Le conflit entre le groupie Orascom et le gouvernement algérien se terminera-il ? Cette présente analyse se propose d’aborder la problématique du juste prix en cas de vente de Djeezy étant indéniable que sa rentabilité et bonne santé financière ne font aucun doute , cela suscitant bien des convoitises, valeur que j’estime entre 4 et 5 milliards de dollars en ce mois de juin 2010. En plus du coût de la licence et des investissements réalisés, cette valeur évolue dans le temps et fluctue en fonction de différents paramètres et variables comme le chiffre d’affaires et la rentabilité qui dépend dans les services dont télécommunications d’un facteur déterminant l’image ( la marque Djeezy dont le consommateur algérien est habitué), le goodwill( part de marché) sans compter l’élément politique qui est l’intérêt stratégique de contrôle surtout en Algérie où le politique et l’économique sont intiment imbriqués.
1-L’opérateur privé de téléphonie mobile Djezzy a réalisé un chiffre d’affaires de 1,86 milliard de dollars soit une baisse de 8,5% par rapport à 2008 (2,04 milliards) selon son bilan financier annuel pour l’année 2009 publié, officiellement sur son site en rappelant toujours selon son bilan officiel que les bénéfices se sont élevés à 580 millions de dollars en 2008. L’Ebitda (revenus avant intérêts, impôts, dotations aux amortissements et provisions sur immobilisations) a enregistré, selon ce bilan, une baisse de 17,3% passant à 1,06 milliards de dollars en 2009. La marge d’Ebitda est évaluée à 57,1% en 2009 contre 63,2% en 2008. Cette baisse s’explique essentiellement, selon OTA par la hausse des investissements de l’opérateur privé Djezzy, en 2009, les investissements de Djezzy aurait augmenté, selon la même source, de 56%.
2- Selon toujours son site, Djeezy aurait 14,8 millions d’abonnés et 59% du marché algérien à la fin d’une année 2009 et ce malgré les tensions match Algérie Egypte (perte d’environ entre 100.000 et 200.000 abonnés) et les responsables du groupe Orascom Telecom Holding estiment également, que «les événements qui ont entouré le match Egypte-Algérie en novembre dernier au Caire ont eu un impact négatif de 55 millions de dollars sur les revenus de Djezzy au quatrième trimestre 2009, un chiffre auquel s’ajoutent 41 millions de dollars de destructions de matériels.
Sans compter les problèmes fiscaux, où le 11 avril 2010, OTA a dû s’acquitter d’un redressement fiscal de 113 millions d’US$, première tranche d’un redressement qui s’élèverait à près de 600 millions de dollars. Comme il y a lieu de signaler qu’en cas de cession se pose le problème de l’application des dispositions de la loi de finances complémentaire 2009 qui stipule un taux d’imposition à 20% du taux de l’IRG applicable aux plus values de cession de la partie étrangère ( Article 47 Loi de finances 2009).
3-C’est dans ce cadre mouvementé qu’il est utile de rappeler que le PDG d’Orascom Naguib Sawaris, a déclaré le 06 mars 2010 au Journal émirati , The National, qu’il envisageait de céder une partie de son capital ou la possibilité d’une fusion avec l’Emirati Itasal . Et fin mars 2010, rapporté par le Financial Times, avec l’opérateur sud africain MTN, qui disposerait de 116 millions de clients, mais étant présent surtout en Afrique du Sud, au Nigeria et en Iran. Dernier rebondissement, Naguib Sawiris PDG d’Orascom dans un flash répercuté par bon nombre d’agences de presse internationales le 02 juin 2010 estime que la firme sud-africaine MTN lui a offert 7,8 milliards de dollars pour racheter «Djezzy» et que des sources proches du gouvernement algérien l’estime entre 2,5 et 3 milliards de dollars, mais devant entre temps tenir compte à la fois du goodwill et du cours du dollar car il faut raisonner à prix constants.
4-Certes le gouvernement algérien peut faire prévaloir les clauses contenues dans le cahier des charges où l’autorité de régulation doit être averti avant toute transaction en application l’article 19 du décret exécutif n°01-124 du 9 mai 2001 que tout projet de cession par le titulaire de la licence des droits découlant de la licence doit faire l’objet d’une demande auprès de l’Autorité de régulation , mais ne pouvant invoquer l’article 62 du droit de préemption contenu dans la loi de finances complémentaire 2009 (n’ayant pas de rétroactivité dans le droit international sauf si la nouvelle loi avantage le client ) devant insister sur le fait que la pratique des affaires tant locales et surtout internationales, la confiance est fondamentale.
Aussi, dans la conjoncture actuelle , il serait souhaitable pour l’image de l’Algérie où certains organismes internationaux et observateurs nationaux voient dans l’actuelle politique économique un retour au volontarisme étatique des années 1970, suicidaire d’ailleurs pour l’Algérie, le manque de cohérence et de visibilité et un frein à la réforme globale alors que l’adaptation à l’amère mondialisation est une exigence de l’heure et que ce dossier qui est suivi avec attention tant par les opérateurs internationaux installées en Algérie et que ceux désireux d’investir, qu’une entente se fasse entre l’opérateur égyptien, en cas bien entendu où il y aurait cession et l’Etat algérien sur un prix raisonnable. J’estime pour ma part qu’un prix juste devrait tourner autour de 4 à 5 milliards de dollars.
5- L’objectif stratégique est d’éviter le retour à un semi- monopole public dans le cadre des télécommunications au profit de Algérie Télécom ou à un semi monopole privé avec l’opérateur Wataniya, car la démonopolisation de ce secteur a permis incontestablement la concurrence, une amélioration des prix et de la qualité au profit du consommateur algérien. Plusieurs pistes existent si l’on prend l’option que l’Algérie entend garder le contrôle de ce secteur, dont la reprise par des opérateurs privés algériens en association avec l’Etat pour éviter cette bi-monopolisation comme une autre piste serait le regroupement des abonnés de Djeezy mais ne pourra se concrétiser que si ces abonnés se constituent en sociétés commerciales par actions et entrent dans le cadre de la loi en vigueur régie par la loi sur la régulation. Aussi, au cas où la filiale Djezzy serait vendue, le gouvernement algérien est face à la dure réalité des transactions économiques internationales devant respecter le droit international, étant liée à des conventions internationales qu’il a signées en toute souveraineté.
Docteur Abderrahmane MEBTOUL, Professeur =d’Université en management stratégique, économiste.