En Algérie, la relation amoureuse est toute une aventure. C’est souvent un véritable scénario ingénieux qu’il faut inventer pour savourer les plaisirs d’une relation sentimentale.
Comme dans chaque société, la vie amoureuse à ses propres codes en Algérie. Mais ces codes ne satisfont pas entièrement tous les jeunes Algériens assoiffés de liberté. S’aimer en Algérie, c’est bel et bien possible. Mais vivre intensément une histoire amoureuse et partager de l’affection et de la tendresse revient souvent à surmonter des obstacles herculéens. « Notre société est compliquée. Et encore tout dépend de la région où vous vivez. A Alger, on peut se promener dans les rues en tenant par les bras sa copine et lui caresser les doigts. Mais ailleurs, à l’intérieur du pays, je réfléchirais à deux fois avant de faire ça », confie tout de go Nabil, 23 ans, étudiant qui réside dans une cité universitaire à Dely Ibrahim, dans la banlieue d’Alger. Pour lui, il aura fallu attendre le passage à l’université pour faire son initiation à l’amour et à la séduction. Originaire de Batna, à l’est du pays, Nabil s’est heurté souvent au carcan de la société traditionnelle.
Le choc générationnel
« La-bas, les femmes sont encore sous l’emprise de la tradition. On peut discuter avec des filles. Mais pour sortir ensemble, c’est réellement compliqué pour ne pas dire risqué », assure Nabil qui n’en pouvait plus de subir les interdits d’une société qu’il qualifie volontiers de ‘ »arriérée ». « Nous les jeunes, nous voulons vivre pleinement nos relations. Nous voulons profiter de notre jeunesse et nous aspirons à davantage de liberté. Mais la génération de nos parents continue de nous imposer un mode de vie contraire à la modernité. Ils veulent qu’on étudie, on travaille pour se marier, plus tard, avec les femmes qu’ils choisiront pour nous ! », s’est-il indigné. Le choc générationnel, c’est une réalité que Nassima, la petite amie de Nabil, déplore amplement. « Oui, nos sœurs aînées ne comprennent pas qu’on ne peut pas être comme elles, des femmes aux foyers et soumises. Nous sommes instruites et nous avons des désirs et des envies. Pourquoi ne pas assumer notre sexualité et ne pas rencontrer nous-mêmes l’amour au lieu de laisser nos aînés nous dicter notre vie », souligne Nassima qui réside elle aussi dans une cité universitaire à Ben Aknoun, à Alger.
Originaire, comme son amoureux, de l’intérieur du pays, Médéa, Nassima a trouvé à Alger un milieu plus ouvert et plus tolérant. « Ici au moins, je peux sortir avec mon copain et m’amuser. Cela n’aurait jamais pu être possible si j’étais restée dans mon douar à Médéa », reconnaît-elle tout en espérant que les mentalités vont évoluer dans un futur proche. Mais Alger n’est pas non plus le paradis pour notre couple. Nabil et Nassima sortent ensemble, s’affichent mais pour passer des moments intimes, c’est tout sauf une sinécure. C’est, en effet, le drame de tous les couples algériens. Où trouver un endroit tranquille pour partager et vivre son intimité sans se faire embêter ? Telle est la problématique, quasiment philosophique, à laquelle sont confrontés les couples en Algérie. Les solutions sont rares, et pour les trouver, il faut faire preuve d’intelligence. Ainsi, Nabil et Nassima plongent ainsi dans la pénombre des salles de cinémas où disparaissent derrières les buissons du Parc de loisir de Ben Aknoun, réputé pour sa forêt, un lieu d’amour et de romance. Mais là il faut être vigilant car de plus en plus les policiers traquent les couples pour faire respecter les convenances et les bonnes mœurs.
« L’amour est criminalisé »
« L’amour est criminalisé dans notre pays. Dans les hôtels, on nous demande un carnet de famille qui prouve que nous sommes mariés. Quelques fois on glisse un bakchich pour les hôteliers acceptent de nous louer une chambre. Mais nous ne pouvons pas le faire à chaque fois. Nous sommes de simples étudiants. Nous sommes donc obligés de se cacher pour vivre notre amour », regrettent nos interlocuteurs. « Pour être heureux, aimons cache », tel est donc le destin des amoureux algériens ? Décidément, oui. Mais ce choix de vie ne cauchemarde plus nos couples. Pas le temps d’angoisser et de se tourmenter. Il faut profiter de la vie, imaginer des combines. On recherche donc ces « Dikis », des appartements dédiés uniquement aux plaisirs de la chair, comme on recherche un trésor disparu. La quête du trésor n’annule pas pour autant la joie et le bonheur d’être avec celle, ou celui, que l’on aime. La vie continue, l’amour aussi…