Le Québec ! Reconnu par le monde comme une terre d’accueil pour tous, nombreuses sont les personnes à vouloir quitter leur pays natal pour y refaire leur vie. Les Algériens choisissent d’ailleurs majoritairement d’immigrer dans sa métropole, Montréal.
La langue française, les repères familiaux, les opportunités d’emplois et la recherche d’une meilleure qualité de vie sont les principales raisons pour lesquelles les Algériens privilégient Montréal comme terre d’immigration.
L’arrivée d’une population originaire d’Algérie au Québec est récente et en constante augmentation. La plupart ont immigré à Montréal pendant ou juste après la décennie noire. En effet, selon le recensement de Statistiques Canada datant de 2006, la moitié des 25 150 personnes d’origine algérienne se sont installées à Montréal entre 2001 et 2006 et 29,6 % entre 1996 et 2000. Par ailleurs, 72,7 % de ces immigrés résidents ont pour unique origine l’Algérie, alors que 27,3 % ont au moins une autre origine.
En ce qui concerne la langue française, elle est connue par la quasi-totalité (96,8 %) des membres de cette communauté. Plus de la moitié (55,3 %) connaissent uniquement la langue française, qui est à 30,3 % leur langue maternelle. La langue la plus souvent parlée à la maison est d’ailleurs le français pour la majorité d’entre eux (57,9 %).
Plier bagage pour de meilleures perspectives
Un Algérien rencontré à la sortie d’un café du « Petit Maghreb » fait partie de ceux qui ont quitté l’Algérie pendant la guerre civile. « Avec le terrorisme, il n’y avait plus de sécurité dans le pays, c’est pour cela que j’ai voulu partir », déclare-t-il tout en avouant avoir trouvé son intégration initiale un peu complexe. « C’est normal que les premières années soient difficiles parce qu’on change de pays, d’environnement; c’est toute notre vie qui change. Alors, on doit passer par un processus d’adaptation. Mais au fil des années, on trouve nos repères », explique-t-il. Originaire d’Alger, ce Montréalais d’adoption ne met pas de croix sur un éventuel retour définitif en Algérie, mais les raisons d’y retourner ne semblent pas lui venir à l’esprit. « Le mode de vie au Canada est meilleur que celui de plusieurs autres pays », atteste-t-il avant d’ajouter que son possible retour en Algérie dépendra en grande partie du niveau de stabilité que le pays atteindra.
Également originaire d’Alger, Abdenour, 33 ans, dit avoir quitté l’Algérie afin d’élargir les perspectives de sa vie. « Ici, j’ai les opportunités de réussir. En Algérie on ne peut pas avancer, ça bloque. Je ne pouvais plus vivre comme ça », lance-t-il. Étudiant en ingénierie, il a lui aussi opté pour Montréal parce que certains de ses oncles y étaient déjà installés. Le fait d’avoir de la famille à Montréal lui a permis de ne pas se sentir étranger et de s’intégrer facilement. « Je me sens chez moi ici. Je ne peux plus quitter cet endroit », avance-t-il. Le fait d’avoir certains membres de sa famille à Montréal, de fréquenter la communauté algérienne et de pouvoir saisir des opportunités de travail intéressantes à la suite de ses études a convaincu Abdenour de ne pas retourner vivre en Algérie. Toutefois, des vacances dans son pays natal s’imposent à lui chaque année pour revoir les membres de sa famille qui y demeurent toujours.
Jamais Omar n’avait pensé quitter l’Algérie pour Montréal. C’est lors d’un séjour dans la métropole pour rendre visite à son frère qu’il eut le coup de foudre. « C’est le destin. J’ai tellement aimé cette ville que j’ai ensuite fait une demande de résidence, puis je suis venu m’installer ici avec ma femme», raconte-t-il. Le propriétaire de la Boucherie Halal du Petit Maghreb se donne tout de même le plaisir d’aller retrouver sa famille en Algérie chaque deux ou trois ans.
Les Algériens confirment que le fait d’avoir de la famille ou des amis à Montréal facilite non seulement leur intégration, mais également leur installation. « Ça nous donne un point de départ, un certain repère. Si quelqu’un d’entre nous décide de changer de ville ou de province, ça devient aussi plus facile pour nous de s’implanter à cet endroit », indique un Algérien rencontré au Café Sable d’or.
Les femmes s’intègrent plus rapidement
Même si les Algériens sont un peu plus nombreux (53,4 %) que les Algériennes (46,6 %) à avoir immigré au Canada, les femmes ont tendance à s’intégrer plus rapidement que les hommes, selon Anie Samson, maire de l’arrondissement Villeray-St-Michel-Parc Extension. Les mères de famille surtout, et ce, simplement par le fait de s’impliquer dans le comité des parents de l’école que leurs enfants fréquentent, car cela leur permet de faire des rencontres, de sortir et de comprendre le mode de vie de leur société d’accueil.
Toujours selon les données de Statistiques Canada datant de 2006, « les femmes de cette communauté sont proportionnellement plus nombreuses que les hommes à être légalement mariées et non séparées ». Amel était mariée avant de s’installer au Canada. C’est après avoir surpris son mari au lit avec une autre femme qu’elle s’est séparée de lui et a fait sa demande d’immigration pour le Canada. Mère d’un petit garçon, Amel n’a pas pu le ramener à Montréal avec elle, car son père n’a pas voulu signer l’autorisation lui permettant d’inclure son fils dans sa demande. Elle retourne le voir en Algérie chaque fois qu’elle le peut, mais souhaite plus que tout pouvoir le ramener avec elle à Montréal un jour. « Je veux construire un avenir pour moi ainsi que pour mon petit. J’espère refaire ma vie ici avec lui », dit-elle.
C’est sans regret qu’Amel raconte avoir fui son pays. Elle ne pouvait plus supporter les conditions dans lesquelles elle vivait. « La femme n’a aucun statut en Algérie. Elle n’est pas reconnue à sa juste valeur, malheureusement », affirme-t-elle avec émotions. Originaire de Sidi Bel Abbès, Amel s’est facilement et rapidement intégrée à la société et à la culture québécoise. À la question, pensez-vous un jour retourner vivre en Algérie, Amel répond sans hésitation et avec un soupçon d’amertume : « Ce n’est même pas envisageable. J’en ai eu pour mon compte! »
Non loin du restaurant où travaille Amel, une jeune femme de 18 ans est préposée au comptoir de la boulangerie/pâtisserie de son père. Rapidement, elle s’est faite des amies à l’école. Mais son pays natal lui manque. Surtout les membres de sa famille et les amis à qui elle a dû dire au revoir. « Ma famille et moi sommes encore attachées à notre culture, mais bon, on se sent bien ici, alors on s’ouvre à la culture québécoise », fait-elle savoir. Néanmoins, la demoiselle pense déjà retourner définitivement au bercail après ses études pour y travailler et y fonder une famille.
Marie-Pier Boucher