Pétrole: bénédiction ou malédiction pour l'Algérie ?

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Abderrahmane Mebtoul: Docteur et expert international Il est notre invité pour répondre à vos questions.

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Abderrahmane Mebtoul : « Les exportations hors hydrocarbures peinent à atteindre 1 milliard de dollars »

Abderrahmane MEBTOUL ancien émigré ayant effectué des études primaires, secondaires, une fraction du supérieur à Lille ( France) est Docteur d’Etat en Sciences Economiques ( 1974) diplômé d’expertise comptable de l’Institut supérieur de Gestion de Lille ( 1971) enseignant à l’université d’Oran depuis 1974 auteur de plus de 15 ouvrages et de plus de 500 conférences nationales et internationales est Expert International. Il a occupé les fonctions supérieures suivantes en dirigeants plusieurs audits d’intérêts nationaux : Président du Conseil Algérien des Privatisations(1996/2000) avec rang de Ministre délégué ,directeur central des Etudes Economiques , Premier Conseiller à la Cour des Comptes –Algérie- (1980/1983), conseiller des Ministères de l’Energie et des Industries ( 1974/1979- 1990/1995- 2000/2005), consultant à la présidence de la république 2006/2007, Expert au Conseil Economique et Social algérien depuis avril 2007 .

Question 1 : L’économie algérienne peine à se diversifier. Les exportations hors-hydrocarbures représentent à peine 2% du total de nos échanges commerciaux. Comment expliquer vous cet état de fait ?

La période 1999/2004 a été consacrée à la stabilisation politique après une décennie tragique. La période 2004/2009 devait être consacrée à la relance économique et à une production et exportation hors hydrocarbures. La situation financière ne doit pas faire illusion ni pour le gouvernement ni pour la population, car les hydrocarbures ne sont pas inépuisables et leurs prix ne dépendent pas de notre pays». Or, 98% des exportations proviennent des hydrocarbures payés en dollars et 50% d’importation payés en euros et 50% en dollars donc équilibre. Les exportations hors hydrocarbures peinent à atteindre 1 milliard de dollars représentant à peine 2% des exportations dont 50% de ces 2% sont des déchets ferreux et non ferreux. La facture alimentaire a dépassé les 5 milliards de dollars et l’Algérie est le plus gros importateur de blé (2 milliards de dollars en 2008) l’ayant pour une partie été acheté, affolé et sans prévisions, au moment où le prix avait atteint son maximum (le PNDA n’ayant pas donné les résultats escomptés malgré des dépenses colossales, le bilan n’ayant pas encore été rendu public), l’Algérie important presque tout et le tout tiré par les dépenses publiques via les hydrocarbures D’ailleurs, le Président Bouteflika a affirmé en Conseil des ministres, la mi-octobre 2008, que les dépenses publiques sont trop lourdes par rapport aux moyens réels du pays, les dépenses retenues pour l’année 2009 représentant l’équivalent de 80 milliards de dollars, et le seul budget de fonctionnement équivaut à 40 milliards de dollars.

Question 2 : Comment expliquez-vous l’échec cuisant de toutes les mesures prises afin d’extraire l’économie algérienne de sa situation mono-exportatrice ?

Concernant précisément le programme de soutien à la relance économique 2004/2009, le volume des dépenses est passé, fin 2004, de 50 milliards de dollars, puis fin 2005 à 100, intégrant le Sud et les Hauts Plateaux, fin 2006 à 140, fin 2007 180 milliards et fin 2008 supérieur à 200 milliards de dollars US. La réévaluation des projets aurait été supérieure à 40 milliards de dollars sur 200 milliards de dollars Selon le rapport de la Banque mondiale remis aux autorités algériennes en septembre 2007, concernant le bilan, il est peu reluisant car il ne s’agit pas de confondre réalisation physique en supposant que les normes techniques sont respectées, ce qui est loin d’être le cas, et les dépenses monétaires mais surtout de saisir les impacts économiques et sociaux. Ainsi, selon ce rapport, chaque projet a fait l’objet de six ( 6) réévaluations en moyenne avec des retards de 6,5 ans , ce programme soulevant de sérieuses interrogations concernant la viabilité à long terme des tendances budgétaires actuelles et sur la qualité des dépenses. Ce programme toujours selon ce rapport, engendre des difficultés à différents niveaux : – Comment concevoir des stratégies sectorielles adaptées, -Comment programmer les évolutions futures des dépenses d’investissement par rapport aux dépenses ordinaires, – Comment assurer une gestion adéquate des projets et une bonne exécution du budget, -Comment assurer le suivi et l’évaluation, – Comment améliorer l’efficacité et le rapport coût/avantages des projets d’une manière générale. La Banque Mondiale doute que ce programme puisse pérenniser la croissance et de promouvoir un développement fiable à moyen et long terme car n’ayant aucune cohérence globale et n’étant qu’une compilation de projets accompagnés d’affectations budgétaires spécifiques, n’intégrant pas d’une manière claire les objectifs et, à ce rythme, il y a risque d’une accumulation des besoins et d’un divorce croissant cumulatif entre les objectifs et les moyens de réalisation entraînant un gaspillage croissant des ressources financières. Pour preuve, il n’existe pas de corrélation entre le taux de croissance réel et ces importantes dépenses monétaires. Le taux de croissance n’ a été que de 1,8% en 2006, moins de 3% en 2007/2008 et pour 2009 affichée début 2008 par le FMI pour l’Algérie, de 4,5% , prévisions et non clôture et établi sur la base d’un baril à 120 dollars, prévisions qui viennent d’être revues à la baisse le 15 novembre 2008 par le FMI à moins de 2,5% en n’oubliant pas que sur environ 50% du produit intérieur brut hors hydrocarbures, 80% étant tirés par les dépenses publiques via les hydrocarbures ( BTPH notamment) . Car, au sein des dépenses globales les dépenses publiques représentent entre 85/90% des dépenses tirées essentiellement par les hydrocarbures. En effet, à partir de la méthode de calcul de la triangularisation du fameux tableau d’échange interindustriel, technique connue des économistes, l’on peut aisément démontrer que sur les 130 milliards de dollars du produit intérieur but algérien en 2007, moins de 30 milliards de dollars relèvent de la création de la richesse interne, 100 milliards de dollars étant tirés directement ou indirectement par les hydrocarbures et qu’il est faux scientifiquement parlant d’invoquer, comme le font certains responsables, pour 2007/2008 un taux de croissance de 6% hors hydrocarbures.

Question 3- Pour suppléer à cette situation, l’Algérie attire-t-elle les investissements hors hydrocarbures tant nationaux qu’internationaux ?

Depuis de nombreuses années, les ministres de différents gouvernements ne cessent de répéter : l’Algérie est un pays attractif pour les capitaux nationaux et étrangers en oubliant que l’assainissement des entreprises publiques (tout le secteur économique public emploie moins de 700.000 personnes dont moins de 200.000 dans le secteur industriel, alors que la population active algérienne approche les 11 millions fin 2008) ont coûté au trésor public entre 1991 et 2008 plus de 40 milliards de dollars US, sans résultats probants. Car, dans les faits, sur environ 11.400 projets d’investissements nationaux et étrangers enregistrés en 2007 par l’Agence nationale de développement de l’investissement (ANDI), pas moins de 8.000 concernent un seul secteur : les transports de personnes et de marchandises. Plus inquiétant, sur tous les dossiers présentés, seuls 136 sont des investissements étrangers (directs et en partenariat). Cela est lié au climat des affaires. Selon l’Institut américain CATO, l’Algérie est classée pour 2007, 120 sur 123 pays en termes d’ouverture économique, l’économie algérienne est une des économies les moins libres avec la République du Congo, le Zimbabwe et la Birmanie. Selon Héritage Fondation, le classement publié en collaboration avec le journal financier de référence mondial, le Wall Street Journal, l’Algérie a été classée 137ème sur 157 pays recensés pour l’indice des libertés économiques. Avec un classement de 132è dans le «Doing Business 2009», l’Algérie n’arrive même pas à s’imposer dans la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) puisque sur 19 pays de cette région répertoriés dans le rapport, l’Algérie n’occupe pas mieux que la 15è position, devançant simplement la Syrie, l’Iran, l’Irak et Djibouti. Il s’agit du troisième rapport consécutif du genre dans lequel l’Algérie perd du terrain par rapport à ses classements précédents, avec un recul de 16 places depuis le Doing Business de 2007 dans lequel elle était classée 116è et de celui de 2008 qui la positionnait à la 125è place. Il faut dire que l’Algérie a vu ses performances reculer sur 8 des 10 indicateurs pris en considération par la Banque mondiale pour établir son classement de 2008 et qui sont la création d’entreprises, l’emploi, le commerce transfrontalier, la protection des investisseurs, l’accès au crédit, l’obtention de permis, le payement des impôts, le transfert de propriété, l’exécution des contrats et la fermeture d’entreprises. L’Algérie est l’un des pays les plus rigides en matière de marché du travail (recrutement et licenciement). Toujours selon Doing Business 2009, la création d’entreprises, l’accès au crédit et la protection des investisseurs sont les trois aspects sur lesquels l’Algérie a enregistré le plus de recul, perdant respectivement 8, 5 et 4 points. En matière de création d’entreprises, l’Algérie avec 14 procédures est le pays le moins performant de la région MENA. Outre les 14 procédures, le démarrage d’une activité en Algérie nécessite 21 jours, contre à peine 6 jours dans un pays comme la Qatar et représente 21% du revenu par habitant contre 0,6 % au Bahreïn par exemple. Sur le chapitre de l’accès au crédit, l’Algérie ne fait guère mieux avec un indice de 3 sur 10 seulement en matière de «droits légaux», ce qui signifie, selon la Banque mondiale que les lois en vigueur ne favorisent pas un large accès au crédit. Les conditions dans lesquelles s’effectuent l’import et l’export sont cependant toujours aussi contraignantes avec notamment la nécessité de fournir 8 documents pour l’export et 9 pour l’import. Une opération d’exportation nécessite 17 jours et coûte 1.248 dollars par container, alors que la moyenne régionale est de 1 024 dollars par container. Quant aux opérations d’importation, elles durent en Algérie 23 jours et coûtent 1 428 dollars, alors que dans un pays comme les Emirats arabes unis, elles ne prennent que 10 jours et ne coûtent que 587 dollars par container. L’institution financière internationale souligne dans son rapport qu’il n’y pas eu de réformes majeures engagées par l’économie algérienne au cours de l’année 2008, contrairement à d’autres pays de la région MENA.

Question 4 : Les analystes tant internationaux que nationaux disent souvent que l’Algérie est un Etat riche pour une population de plus en plus pauvre? Qu’en est-il vraiment ?

D’une manière générale, l’économie algérienne est caractérisée actuellement par la stagflation ; inflation, chômage et ralentissement de la croissance économique réelle, l’indice de développement humain réalisé par le PNUD, beaucoup plus fiable que le PNB par tête d’habitant incluant les aspects sociaux (éducation, santé) l’Algérie pour 2006/2007 est classée 102ème sur 177 contre 103ème place en 2005/2006. Car, le climat des affaires se détériore et la corruption augmente se socialisant entre 2006/2008 selon le dernier rapport 2008 des organismes internationaux décourageant toutes possibilités de développement fiable. Cela a un impact sur la sphère sociale et notamment l’emploi. Le ministre du Travail et celui de la Solidarité nationale annoncent que l’Algérie peut créer 400.000 emplois par an grâce aux nouveaux dispositifs sur l’emploi. Or, avec la chute du cours du pétrole et avec un taux de croissance, en termes réels en déclin (la vocation de Sonatrach, investissement très capitalistique, n’étant pas de créer des emplois) est ce possible ? Ce d’autant plus que la demande annuelle additionnelle d’emplois est de 450.000/ 500.000 unités selon les calculs effectués à partir des données de l’ONS (déclaration des différents conseils de gouvernement et du ministre du Travail durant l’année 2007) sous-estimant la demande féminine avec cette dualité croissante entre les emplois permanents en décroissance et les emplois temporaires en croissance, le chômage frappant de plus en plus les personnes mal formées et récemment massivement les diplômés toutes catégories confondues. Je signale concernant le chômage les contradictions de trois voies officielles dans les données statistiques montrant l’urgence d’un système d’information fiable qui s’est écroulé, indépendant du gouvernement à l’instar de l’INSEE en France, car l’information surtout économique et financière n’est pas, en ce XXIème siècle, le quatrième pouvoir, mais le pouvoir lui-même et des pertes pour la Nation dues à des erreurs dans la politique socio-économique peuvent se chiffrer en dizaines de milliards de dollars. Alors que le ministère du Travail annonce pour 2007 que le taux de chômage a connu une baisse atteignant le seuil de 10% contre 12,3% en 2006, une enquête de l’ONS affirme que le taux de chômage a été de 13,8% pour l’année écoulée en faisant remarquer que 72% des chômeurs ont moins de 30 ans contre 85,6% âgés de moins de 35 ans. Selon l’analyse donnée par l’ONS, cette tendance à la hausse du chômage est favorisée par un ensemble de facteurs pesant sur l’emploi, à savoir «le taux élevé du chômage des jeunes, la non-intégration de la femme dans le marché du travail, notamment en milieu rural, l’emploi précaire et enfin l’inadéquation entre la formation et l’offre d’emploi ainsi que le manque de qualification». En outre, l’enquête de l’ONS contredit aussi le commissaire général à la planification et à la prospective, qui avait affirmé à l’ENTV le 22 janvier 2007 que le taux de chômage serait de 11,8%. Lequel des trois chiffres émanant de voix officielles différentes doit-on croire, celui du gouvernement, celui de l’ONS ou celui du commissaire général à la planification ? Pour les organismes internationaux, selon le rapport 2007 réalisé par l’économiste Kangni Kpolar , au sein de l’administration du FMI, sans le travail informel , le taux de chômage en Algérie serait de 22% en 2004, 21% en 2005 et 20% en 2006/2007. Car les résultats des organismes chargés de l’emploi (ANDI l’ANSEJ autant que le CNAC-) sont mitigés malgré les nombreux avantages accordés et les deux premiers organismes ont coûté au trésor public plus de 50 milliards de dinars pour couvrir les avantages fiscaux accordés aux investisseurs au titre de projets ANDI ou ANSEJ. Concernant l’inflation, pour le gouvernement, le taux d’inflation a été de 1,6% en 2005, et 3% en 2006, et après l’avoir estimé à 3,5% en 2007 donne pour 2007/2008 le taux de 4,5%. Or, selon un document important relatif à une étude sur l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, du centre de recherche américain, Casey Research en date du 06 mars 2008, le taux d’inflation en Algérie serait de 12% en 2007, beaucoup plus en 2008, contre une moyenne de 7/8% au niveau de la région Mena touchant surtout les pays pétroliers. Si le processus inflationniste continue à ce rythme cela aurait des incidences sur le taux d’intérêts des banques qui devraient le relever au moins de deux à trois points par rapport aux taux d’inflation réel, si elles veulent éviter la faillite ou recourir grâce au trésor à une nouvelle capitalisation (plus de 7 milliards de dollars déjà entre 2002/2008 pour faire face également aux créances douteuses publiques et privées). Cela a des incidences sur le pouvoir d’achat de la majorité de la population algérienne. Face à cette situation, la famille algérienne dans sa solidarité d’ailleurs en régression et paradoxalement la crise du logement (même marmite, répartition des charges), les faux emplois rentes temporaires au nom de la solidarité nationale ne dépassant pas 3/6 mois jouent le rôle transitoirement d’amortisseur à des tensions sociales qui deviennent de plus en plus criardes. Et ce du fait d’une politique salariale biaisée et incohérente, la nouvelle grille des salaires de 2007 privilégiant les salaires rentes au détriment des emplois utiles comme la sphère économique, la santé et l’éducation l’attestant, cette détérioration du pouvoir d’achat de la majorité de la population avec un nivellement par le bas ( SMIG à 120 euros, professeur d‘université en fin de carrière moins de 800 euros après les dernières augmentations de 2008 , soit le 1/4 de ses collègues marocains et tunisiens ) devrait s’accélérer pour la période 2009/2010 avec l’endettement croissant auprès des banques, (prêts pour l’achat des voitures, logements, électroménagers) un prêt entre 5 et 10 ans de 100 nécessitant un remboursement 130 à 170. Par ailleurs, selon l’enquête du CNEAP de septembre 2006, le ménage moyen algérien consacrait plus de 60% de son budget aux dépenses alimentaires en 2006 dont seulement 10% pour la viande (ce taux ayant augmenté avec l’inflation en 2007/2008 pour aller vers plus de 80%) assistant à un déséquilibre nutritionnel rendant inévitable les maladies d’où avec la détérioration du cadre de vie (environnement), les effets dépressifs, la consommation excessive de médicaments, pour plus de 1 milliard de dollars moyenne 2006/2007. Aussi, en dépit donc de l’amélioration des indices de la macroéconomie en Algérie et des revenus, qui devraient atteindre cette année les 77 milliards de dollars, on enregistre un déséquilibre dans la répartition des richesses. Car l’économie de marché véritable, favorisent la concentration de revenus non au profit d’entrepreneurs créateurs richesses, et non comme en Algérie au profit de couches rentières destructrices de richesses du fait que l’Etat régulateur stratégique en économie de marché joue faiblement son rôle en tant que garant de la cohésions sociale car étant dans cette interminable transition depuis 1986, ni une économie de marché, ni ne économie administrée d’où les difficultés de régulation. Selon les estimations des programmes des Nations Unies pour le développement et de la Banque Mondiale, le taux des personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté, qui gagnent moins de deux dollars par jour, est estimé à plus de 20% de l’ensemble des habitants, représentant plus de 6,5 millions d’Algériens. Selon ce rapport, le niveau social d’une grande catégorie d’Algériens n’a pas vraiment changé, suite au partage inéquitable de la fortune et des revenus de Algérie. Les employés qui touchent des salaires variant entre 12 et 35 mille di

nars constituent plus de 60% de la masse salariale, alors que employés dont les salaires sont estimés entre 60 et 300 mille dinars constituent moins de 10% de cette dernière. 2,8% des revenus de l’Algérie sont répartis sur 10% des classes les plus démunis de l’Algérie, alors que 20% des catégories les plus riches bénéficient de 42,6% de la fortune et des revenus. De ce fait, les classes sociales commencent à apparaître suite à l’ouverture et à la libération du marché. Une partie de la classe moyenne commence à disparaître graduellement et à rejoindre la classe pauvre. Les tensions sociales sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions pour la farine, la semoule et le lait pour plus de 2 milliards de dollars en 2008 et une somme colossale des transferts sociaux représentant plus de 10% du PIB (plus de 10 milliards de dollars 2007/2008) pour assurer la paix sociale. Mais en cas de chute des courts du pétrole qu’adviendra-t-il ?

Question 5 : Quelles incidences sur l’économie algérienne en cas d’une chute brutale des cours du pétrole et quel est le niveau de nos réserves ?

Le niveau des réserves est relatif : pour un cours de 30 dollars certains gisements ne sont plus rentables. Pour un cours de 100 dollars ils deviennent rentables en rappelant que l’Algérie représente 1% des réserves mondiales de pétrole et 2,5% et l’épuisement sera d’autant plus rapide qu’existe une très forte consommation intérieure. Pour l’ensemble du monde, les réserves pour un cours de 100 dollars sont estimées à 40 ans pour le pétrole, un peu plus pour le gaz contre 200 années pour le charbon. Mais d’une manière générale la chute du cours du baril touchera en premier lieu des pays à fortes populations et ayant programmé d’importantes dépenses publiques comme le Nigeria, l’Iran, l’Algérie et le Venezuela. Car, il y a lieu de ne pas confondre les recettes déclarées avec le surplus que verse Sonatrach au trésor dans la mesure où il faudra soustraire à la fois les investissements et l’ensemble des frais d’exploitation et la part des associés étrangers. A titre d’exemple, pour 2007 le versement au Trésor Public, au titre de la fiscalité pétrolière, a atteint un montant record de l’ordre de 2.790 milliards de dinars (43,6 milliards de dollars) alors que le volume commercialisé d’hydrocarbures a été de 164,9 millions de TEP dont 134,1 millions livrées au marché international pour un chiffre d’affaires à l’exportation de l’ordre de 59,5 milliards de dollars. Quant à la capacité d’autofinancement de la société, elle a été de 819 milliards de dinars en 2006 à 905 milliards (plus de 13 milliards de dollars). Ce qu’il faut retenir c’est l’autofinancement de Sonatrach fluctue nécessairement entre 15/20 milliards de dollars annuellement pour maintenir la production existante et réaliser ses projets futurs surtout avec les nouvelles dispositions de la loi des hydrocarbures qui l’oblige à participer à plus de 51% et même dans des segments peu rentables comme les canalisations tout en supposant ce qui n ‘est pas évident qu’il y a des investisseurs étrangers qui risquent de ne pas venir avec un cours du baril inférieur à 50/60 dollars du fait que les coûts de production en Algérie sont de loin supérieur à l’ensemble des pays Opep. D’une manière générale, cette situation interpelle l’Algérie pour une réorientation urgente de toute la politique économique et sociale fondée sur l’unique dépense monétaire sans se soucier des coûts et des impacts économiques et sociaux.

Question 6- Et la gestion des réserves de change de l’Algérie ?

Le ministre des Finances, le 12 novembre 2008, vient de lever un important voile en annonçant que 135 milliards de dollars des réserves de change de l’Algérie (plus de 90%) sont placés à l’étranger à moyen et long terme, un retrait prématuré entraînerait une décote des obligations de plus de 30% avec cette crise en espérant qu’une partie n’a pas été placée par la Banque d’Algérie dans des banques d’investissement qui ont fait faillite. D’autres sources, dont la Banque d’Algérie, affirment que 60% sont placés à l’étranger existant une confusion avec le fonds de régulation qui serait de 4.000milliars de dinars qui traduit un solde budgétaire en dinars et la balance des paiements qui met en relief le solde en devises. Je précise que la Banque centrale utilise deux manières pour placer les réserves de changes de l’Algérie. Elle place 70% de cet argent en titre souverain, c’est-à-dire en bons de Trésor américains, japonais, britanniques et européens qui sont pour la plupart cotés AAA (placements très sûrs bien entendu avant la crise actuelle ) avec des durées qui sont plus ou moins longues. Le second placement s’effectue via les dépôts de la Banque centrale sur le marché bancaire et interbancaire. Ce matelas de devises serait composé à 45% en dollars américains, à 45% en euros, à 5% en yens et 5% en livres sterling. Aussi quelle est donc la marge de manœuvre financière de l’Algérie face à cette crise entre 2009/2010 ? Au cours de 50 dollars les recettes de Sonatrach s’établirait à 37 milliards de dollars et à un cours de 40 dollars à environ 30 milliards de dollars, montant auquel il faut soustraire entre 15 et 20milliards de dollars d’autofinancement et le transfert des associés ce qui reste peu pour le montant versé au trésor public à des fins d’investissement. Le montant sera d’autant plus faible avec la dépréciation du dollar où l’Algérie serait triplement pénalisée : baisse de la valeur des recettes en termes réels hydrocarbures, hausse de la facture des importations en euros, baisse de la valeur des réserves de change libellés en dollars en termes de pouvoir d’achat euros dont les bons de trésor. Et en cas de reprise de l’inflation mondiale en 2009 au vu des importants déficits budgétaires et de limite des politiques monétaires conjuguée à la récession mondiale, l’impact négatif serait plus grand. Un cours de 40 dollars, nous ramènerait corrigé par l’inflation mondiale à un cours à prix constant 1999 d’environ 20/25 dollars. Ce d’autant plus qu’en cas de récession de l’économie mondiale en 2010, il faudrait s’attendre à un cours inférieur à 50 dollars. Si l’Algérie maintient le rythme de ses dépenses au même niveau que les années 2007/2008 avec les réserves de change et le fonds de régulation, avec un cours du baril de 50 dollars durant deux années des tensions budgétaires vivaces devraient se manifester en juin 2011. A un cours entre 30/40 dollars contrairement à ce qu’affirment certains responsables ces tensions se manifesteront le dernier trimestre 2010.

Question 7 : Que pensez-vous de l’étonnante sérénité qu’affiche le gouvernement face à la crise financière? Poursuivre le programme d’investissements est-il justifié et sans danger d’un point de vue économique, dans un contexte économique morose et une baisse des prévisions concernant nos recettes pétrolières?

L’Algérie, selon certains membres du gouvernement optimistes qui tranchent avec les dernières analyses du président de la république, beaucoup plus lucide, ne serait pas concernée puisqu’elle n’a pas de rapport avec les marchés financiers mondiaux. L’Algérie serait épargnée par la crise financière en raison de la spécialisation des banques algériennes dans la banque de détail. Mieux, au 31/12/2007, sur les 210 milliards de crédits, deux tiers, soit 140 milliards de dinars, sont des prprêts à l’immobilier, ne représentant que 8 à 10% des portefeuilles des banques. Or il ne faut pas analyser sous l’angle financier mais sous l’angle macro-économique pour analyser l’impact de la crise financière actuelle sur l’économie algérienne.
Aussi, comme je l’ai rappelé depuis deux années, la crise financière qui induit une crise économique, qui, elle-même, conduit à une crise sociale, et si elle persiste à une crise politique, aurait un impact évident à terme sur l’économie algérienne totalement extériorisée. Car c’est une évidence de rappeler que la spécialisation des banques algériennes dans la banque de détail et non dans des segments spéculatifs qui touchent actuellement bon nombre de banques internationales, le dinar n’étant pas convertible, les dépôts des particuliers au niveau des banques primaires ne risquant presque rien bien entendu en termes nominaux, et non en termes réels en cas d’inflation qui amenuiserait leur valeur. D’ailleurs, c’est plutôt une tare, car n’existant pas de banques de détail au sens international mais des guichets administratifs, la réforme bancaire accusant un retard considérable, aspect mis en relief par le rapport 2008 du Word Economic Forum qui classe l’Algérie pour la sécurité bancaire 134ème sur 134 pays, le dernier. Comme c’est une évidence de rappeler que le remboursement de la dette extérieure dont le principal est d’environ 4,9 milliards de dollars fin 2008, permet éviter des prêts hasardeux à des taux d’intérêts élevés en raison de la restriction des crédits au niveau mondial. Comme c’est une évidence de dire qu’actuellement aux cours du baril de pétrole du dollar, l’Algérie ne risque pas de souffrir de famine à court terme. Et comme précisé précédemment, comment peut-on parler de crise du système bancaire en Algérie dont le public contrôle plus de 90% des crédits (le secteur privé national et international étant marginal ne dépassant pas 10%), et que 40% de la masse monétaire en circulation est contrôlée par la sphère informelle, produit de la bureaucratie, fonctionnant dans un espace social de non droit. Comme n’existe pas de bourse avec une hérésie économique, une bourse étatique, où des entreprises publiques souvent déficitaires achètent des entreprises déficitaires grâce à l’argent du trésor public. Prenons un exemple le retrait de d’Eriad de Sétif, entreprise publique de la Bourse étant entré en bourse avec un million d’actions, valeur de l’unité initiale 2.300 dinars alors qu’elle a proposé le rachat lors de son retrait de la bourse, seulement une valeur de ses actions à 1.500 dinars. Dans le cadre de cette opération, la société Eriad a déboursé 1,5 milliard de dinars (150 milliards de centimes) pour indemniser les détenteurs d’actions introduites à la Bourse d’Alger, soit 5.180 actionnaires. En réalité, cet exemple montre que la COSOB n’a pas joué la transparence comme l’exigent les statuts de toute bourse, le gouvernement ayant autorisé massivement l’implantation de minoteries privées dont les structures de coûts et la flexibilité en matière de gestion ont rapidement mis en difficulté Eriad, une entreprise publique peu préparée à affronter une telle concurrence. D’une manière générale, l’objectif stratégique n’est pas de rappeler des évidences connues, mais de dépasser le statut quo actuel par un véritable développement s’adaptant aux mutations mondiales afin de combattre efficacement le chômage et la pauvreté par une croissance durable. Ce qui m’amène à examiner la situation socio-économique actuelle, produit historique de toutes les politiques socio-économiques de l’indépendance politique à ce jour.

Question 8 : En tant qu’expert, que proposez-vous afin de sortir l’économie algérienne de sa situation actuelle, totalement dépendante des hydrocarbures ?

Espérons que l’Algérie tirera les leçons de cette crise. Elle met à nu l’incohérence des politiques socio-économiques mues par l’unique dépense monétaire, la mentalité rentière avec une concentration excessive du revenu national au profit des emplois rentes, sans se soucier de la bonne gestion. Elle interpelle plus globalement, au moment de la consolidation des grands ensembles, les dirigeants des pays du Maghreb, (moins de 2% des échanges intra et moins de 6% pour l’ensemble des pays arabes) tout en n’oubliant pas l’Afrique pour accélérer cette nécessaire intégration économique au sein de l’espace euro-méditerranéen et arabo-–africian , espace naturel de l’Algérie devant favoriser les deux piliers du développent du XXIème siècle, la valorisation du savoir (et comment ne pas rappeler le dernier classement international de 2007 de l’Université de Shanghai des meilleures universités à travers le monde où l’Algérie et classée 6.995ème sur 7000 ) et la bonne gouvernance par une lutte efficace contre la corruption (en matière de corruption, lié à l’Etat de droit, Transparency International dans son rapport de 2007 classe l’Algérie qui était à la 84ème position en 2005/2006, régresse à la 99ème position en 2006/2007) bonne gouvernance et savoir qui entraînent une augmentation à long terme du revenu d’environ 300% en termes d’efficacité économique tout en assurant la cohésion sociale, renforçant une société plus participative et citoyenne, évitant le divorce Etat/citoyens comme l’ont montré tant les élections locales que législatives avec un taux de participation inférieur 30% si l’on inclut les bulletins nuls. Les dépenses publiques à travers les entreprises publiques que privées sans ces facteurs déterminants entraînant un gaspillage croissant des ressources rares. Ainsi un long chemin reste à faire pour l’Algérie, si elle veut se hisser au sein du concert des Nations en ce XXIème siècle où toute Nation qui n’avance pas et ne peut se faire entendre et se faire respecter par son poids économique en s’adaptant aux nouvelles mutations mondiales. Car, pour éviter une crise majeure tant politique que socio-économique, il faudra entre 2010/2015 avoir un doublement du produit intérieur brut de dollars US, avec une diminution des sections rentes, le PIB qui fluctue pour la période 2006/2007 soit au minimum 260 milliards de dollars à prix courants. Car paradoxe entre 2007/2008, le PIB fluctue entre 120 et 130 milliards de dollars ayant le même niveau que nos réserves de change dues à des facteurs essentiellement extérieurs. D’où l’urgence du passage d’une économie de rente à une économie productive.

Interview réalisé par Nassim Brahimi