Quelqu’un peut-il m’orienter, je suis épuisée, je veux juste finir par savoir qui travaille quand ? Ce n’est pas force d’avoir essayé, j’y pense tout le temps et j’en fais même une fixation. Je suis arrivée au point où chaque fois que je rencontre une personne, je ne dis plus « bonjour, comment vas-tu ? », je dis « bonjour, c’est quoi ton week-end ? ». J’ai noté toutes les réponses et afin que vous compreniez mon désarroi et que vous puissiez soulager mes angoisses, je veux partager avec vous le fruit de ma recherche de la logique.
Le notaire : » Nous les notaires, nous avons décidé de continuer comme le week-end d’avant. » (J’ai compris que c’était jeudi et vendredi)
L’ophtalmologiste : » Moi, je ne travaille pas jeudi après midi, vendredi toute la journée et samedi matin et chaque ophtalmologiste fait comme il veut. » (J’ai plus ou moins compris)
Le directeur d’une société nationale : « Madame pour vous dire la vérité, maintenant nous avons 4 jours de week-end, 2 jours pour les musulmans et 2 jours pour le reste. Cependant, on s’organise pour que cela ne soit pas trop exagéré. » (J’ai préféré ne rien comprendre)
Un directeur de banque : « Pourquoi vous cherchez à comprendre ? Présentez-vous là où vous voulez aller et vous verrez bien si ce jour là ça travaille ou pas ! Chacun fait comme il veut chez nous! » (Lui au moins possède de grandes capacités d’adaptation)
Le boulanger : « En général, je ferme le vendredi, mais maintenant c’est bien, je peux choisir entre jeudi, vendredi ou samedi. Cela dépend de mes livreurs de farine, eux aussi travaillent juste quand ils veulent. » (lui est résigné )
L’homme d’affaires : « Je t’avoue que c’est variable selon les personnes et leurs fonctions, mais l’ambiance du week-end règne au bureau du jeudi au lundi. » (Quelle désinvolture!)
Ce fût quelques réponses parmi la cinquante que j’ai pu récolter au sein de mon entourage et depuis, ces réponses suscitent des milliers de questions dans ma petite tête. Pourquoi chaque personne a répondu pour elle et seulement pour elle seule ? Pourquoi ce manque de désir de partager au moins un point commun en tant que société ? Pourquoi cette habitude d’évoluer dans le désordre ? Pourquoi le gouvernement gardien de la loi et l’ordre tolère t-il cet état d’anarchie totale ?
Pour finir, et tout compte fait, je ne peux m’empêcher de partager avec vous, une réponse assez apeurante que m’a fournie Farid 27 ans à travers un discours passionné, assez décousu mais tellement parlant :
« Tu veux toujours chercher à comprendre, il n y a rien à comprendre chez nous, c’est comme cela et c’est tout. Mes parents sont deux spécialistes en médecine, ils ont passé la moitié de leur vie sur des bancs d’université et ils sont toujours entrain de se plaindre de leur triste vie. D’ailleurs, je peux les comprendre et ne veux en aucun cas faire partie de ce plus ou moins système.
Alors, moi je fais comme je veux. Je n’étudie pas, je ne veux pas faire partie d’une élite qui de toute façon n’existe pas chez nous. Mon frère est parti, moi j’aime trop la mer. Je reste et je fais ce que je veux. C’est cela notre pays. Je ne respecte rien et personne ne viendra me demander des comptes.
Hier, on m’a retiré mon permis, ce matin j’ai donné 14 000 DA au gendarme et voici mon permis. Pourquoi tu veux savoir c’est quoi mon week-end ? Ce n’est pas important ça ! Je travaille quand je veux et quand je manque d’argent, je fais un petit voyage et je ramène quelques cabas : vêtements, fromages, chocolats, je les vends ici, ils sont même exposés en vitrine et voilà, j’en ai pour un à deux mois de belle vie.
Tu crois que dans mon rythme de vie, c’est important de savoir c’est quand le week-end ? Quand, j’ai besoin de quelque chose, j’y vais si c’est ouvert c’est bien, sinon je reviens un autre jour.
Ce qui est bien ici, c’est que nous avons tout le temps. Nous ne sommes pas pressés, au contraire nous trouvons le temps long, très long ! Justement, tout ce que je sais du week-end est que le vendredi il n’y a rien qui se passe. C’est long un vendredi et j’appréhende ce jour. Il n’y a rien à faire ! La meilleure solution est de se saouler la veille jusqu’à 5h du matin et dormir toute la journée le lendemain. Ceux qui font la prière ont au moins quelque chose à faire ce jour là. Heureusement qu’il y a l’été et la mer.
Voilà ma réponse, tu prend le week-end que tu veux, tu construis où tu veux, tu corrompes qui tu veux, tu vend ce que tu peux, tu te lèves quand tu veux, et tu gaspilles ta vie comme tu peux.
Mon pays ne fait rien pour moi et je ne fais rien pour lui. C’est une espèce de contrat d’anarchie que nous avons signé : En haut ils mangent en paix et en bas nous pouvons,nous, nous manger entre nous comme dans une jungle ! »
Nacera Kherbouche, MBA