Presse privée en Algérie. Ce qu'en pensent les jeunes journalistes

Redaction

La patience a des limites

Humiliés, décriés, vilipendés, menacés et jadis assassinés, les journalistes algériens en ont vu de toutes les couleurs depuis les années 90. Durant la décennie noire, il ont du faire face au terrorisme, au verrouillage, au manque de moyens. Aujourd’hui ils sont victimes de lobbys et autres intérêts qu’ils ne contrôlent pas.

En Europe, c’est carrément au statut de contre pouvoir que les médias peuvent prétendre. Leurs syndicats sont des plus influents. Cet état de fait de l’autre côté de la mer peut-il faire tache d’huile?

Réponses des concernés:

Mailka (23ans), collaboratrice dans un magazine féminin.

J’adore écrire. C’est pour cela que j’ai fait ce métier. Malheureusement, je ne fais pas ce que je veux. J’en arrive même à détester mes écrits. Parfois je préfère les cacher à mes proches. C’est malheureux, et c’est la faute à la manière dont les patrons voient les choses. On nous demande de « faire », un point c’est tout. Point de réflexion, point d’initiatives. On devient des machines… à écrire.

Choukri (25 ans), journaliste culturel dans un quotidien arabophone.

La presse draine énormément d’argent. Il suffit de voir le nombre de pages de pub que certaines journaux se permettent. Le hic, c’est que cet argent n’est pas réinvesti. Rendez vous compte, que je suis parfois contraint d’attendre qu’un PC se libère pour faire mon travail. Ce serait normal dans un petit journal, mais pas dans un quotidien national d’une aussi large audience, comme celui dans lequel je travaille !! Quant aux salaires, je n’en parle même pas, je touche à peine le smig, et ça ne me suffit définitivement pas.

Autre phénomène, je ne suis que depuis un ans dans cette maison, et je suis déjà le plus ancien. Pourquoi? Tout simplement parce que tout le monde prend la poudre d’escampette. Les médias arabes pullulent de journalistes algériens, en Europe aussi. Italie, France, Belgique, Egypte, et pays du Golf, tous mes anciens collègues s’y sont.

Amina (26 ans), journaliste dans un quotidien indépendant.

J’ai travaillé dans un média public où j’avais beaucoup plus de marge de manœuvre que dans l’organe indépendant dans lequel je travaille actuellment. Ça me sidère. Je pense sérieusement à changer totalement de profession. Mes interlocuteurs ne sont pas coopératifs, je suis obligée d’user de subterfuge pour trouver la plus simple des informations, c’est limite humiliant pour moi. Parfois je dis que j’appartiens à un organe public, ça passe mieux. Les mentalités y sont pour beaucoup, il faut que ça change vite.

Wafa (25ans), jeune enseignante et journaliste.

La presse indépendante existe depuis 19 ans.
Les patrons de presse ne sont pas assez forts éparpillés comme ils le sont, et pourtant ils se permettent de faire cavalier seul. Où va cet argent. Au lieu de bien payer les journalistes, d’investir dans la quakité (reportages, photos, voyages etc) ils s’enrichissent, comme de vulgaires commerçants. C’est pourtant des intellectuels, des pros de l’information, normalement imprégnés du devoir d’informer.

Autre problème : la distribution. Elle est ce qu’il y a de plus difficile en Algérie. L’ANEP imposerait une contre partie de 40% des ventes pour la prendre en charge. Ce serait impensable dans un autre pays. Tout le monde le sait. C’est à cause de la distribution que nombre de titres se sont arrêtés. Qu’a-t-on fait? Absolument rien.

Nassim (22 ans), pigiste.

Moi ma décision est prise: désormais, je ne travaillerai plus que dans des organes publics, la marge de liberté est quasi inexistante, mais j’aurai la sécurité de l’emploi.

Radia (26 ans), journaliste depuis 2 ans.

C’est de loin le travail le moins bien payé que j’ai exercé. Je perçois autour de 23 milles dinars, pour des journées interminables, et une migraine monstre à chaque début de soirée, six jour sur sept. Heureusement que c’est ma passion, sinon …

Hakim (30 ans), coordinateur dans un journal

Vive la presse spécialisée. Pour peu qu’on trouve notre domaine de prédilection, et qu’on puisse vivre sa passion sans encombres. Le choix n’est plus à faire. En plus il y a bien plus de moyens dans cette presse-ci. Que ce soit le secteur automobile, le High Tech, ou autre chose, généralement on y trouve que des passionnés et autres incollables du domaine. L’ambiance est automatiquement meilleure dans ces magazines. Par contre, ils vivent d’énormes problèmes pour avoir de la pub.

Khalil (25 ans), pigiste.

J’ai créé il y a deux ans un magazine avec des potes. J’étais très motivé au départ. On m’avait prévenu que la pub était très difficile à se procurer en Algérie, j’ai quand même tenté le coup. J’ai galéré une année avant de trouver mon premier client. Malheureusement, mon magazine n’a duré que 5 numéros, le temps que notre fameux client nous lâche. J’en ai déduit que pour avoir de la pub, il ne faut ni un bon canard, ni de la compétence, mais un bon réseau. Rien de plus, le contenu lui passe après…

Kh_louna