L’Accord d’Association Algérie-UE sera renégocié en 2010

Redaction

Après cinq années de mise en œuvre, l’accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne devrait être revisité au courant de cette année. Tel semble être le résultat principal de la mission européenne qui a séjourné à Alger les 2 et 3 février 2010 pour y rencontrer les responsables algériens.
Dirigée par Tomas Dupla Del Moral, directeur chargé de la Méditerranée du Sud et du Moyen-Orient à la Direction générale des Relations extérieures auprès de la Commission européenne, une délégation de 12 fonctionnaires a examiné avec les autorités algériennes l’état d’application de l’accord d’association qui lie les deux parties depuis 2005.
Derrière le langage diplomatique volontairement apaisant tenu de part et d’autre, la persistance de divergences plus ou moins importantes sont perceptibles dans les approches respectives de l’Algérie et de l’UE.
Les responsables algériens, ainsi que de nombreux chefs d’entreprises, économistes, experts et autres syndicalistes s’accordent à penser que cet accord s’est finalement réalisé au détriment de l’Algérie.
Les deux objectifs proclamés, à savoir un plus grand accès au marché européen pour les produits algériens hors hydrocarbures et une arrivée significative d’investissements directs européens dans l’industrie, ne sont pas au rendez-vous.

Libre circulation des produits et du capital mais entrave au déplacement des personnes

Pis, le démantèlement tarifaire induit par l’accord est à l’origine d’importants déséquilibres commerciaux dont l’unique bénéficiaire est l’UE.
Le directeur général du Commerce extérieur au ministère du Commerce algérien, Chérif Zaâf, avait affirmé il y a quelques mois: «Pour 1 dollar exporté vers l’UE, l’Algérie importe pour 20 dollars»!
Les responsables algériens arguent du fait que les importations en provenance des pays européens ont explosé, passant de 11,2 milliards de dollars (8 milliards d’euros) en 2005, année de mise en œuvre de l’accord, à 20,8 milliards de dollars (14 milliards d’euros) en 2008, soit une augmentation de 80%.
Ils constatent en revanche la faiblesse des investissements européens. Ils dénoncent une tendance à réduire l’Algérie à un marché solvable à même d’absorber des marchandises difficiles à placer en cette période de crise et de concurrence acharnée.
Ce constat justifie selon eux le tournant économique de l’été dernier par lequel le gouvernement d’Ahmed Ouyahia a décidé de privilégier l’investissement productif national au détriment de l’importation.
Les responsables algériens reprochent également à l’UE de ne pas avoir suffisamment aidé l’Algérie dans son processus d’adhésion à l’OMC.
Enfin, ils se plaignent des entraves placées par l’UE et les différents pays qui la constituent à la liberté de circulation des personnes. Ils accusent Bruxelles de développer une vision étroitement mercantile qui privilégie la libre circulation des marchandises et des capitaux, au détriment du volet humain de l’accord.

Faiblesse des échanges et protectionnisme algérien

Pour l’UE, le démantèlement tarifaire n’a eu aucune incidence significative sur les relations commerciales entre les deux parties, le volume des échanges étant trop faible et la part de l’Algérie ayant même régressé.
L’Algérie ne représente que 1,8% des importations de l’UE et 1,2% de ses exportations. La part de l’UE dans les importations de l’Algérie, 51,9%en 2007 contre 57,4% en 2002, aurait même régressé au bénéfice de la Chine.
Les Européens soutiennent que l’abaissement progressif des tarifs douaniers algériens, qui se situaient, en 2008, à 4,7% pour les produits originaires d’Europe contre 7,1% pour ceux venus d’ailleurs, n’a pas eu d’impact significatif sur le volume des importations algériennes des produits originaires d’Europe et d’ailleurs.
Représentants algériens et européens s’accordent à dire que les investissements européens sont peu nombreux et petits.
Tomas Dupla Del Moral souligne néanmoins que les investissements européens en Algérie ont «augmenté de 5 fois plus. Non seulement ils ont augmenté mais ils l’ont été dans le sens de la diversification.»
Les experts de l’UE ne cachent pas que le volet investissement constitue un point faible de l’accord, mais ils renvoient la balle dans le camp du gouvernement algérien en expliquant qu’il s’agit avant tout d’un problème d’attractivité, ce qui renvoie à la problématique des réformes économiques en Algérie.
Les mesures jugées protectionnistes de la loi de Finances complémentaire (LFC 2009) ne les feront certainement pas changer d’avis.
Ils considèrent en particulier que les dispositions 37-1 et 37-2 de l’accord d’association portant respectivement clause de stabilité et de non discrimination n’ont pas été respectées par la LFC 2009.
Ils rappellent par ailleurs les conséquences négatives des mesures du gouvernement algérien sur l’activité du port de Marseille et de nombreuses petites et moyennes entreprises du Sud de la France.
En ce qui concerne le processus d’adhésion à l’OMC, Tomas Dupla Del Moral répond aux doléances de ses partenaires: «Nous avons envoyé au gouvernement algérien toutes les questions, mais on na pas eu de réponses directes.»
Il reproche également à l’Algérie d’avoir gelé ses négociations.
Sur le plan des droits de l’Homme, les Européens affirment que la question de la libre circulation des personnes doit être discutée d’Etat à Etat.

Tous conviennent que les résultats sont faibles et qu’il faut relancer la discussion

Au-delà des récriminations réciproques, un consensus semble s’être dégagé à l’issue de la rencontre sur le fait que les résultats de l’application de l’accord sont largement en deçà des attentes des deux partenaires et des possibilités objectives.
L’attachement à l’accord et aux obligations juridiques qui en découlent a été réaffirmé, sa révision s’inscrivant dans son cadre.
Des discussions seront prochainement entamées à propos des produits agricoles, agricoles transformés et de la pêche.
Elles s’annoncent serrées, l’UE posant des conditions européennes strictes en termes de compétitivité et de conformité des entreprises aux normes techniques et sanitaires.
L’Algérie veut voir dans ces conditions des mesures protectionnistes déguisées.
Il ne faut toutefois pas s’attendre à des résultats spectaculaires dans les semaines et les mois à venir.
Tomas Dupla Del Moral rappelle que les IDE sont réalisés par des investisseurs privés et non par les institutions de l’UE.
Pour ce qui est de l’adhésion de l’Algérie à l’OMC, le responsable européen promet l’assistance de l’UE pour débattre de la procédure de reprise des négociations et pour améliorer les capacités exportatrices des opérateurs algériens.
En matière énergétique, le contentieux sur le double prix, intérieur et extérieur, du gaz algérien serait en discussion, dans l’espoir de son dépassement, et l’Algérie participera, au cours de ce mois de février, à une rencontre euro-méditerranéenne sur le plan solaire de l’UE.
D’une manière générale, les deux parties s’engagent à se rencontrer plus fréquemment, en prévision de la prochaine échéance qui est la tenue du Conseil d’association en juin 2010.

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