Les économistes et les politiques durant cette transition inévitable de la société mondiale doivent repenser les liens entre l’éthique et le développement objet de cette contribution.
1-La finance islamique modèle pour les banques étrangères occidentales ?
Le fondement de la crise mondiale actuelle s’explique par le fait qu’il y a suprématie de la sphère financière spéculative sur la sphère réelle, la dominance des profits spéculatifs sur le travail. Or, comme nous l’on enseigné les fondateurs de la science économique, disons l’économie politique, le travail mu par l’entreprise est le fondement de la richesse des Nations.
Dans ce contexte, la finance islamique selon le droit musulman est basée sur deux principes : l’interdiction de l’intérêt, (ribâ), et la spéculation (gharar) la rentabilisé financière d’un investissement avec les résultats du projet concret associé. La moudaraba permet à un promoteur de mener un projet grâce à des fonds avancés par des apporteurs de capitaux dont la clé de répartition des gains et des pertes est fixée dans le contrat.
Les apporteurs de capitaux supportent entièrement les pertes, les promoteurs ne perdant que le fruit de leur travail. Selon la Banque islamique de développement (BID), c’est une « forme de partenariat où une partie apporte les fonds et l’autre (moudarib) l’expérience et la gestion.
Le bénéfice réalisé est partagé entre les deux partenaires sur une base convenue d’avance, mais les pertes en capital sont assumées par le seul bailleur de fonds ».Ainsi, des banques conventionnelles ont développé des mécanismes juridico-financiers pour contourner l’interdiction du prêt à intérêt (hiyal) et rémunérer l’apporteur de capitaux. Et si les banquiers, les régulateurs financiers et les investisseurs, malmenés par la crise, regardaient du côté de la finance islamique ? Certes, limitée par rapport aux transactions financières mondiales, la finance islamique moderne étant passé de 700 milliards de dollars en 2007 à environ en 2010 un encours de 1000 milliards de dollars. Les banques islamiques semblent avoir bien résisté à la crise, prévoyant une croissance annuelle de plus de 15 % sur les 5 à 10 ans à venir.
2- Quels sont les liens entre l’étique et la crise mondiale ?
L’économie mondiale traverse une très grave crise qui aura des répercussions sur l’ensemble des pays sans exceptions car nous sommes à l’ère de la mondialisation du fait de l’interdépendance des économies et des sociétés étant dans une maison de verre avec la révolution dans le domaine des télécommunications.
Aucun pays ne peut y échapper si l’on ne met pas en place de nouveaux mécanismes de régulation supranationaux afin de réhabiliter la sphère réelle, la monnaie étant un signe au service de l’économie et non la dominer. Et ce bien entendu, dans le cadre d’une économie mondiale concurrentielle tenant compte des avantages comparatifs mondiaux et devant lier l’efficacité économique avec une profonde justice sociale, les économistes parleront d’équité.
C’est que nous sommes à l’aube d’une nouvelle transition de la société mondiale avec de profonds bouleversements géostratégiques ce qui supposera des ajustements sociaux douloureux et donc une nouvelle régulation sociale afin d‘éviter les exclusions.
Le chacun pour soi serai suicidaire et nous ramènerai aux conséquences néfastes des effets de la crise de 1929, avec des conflits désastreux. Pour cela, les politiques et les économistes doivent réhabiliter un facteur stratégique du développement, la morale. Car existe des liens inextricables entre un développement durable et la morale, en fait la récompense de l’effort et une lutte contre la corruption sous ses différentes formes.
3-La morale et la transition démocratique dans le monde arabe
Venons d’une rencontre internationale de la première importance qui vient de se tenir à Malte les 24/26 décembre 2011, animé par d’importantes personnalités internationales, et dont j’ai été un des participants, sur ce que l’on appelle le printemps arabe, la majorité des participants des deux rives de la méditerranée ont mis en relief que la mise en place de nouvelles institutions démocratiques, occasionnent à court terme un ralentissement économique. Cela donne l’impression d’une anarchie, propagande des tenants des acteurs de l’ancien système, oubliant l’impasse systémique de leur politique ayant favorisé une société anomique.
Il existe un lien dialectique entre les dictatures dans certains pays arabes et l’islamisme radical, je ne dis pas Islam religion de tolérance, et le terrorisme qui est certes une menace planétaire, mais se nourrit de la misère et le manque de morale des dirigeants.
Les discours chauvinistes, soi-disant nationalistes de certains dirigeants arabes, de complots de l’extérieur ne portent plus au sein d’une population à majorité jeune parabolée ouverte sur le monde. Et il semble bien que les bouleversements actuels dans le monde arabe est bien le fait que les dictatures et les autoritarismes sont devenus, dans un monde complexe, de très graves menaces à la souveraineté et à l’indépendance de ces pays et d’une manière générale à la sécurité mondiale sous le couvert paradoxal du slogan de ces dictatures, nous sommes les remparts de la lutte contre le terrorisme et demandons à l’Occident de nous aider à garder le pouvoir.
Par contre, à moyen et long terme les nouvelles institutions réalisant la symbiose citoyens/Etat dans le cadre d’une société plus participative et plus humanisée. Il ya lieu impérativement de repenser le fonctionnement du système économique et politique international , et notamment des politiques de complaisance de l’Occident vis-à-vis de ces dictatures qui menacent la sécurité mondiale, impliquant plus de moralité des dirigeants de l’Occident , car s’il ya des corrompus , il ya des corrupteurs, surtout pour l’octroi de marchés lorsqu’on sait que selon le rapport de la banque mondiale de 1970 à 2008, 850 milliards de dollars trois fois la dette , ont été transférés par les dirigeants africains en dehors de leurs pays. Comme il ne faut pas être utopique, la démocratisation qui ne se faisant pas par une baguette magique, demandant du temps comme cela a été le cas en Occident, certains pays d’Asie et d’Amérique latine, qui sera fonction des rapports de force tant au niveau internes (conservateurs/réformateurs) qu’international, tenant compte des anthropologies socioculturelles.
4-Qu’en est-il des liens entre l’éthique et le développement en Algérie ?
La crise morale, posant la problématique de l’indépendance de la justice, de la corruption socialisée étant en plein syndrome hollandais, touche avec plus d’intensité la société algérienne expliquant en grande partie le peu d’échos tant au niveau national qu’international (l’Algérie pesant de moins en moins au niveau international) des officiels algériens.
Comment ne pas rappeler , pour l’Algérie, les impacts négatifs d’une gouvernance mitigée et l’extension de la sphère informelle produit de la bureaucratie qui draine plus de 40% de la masse monétaire en circulation ( environ 13,5milliiards de dollars en 2010) où tout se réalise en cash, la fraude fiscale, la corruption qui freine la mise en œuvre d’affaires saines, en fait le développement de l’Algérie. Après avoir été rétrogradée pour l’indice du développement humain dans le rapport du PNUD de 2011, Transparenty International dans son rapport du 1er décembre 2011, rétrograde l’Algérie de sept places, étant classée sur 183 pays à la 112 ème place avec une note de 2,9 témoignant d’une très grande corruption dans les institutions de l’Etat. Pour cette institution internationale , je la cite « ces très mauvais résultats pour la 9ème année consécutive est révélateur de l’aggravation de la situation qui prévaut en Algérie en matière de gouvernance », corroborant le rapport de l’OCDE pour la région MENA de 2009/2010 , où le pouvoir algérien mu par l’unique dépense monétaire grâce aux recettes élevées du pétrole , et non au travail, dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins de résultats en référence à des pays similaires.
Concernant le cas spécifique de l’Algérie, le Forum euroméditerranéen des instituts des sciences économiques (Femise) vient de publier un nouveau rapport sur le bilan du partenariat euroméditerranéen en novembre 2011, où il considère que le gouvernement algérien a été incapable de trouver une stratégie à long terme pour l’emploi des jeunes». Malgré la création des dispositifs Ansej, Angem et ANEM, les emplois créés «sont éphémères et sous-payés. Le chômage touche particulièrement les jeunes. Selon les estimations du BIT, 24,3% des jeunes sont sans emploi.
Si l’Algérie n’a pas été touchée par de violentes révoltes populaires, comme ce fut le cas chez ses voisins, elle n’est pas pour autant immunisée contre un risque d’instabilité sociale persistant. L’imposition du crédit documentaire comme seul moyen de paiement dans les transactions du commerce extérieur a contribué à la dévaluation du dinar, en plus d’avoir augmenté le ratio d’endettement extérieur à court terme. Le rapport précise également que si la politique monétaire de l’Algérie est relativement prudente, des risques pèsent sur la stabilité du dinar. Il évoque ainsi les poussées inflationnistes et l’instabilité sociale qui pourraient «signifier aux détenteurs de devises de voir l’euro comme une valeur sûre apparaissant préférable au dinar» ce qui amplifiera la dévaluation du dinar sur le marché parallèle.
Le Forum reprend également les observations du Fonds monétaire international selon lesquelles «les politiques monétaires et le taux de change devraient plutôt être orientés vers l’absorption de l’excès de liquidités généré par les recettes des hydrocarbures et parer l’inflation émanant des augmentations de salaires». Selon le Femise, malgré l’optimisme des pouvoirs publics alimenté par l’euphorie du cours du pétrole, l’Algérie n’a pas encore trouvé de modèle de croissance susceptible de réduire les inégalités, le chômage et la pauvreté.
Ainsi, à la lumière de ce qui se passe dans le monde arabe, l’Algérie a deux choix : faire des efforts pour réformer ses institutions et l’économie vers plus de démocratie et de transparence, ou régresser vers une attitude protectionniste dans un effort pour maintenir le statu quo politique. Et là on revient toujours à la morale, (la vertu du travail ), intiment liée à l’Etat de droit et à la démocratisation de la société, surtout des responsables qui doivent donner l’exemple s’ils veulent mobiliser leur population et éviter la société anomique, de décadence des sociétés , analysée avec minutie par le grand sociologue maghrébin Ibn Khladoun.
Professeur des Universités, Dr Abderrahmane MEBTOUL