Nazih a 24 ans. Et il devient difficile à le croire à mesure qu’il parle de son parcours. Diplômé de Polytechnique Alger, le jeune homme vient de compléter sa formation à l’ESCP Europe. Un ingénieur-manager en somme. « A Polytech, on forme de bons ingénieurs, explique Nazih. Mais on ne sait pas grand-chose du management, du marketing et de la finance. »
C’est fort de ce constat qu’en décembre 2010, il se lance dans l’aventure internationale et s’inscrit dans un master spécialisé à HEC Paris. Pour conforter sa conviction, Nazih prend langue avec Nouzha, une ancienne élève de son école algéroise. Il lui demande conseil. Se renseigne. L’interroge sur les pièges des entretiens oraux. L’exercice lui est totalement étranger. « Souvent on se contente de lire les conseils sur Internet, on regarde les vidéos, détaille-t-il. Mais c’est mieux d’avoir un feedback avec des personnes en face de soi. »
Quelques semaines passent et son dossier est accepté à HEC. C’est là que Nouzha le recontacte. Un master spécialisé, c’est bien. Un parcours Grandes Ecoles, c’est mieux. L’aînée lui parle d’ATLAS, cette association qui a vocation à former, rassembler et aider les futurs leaders algériens. Elle lui fait découvrir le programme Talent’s Up. « Cette personne m’a donné le coup de pouce pour intégrer le parcours Grandes Ecoles, raconte Nazih. C’est comme ça que j’ai été admis en mai à l’ESCP. » Il est le premier à bénéficier de Talent Up ! Algérie.
Au programme : des heures de coaching avec des personnes issues des Grandes Ecoles. Et les moyens qu’offrent les nouvelles technologies pour y arriver quand les « mentors » sont à l’étranger. Les entretiens sont organisés via Skype. Une demi-heure à chaque fois. « C’est efficace parce que c’est là qu’on pêche un peu, analyse Nazih. Les oraux, c’est un exercice auquel on n’est pas préparé. » Le garçon avait déjà effectué cinq stages à Alger, mais n’avait eu à passer aucun entretien : « Ici, on est recommandé, c’est le plus souvent comme ça que ça marche. Il n’y a pas vraiment d’entretien. D’ailleurs, pour la plupart des stages que j’ai faits, je ne vois pas qui aurait pu me faire passer un entretien. » Il décrit une culture d’entreprise catastrophique. Souvent, il est obligé d’expliquer en quoi consistent ses études. « En Algérie, les entreprises sont mal informées sur nos formations. A chaque fois, je devais réexpliquer ce qu’était Polytechnique. »
« Talent Up ! pallie certains manques de l’université algérienne, insiste Nazih. Comme le manque d’information sur les parcours, les débouchés et l’impréparation aux oraux. » Le jour où il s’est présenté à l’ESCP, Nazih Daoud a eu à répondre à des questions qu’il avait pour la plupart déjà préparées.
Désormais, lui-même « coache » des élèves algériens pour qu’ils puissent eux aussi tenter leur chance dans les Grandes Ecoles. « C’est important de savoir comment ça se passe ailleurs. A l’ESCP par exemple, 52% des étudiants ne sont pas Français, ils viennent d’ailleurs. » Il vante la pédagogie française, l’échange culturel, l’ouverture d’esprit. Le professionnalisme, aussi, dans les entreprises qu’il a côtoyées. Pour lui c’est le meilleur rapport qualité/prix comparé aux universités américaines ou anglaises qui sont inaccessible en vue de leur coût.
Ils se remémore son expérience algérienne : « Pour avoir fait pas mal de stages à Alger (ndlr : cinq), j’ai vu ce que c’était l’entreprise ici. C’est la médiocrité à tous les niveaux. Les gens ne font pas leur boulot de gaieté de cœur, on ne sait pas ce qui les motive, ce qu’on va apprendre d’eux. Des gens qui ont fait le même parcours que moi ont fini embourbé par cette médiocrité. J’avais peur de finir dans une entreprise où j’aurais fini tiré vers le bas. »
Trois ans après le début de son aventure, il est sûr d’avoir fait le bon choix : « Une expérience pro à l’étranger c’était important pour apprendre les best practices, comprendre pourquoi les choses sont mieux faites. » Pour autant, Nazih réfute le terme de « fuite des cerveaux. » Pour lui, Talent Up !ne fait que réorienter vers des parcours d’excellence des étudiants qui seraient partis de toute façon. « ATLASn’intervient ni dans un sens, ni dans l’autre, insiste Nazih. L’association accompagne juste des ambitions. » La sienne est de se former, d’apprendre, le temps qu’il faudra, avant de revenir un jour dans le pays qui est le sien.