Si le grand frère, Abdelaziz, a fait dans le forcing, Saïd Bouteflika souhaite s’illustrer par le burlesque. Ce mardi 21 décembre 2010, marque le début d’une nouvelle saison hivernale et celui d’une grande mascarade dont les auteurs seront, encore une fois, les opportunistes de carrière et les ennemis du rêve (surréaliste) d’une démocratie
algérienne.
La situation est grave, bien que rien de nouveau n’est à signaler et cette même date pourrait légitimement être proclamée «Journée de deuil national».
En cette journée, Sid Ahmed Al Ayachi, un illustre inconnu, nous présente l’Algérie de 2020. Si rien, ni personne, ne viennent s’opposer à ses délires mystiques, cette Algérie serait celle où le frère intronise son frère et où tout le monde voudrait partir ailleurs, parce que trop fatigué d’être toujours traité ainsi, en bétails, ou moins.
La rampe de lancement est installée et le décor posé. Il nous suffit donc d’attendre une intervention des militaires pour devoir choisir entre deux maux fatals et inévitables, à moins d’une improbable et utopique réaction populaire.
Ainsi, le discours se radicalise. Cet inconnu (on ne le dira jamais assez), président d’une organisation fantôme, s’érige, à son tour, en porte-parole de la «volonté populaire». Son casting est ficelé : Saïd Bouteflika est, selon lui, l’homme de la situation, celui de la continuité, celui de la compétence, celui du développement, blablabla…
Pour lui, son «Parti» sera agréé en 2011. D’ailleurs, M. Al Ayachi nous lance un scoop en déclarant que l’année prochaine sera celle des agréments des Partis politiques. La vanne sera donc rouverte à l’occasion, pour ceux qui sont intéressés. L’opportunité est ainsi offerte à ceux qui souhaitent s’incruster entre l’ongle et l’orteil.
Dans un entretien calculé et, visiblement, autorisé, le Président du RCN (Rassemblement pour la Concorde Nationale), fait la promo de ce nouvel appareil de putsch.
On le disait déjà sur ces mêmes colonnes, le FLN n’est pratiquement plus et c’est à peine si on ne le regrette pas déjà.
M. Al Ayachi raconte que Saïd Bouteflika sera désigné Président d’Honneur (horreur ?) de ce nouveau corps inconnu et sera plébiscité comme candidat lors des échéances de 2014, si son frère, Abdelaziz, y renonce. Ce qui est une grotesque manœuvre puisque les dés sont jetés et le spécimen Al Ayachi n’aurait jamais ouvert la bouche s’il avait le moindre petit début de doute là-dessus.
Le Président du RCN, qui s’estime assez médiocre pour ne pas se présenter lui-même aux Présidentielles de 2014, met ainsi sur rails les desseins du prochain coup d’Etat en nous apprenant que c’est toute l’Algérie qui appelle au devoir Saïd et que ce dernier ne fera que répondre à l’appel de la patrie. Oui, Oui, Oui !
Il nous apprend aussi que toute l’Algérie, c’est, en gros, quelques colonels, 48 Bureaux régionaux du RCN et plusieurs Zaouïas.
L’insistance sur l’adhésion de ces dernières et leur soutien à une candidature du frère Bouteflika n’est d’ailleurs pas fortuite.
En filigrane, M. Al Ayachi joue la carte du «choix divin» et de l’homme providence, mais les Algériens sont-ils à ce point dupes pour y attacher de l’importance ? Pour ceux qui en doutent, les Zaouïas, en tant qu’institutions, sont devenues des clergés semés d’affairistes qui ne répètent plus les noms de Dieu à longueur de journée mais ceux
des Walis et Chefs de Daïras.
La symbolique est cependant forte et dans l’Algérie profonde, la Zaouïa est toujours ce lieu saint où l’on vient chercher conseil et réconfort.
M. Al Ayachi nous dit que 2 millions de signatures seront collectées d’ici mars 2011 pour que Saïd Bouteflika puisse être «amené» à répondre à l’appel et se présenter en 2014. Elles le seront probablement.
L’issue de l’Histoire n’est pas aussi évidente car elle dépend de tant d’autres facteurs, claniques en premier lieux.
Mais notre tristesse et désarroi sont, cependant, bien réels et risquent de durer encore longtemps, éternellement peut-être.
On se rappellera, certainement, tous de ce jour, où un parfait inconnu a parlé en notre nom en prononçant des contre-vérités impardonnables. On se
rappellera tous de ce jour où il a anticipé les coups en disant que ceux qui s’opposaient à sa démarche étaient des «ennemis» de la Nation et lui son «défenseur» téméraire.
On se rappellera tous de ce jour où l’on fut frappé par la nostalgie des années FLN, RND et du 3ème mandat. Car l’on a su que ce qui va venir sera, à coup sûr, pire.
Khalil Mehdi