Les réactions étaient assez mitigées samedi en Algérie au lendemain du discours du président Abdelaziz Bouteflika, qui a promis de nouvelles réformes politiques au terme de trois mois de manifestations. Sans toutefois donner de calendrier, le chef de l’Etat a notamment promis de faire réviser la Constitution, la loi électorale et la loi sur les partis politiques.
Mais il entend rester maître du jeu en validant les propositions qui lui seront faites par une commission constitutionnelle et non pas par une Assemblée constituante. L’opposition, dans ses premières réactions, estime que le président cherche « à faire du neuf avec du vieux ».
C’est un Abdelaziz Bouteflika extrêmement fatigué, le geste lent, la voix presque éteinte qui s’est adressé vendredi soir à ses compatriotes pour annoncer ces réformes, promises le 18 mars dernier. Elles visent « à approfondir le processus démocratique et à permettre aux citoyens de contribuer davantage aux décisions dont dépendent leur avenir et celui de leurs enfants », a-t-il dit.
Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) de l’opposant Saïd Sadi a dénoncé samedi une tentative de « replâtrage ». « Pathétique et dangereux à la fois, ce discours a le mérite de couper court à toute spéculation sur les virtualités de réformes qui émaneraient de l’intérieur du système », déplore le RCD dans un communiqué.
L’ex-Premier ministre Ahmed Benbitour(1999-2000) a déclaré à l’Associated Press que ce discours « ne répond pas aux attentes de la population ni dans sa forme, ni dans son fond ». Pour lui, on a surtout « eu droit à l’énoncé de missions classiques qui seront confiées à des institutions qui ont perdu tout crédit pour prétendre réaliser des réformes démocratiques ».
Le Comité de coordination des démocrates et républicains (CCDR), composés d’anciens responsables politiques, doute de la volonté de changement proclamée dès lors que les réformes annoncées « seront débattues par les mêmes acteurs, des institutions discréditées comme le Parlement, caisse de résonance du pouvoir ». Même écho auprès du Mouvement citoyen de Kabylie qui estime que « le chef de l’Etat décide d’apporter des modifications qui seront approuvées par un Parlement croupion qu’il avait lui-même disqualifié et discrédité ».
Alors que le quotidien « El Watan » parle de « non-événement » et que « Liberté » pointe l’absence de calendrier, « Le Quotidien d’Oran » évoque des annonces « vagues » et un discours qui « risque de laisser sur leur faim ceux qui attendaient un élan décisif vers le changement ou la réforme ».
Réforme phare et revendiquée par l’ensemble de la classe politique algérienne, la révision de la Constitution. Le chantier sera confié à une commission constitutionnelle « à laquelle participeront les courants politiques agissants et des experts du droit constitutionnel », a-t-il précisé en soulignant qu’elle fera des propositions dont il s’assurera néanmoins au préalable qu’elles sont en conformité avec les valeurs fondamentales de la société, avant de les valider par voie référendaire ou parlementaire.
En optant pour une commission constitutionnelle, le président Bouteflika écarte de facto la voie d’une Assemblée constituante telle que revendiquée par le Front des forces socialistes (FFS) de Hocine Aït Ahmed et le Parti des travailleurs de Louisa Hanoune.
En parallèle à la révision de la Constitution, M. Bouteflika promet également un lifting du système électoral pour le mettre « aux normes les plus modernes des démocraties représentatives consacrées par la Constitution, afin que notre peuple puisse exprimer, en toute souveraineté et en toute clarté, son intime conviction ».
S’agissant des médias, le président algérien annonce une réforme du code de l’information. En revanche, l’Etat gardera la main dans l’audiovisuel en se réservant le droit de créer seul des chaînes thématiques. Enfin, il accède à l’une des revendications immuables des journalistes, à savoir la dépénalisation du délit de presse. La loi sur l’information « introduira les repères d’une charte déontologique et complétera la législation actuelle, notamment à travers la dépénalisation du délit de presse », a-t-il promis.
AP