Nicolas Sarkozy a imputé vendredi une partie des problèmes d’insécurité de la France à une immigration « insuffisamment régulée », ce qu’il n’avait jamais fait jusqu’ici, du moins aussi nettement.
Lors d’un déplacement à Grenoble, il a menacé de déchoir de la nationalité française toute personne d’origine étrangère qui porterait atteinte à la vie d’un policier, d’un gendarme ou de tout autre représentant de l’autorité publique.
Dans un discours à la préfecture de l’Isère, à l’occasion de l’installation du nouveau préfet, l’ex-policier Eric Le Douaron, le président de la République a mis en cause un échec du modèle français d’intégration de la population d’origine immigrée.
« Nous subissons les conséquences de cinquante années d’immigration insuffisamment régulée, qui ont abouti à un échec de l’intégration », a-t-il déclaré. « Nous sommes si fiers de notre système d’intégration! Peut-être faut-il se réveiller pour voir ce qu’il a produit », a-t-il ajouté.
En mêlant insécurité et immigration, Nicolas Sarkozy, au plus bas dans les sondages de popularité et en quête d’un nouveau souffle à 21 mois de l’élection présidentielle de 2012, a empiété sur un terrain qui est traditionnellement, en France, celui du Front national et de l’extrême droite.
« Je ne me suis jamais laissé intimider par la pensée unique », a souligné le chef de l’Etat.
Il a ainsi jugé « invraisemblable » que des jeunes de la deuxième ou troisième génération se sentent moins français que leurs parents ou que leurs grands-parents immigrés.
DES DROITS RÉÉVALUÉS
Nicolas Sarkozy a déploré que le taux de chômage des « étrangers non communautaires », c’est-à-dire ne venant pas de pays de l’Union européenne, ait atteint 24% en 2009 contre un peu plus de 9% pour l’ensemble de la population française.
« Nous n’avons pas le droit à la complaisance en la matière. Pour réussir ce processus d’intégration, il faut impérativement maîtriser le flux migratoire », a poursuivi le chef de l’Etat.
Tout clandestin doit être reconduit dans son pays, a-t-il réaffirmé, annonçant que le gouvernement allait évaluer les droits et les prestations auxquels ont aujourd’hui accès les étrangers en situation irrégulière en France.
« Une situation irrégulière ne peut conférer plus de droits qu’une situation régulière et légale », a valoir Nicolas Sarkozy, qui a également annoncé une « importante réforme » pour améliorer la lutte contre l’immigration irrégulière.
Le gouvernement va d’autre part « réévaluer » les motifs pouvant donner lieu à la déchéance de la nationalité française, a-t-il dit sans préciser jusqu’à quelle génération et pour quels pays d’origine cela pourrait s’appliquer.
« La nationalité française doit pouvoir être retirée à toute personne d’origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d’un policier, d’un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique », a-t-il expliqué. « La nationalité française se mérite et il faut pouvoir s’en montrer digne. »
Le chef de l’Etat a également souhaité que l’acquisition de la nationalité française pour un mineur délinquant ne soit plus automatique au moment de sa majorité.
DES PEINES PLANCHER ÉTENDUES
L’ex-préfet de l’Isère, Albert Dupuy, a été limogé après de violents incidents dans le quartier populaire de La Villeneuve, à Grenoble, au cours du week-end du 17 juillet, lors desquels des policiers ont été la cible de tirs à balles réelles que Nicolas Sarkozy a qualifiés de « tentatives de meurtre ».
Ces incidents ont éclaté à la suite de la mort d’un délinquant, abattu après s’être attaqué à un casino. Nicolas Sarkozy a estimé que les policiers n’avaient alors fait « que leur devoir » en tentant de l’arrêter et en se protégeant.
Ces policiers sont depuis lors menacés de mort et font l’objet d’une protection, ainsi que leurs familles.
Parmi d’autres mesures, Nicolas Sarkozy a annoncé que les peines plancher, jusqu’ici réservées aux multirécidivistes, seraient étendues à partir du 7 septembre à toutes les formes de violences aggravées, notamment contre les personnes dépositaires de l’autorité publique.
Il a souhaité le développement du champ d’application du bracelet électronique pour mieux contrôler et surveiller les délinquants quand ils ne sont pas en prison.
Il a rappelé qu’il avait demandé à la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, de préparer « sans tabou » une « réforme profonde » du droit pénal applicable aux mineurs.
Le gouvernement prépare déjà un texte qui permettra de mettre la responsabilité des parents en cause.
« Les parents manifestement négligents pourront voir leur responsabilité engagée sur le plan pénal », a précisé le président de la République.
Reuters