pacte de stabilité prévoit un maximum de 60% dette publique/PIB. Voici la liste des pays les plus endettés dans le monde développé, selon les estimations pour 2010 réalisées par l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) courant janvier 2010 : Japon: 197,2% du PIB, Islande: 142,5%, Italie: 127,0%, Grèce: 123,3%, Belgique: 105,2%, . France: 92,5%, Etats-Unis: 92,4%, Portugal: 90,9%, Hongrie: 89,9%, Canada: 85,7%, Royaume uni: 83,1%, Allemagne: 82,0%. Car l’importance des déficits budgétaires inquiète qui devrait inéluctablement pousser à un retour à l’inflation, les marchés ce qui pousserait la banque centrale européenne( BCE) à relever les taux entraînant la zone euro dans une spirale récessionniste, car freinant le retour à l’investissement et en les maintenant elle creuse le déficit bancaire .
Deuxièmement, la surchauffe et le risque d’un processus inflationniste incontrôlée qui a fait réagir les autorités chinoises suite au programme de relance de 4 000 milliards de yuans (soit 12 % du PIB) mis en place par les autorités chinoises jusqu’en 2010 (au titre duquel environ la moitié des dépenses ont déjà été réalisées), ce qui fait craindre un ralentissement de l’économie mondiale et donc des exportations européennes.
En effet, la Banque centrale de Chine a annoncé le 11 février 2010 un nouveau relèvement du taux de réserves obligatoires des banques, intervenant alors que autorités souhaitent renforcer le contrôle du crédit « Un resserrement monétaire ferait du tort à la confiance en la reprise mondiale parce que la Chine en est le moteur principal » selon le cabinet Currencies Direct. Fait qui confirme mes analyses précédentes d’une non reprise réelle, l’indice de confiance des consommateurs américains mesuré par l’Université du Michigan a baissé contre toute attente en février, à 73,7, après avoir atteint le mois précédent son plus haut niveau depuis janvier 2008. Ce chiffre décevant pesait sur le dollar, écartant des espoirs d’un relèvement anticipé des taux de la Réserve fédérale américaine (Fed).
Le troisième facteur est que le marché a été déçu par le manque d’engagement concret de l’UE à aider l’Etat grec face à sa dette. L’euro est principalement pénalisé par des craintes sur le plan d’aide de l’Union européenne à la Grèce qui pourrait ne pas être suffisant pour aider le pays à gérer son déficit budgétaire. Car la veille, les pays européens se sont mis d’accord sur les instruments à utiliser pour aider financièrement la Grèce en cas de besoin. Ils n’ont toutefois pas annoncé d’aide financière concrète sans donner de détails, pessimisme accentué par le manque de vision sur la façon dont (l’Eurogroupe) va gérer la crise grecque et empêcher une contagion au Portugal, à l’Espagne et à l’Italie qui sont dans une situation instable.
4-L’économie algérienne face à ces fluctuations monétaires
L’Algérie est une économie totalement rentière exportant que des hydrocarbures à l’Etat brut ou semi brut et important presque tout, la situation de l’économie mondiale influençant totalement son économie.
Premier impact sur les recettes en hydrocarbures libellées en dollars qui devraient augmenter mais pondérées par la baisse des cours car la bourse montrent que toute augmentation du cours du dollar se traduit par un recul du cours du pétrole en valeur nominale car la demande mondiale n’est pas toujours là. Avec le risque d’un faible taux de croissance en Chine, gros demandeur d’hydrocarbures mais tenant compte du nouveau modèle de consommation énergétique 2015/2020, la demande baisse également. En termes de pouvoir d’achat des réserves de change en dollars, celles-ci augmentent mais il faudra être attentif à l’évolution des taux directeurs des banques centrales proches zéro et donc il faudra pondérer également par le taux d’inflation qui joue à la baisse.
Deuxième impact en cas d’appréciation de l’euro, la facture importation d’environ 60% devrait augmenter et là aussi également pondérée à la hausse en cas de reprise du taux d’inflation.
Comme conséquence sur l’économie algérienne, l’objectif stratégique de l’Algérie est de préparer la production et les exportations hors hydrocarbures évitant de se focaliser sur cette rente éphémère qui avec les scandales financiers actuels et la corruption dont j’ai soulignée fortement les dangers dans plusieurs contributions parues dans Algerie-Focus.com, El Khabar, El Watan et le quotidien d’Oran entre juin 2009 et janvier 2010 intitulée « la corruption socialisée un danger pour la sécurité nationale » proposant une gestion démocratique de la gestion ( Sonatrach) et de la distribution de la rente des hydrocarbures ( système bancaire) et des réserves de change propriété de tous les Algériens par un débat constructif annuel sous la haute autorité du président de la République.
Corruption que certains politiques veulent banaliser, arguant qu’elle a toujours existé depuis que le monde est monde mais oubliant que sous d’autres cieux elle se combat efficacement grâce aux institutions crédibles, représentant une part négligeable du produit intérieur brut alors qu’ en Algérie qui est toujours un pays sous développé reposant que sur la rente, elle a atteint une ampleur inégalée qui menace la sécurité du pays , car étant en plein syndrome hollandais.
Comme il faudra être nuancé dans l’appréciation comme celle des découvertes de gaz puisque pour le pétrole les découvertes sont insignifiantes. C’est que les réserves d’hydrocarbures vont vers l’épuisement étant démontré que l’Algérie a 1% des réserves mondiales de pétrole et 3% pour le gaz car on peut découvrir des milliers de gisements( chaque algérien a sous sa maison des réserves de gaz mais à quel profondeur ) mais non rentables financièrement à des coûts faramineux car fonction de quatre facteurs , du coût d’exploitation, de la durée de vie du gisement, des découvertes technologiques comme celle pour le gaz non conventionnel qui a fait chuter les prix sur le marché libre d’environ 30% et des énergies substituables tenant compte du nouveau modèle de consommation énergétique qui se dessine horizon 2015/2020 et dont la Chine, selon les experts serait leader avec les USA.
En conclusion : Il faut donc pour comprendre la situation actuelle des fluctuations monétaires la replacer dans le contexte géo stratégique de l’évolution des turbulences de l’économie mondiale. Les futures cotations du dollar et de l’euro dépendront fortement de la manière dont seront résorbés les importants déficits budgétaires et du niveau respectif du taux de croissance de ces deux zones.
Docteur Abderrahmane MEBTOUL Expert International professeur d’Université en management stratégique