Printems arabe. Les exportations d’armes vers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord

Redaction

Les États-Unis, la Russie et plusieurs pays européens ont fourni de nombreuses armes à des gouvernements répressifs au Moyen-Orient et en Afrique du Nord avant les soulèvements de cette année, tout en sachant qu’il existait un risque considérable que ces armes soient utilisées pour commettre de graves violations des droits humains, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport rendu public mercredi 19 octobre. Ces recherches mettent en évidence l’échec des mesures de contrôle existantes concernant les exportations d’armes, ainsi que la nécessité d’un traité sur le commerce des armes prenant pleinement en compte le besoin de respecter les droits humains.

Ce document, intitulé Arms Transfers To The Middle East And North Africa : Lessons For An Effective Arms Trade Treaty, renseigne sur les transferts d’armes effectués vers le Bahreïn, l’Égypte, la Libye, la Syrie et le Yémen depuis 2005. Les principaux fournisseurs d’armes de ces cinq pays étaient l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, les États-Unis, la France, l’Italie, la République tchèque, le Royaume-Uni et la Russie.

Force est de constater, comme le souligne Helen Hughes, principale spécialiste du commerce des armes ayant contribué au rapport d’Amnesty International, que « les gouvernements professant actuellement leur solidarité avec la population de ces pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord sont les mêmes que ceux qui jusqu’à récemment fournissaient les armes, les munitions et autres équipements militaires et de police utilisés pour tuer, blesser et soumettre à des arrestations arbitraires des milliers de manifestants pacifiques dans des États tels que la Tunisie et l’Égypte, et qui sont actuellement encore employés par les forces de sécurité en Syrie et au Yémen. »

Aucune mesure forte n’a été prise par la communauté internationale pour mettre un terme aux transferts d’armes vers le Yémen, alors que la répression brutale continue à viser les manifestants. Et il est difficile d’obtenir des données sur les exportations d’armes vers la Syrie car rares sont les gouvernements qui rendent officiellement des comptes sur ce type de transactions avec le gouvernement syrien, même si l’on sait que 10 % des exportations d’armes de la Russie sont à destination de la Syrie. L’Inde a également autorisé la livraison de véhicules blindés à la Syrie, tandis que la France lui a vendu des munitions entre 2005 et 2009.

Amnesty International a identifié 10 États (parmi lesquels l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, l’Italie, le Royaume-Uni et la Russie) dont le gouvernement a autorisé la vente d’armements, de munitions et d’équipements associés au régime du colonel Mouammar Kadhafi, en Libye depuis 2005, et au moins 20 États ayant vendu et fourni des armes légères, des munitions, du gaz lacrymogène, des agents antiémeutes et d’autres équipements à l’Égypte, les États-Unis en tête avec des livraisons d’un montant de 1,3 milliards de dollars annuels.

Si la communauté internationale a pris quelques mesures cette année afin de limiter les transferts internationaux d’armes vers Bahreïn, l’Égypte, la Libye, la Syrie et le Yémen, Amnesty International rappelle cependant que les protocoles en vigueur visant à réguler les exportations d’armes n’ont pas permis d’empêcher les transferts au cours des années précédentes.

Les embargos sur les armes arrivant généralement trop tard, il s’agirait selon Helen Hughes d’appliquer une évaluation au cas par cas de chaque transfert d’armes envisagé. « Cette  » règle d’or  » procédant d’une démarche préventive figure déjà dans le projet de traité sur le commerce des armes, au sujet duquel des négociations ont repris aux Nations unies en février. Si les principaux exportateurs d’armes n’adoptent pas cette règle d’or et continuent à faire preuve d’imprudence en maintenant le statu quo, alimentant ainsi les crises des droits humains comme celles dont nous avons été témoins au Moyen-Orient et en Afrique du Nord cette année, des vies seront inutilement brisées et la sécurité mondiale sera compromise. »

Sources : Amnesty International