Je considère que le rôle de l’intellectuel ou du journaliste n’est pas de fonctionner aux ordres, de produire des louanges par la soumission contreproductive pour le pouvoir lui-mêmeen contrepartie d’une distribution de la rente, mais d’émettre des idées constructives, selon sa propre vision du monde, par un discours de vérité pour faire avancer la société.
C’est pourquoi je m’associe au premier anniversaire de Algérie-Focus.com que j’encourage à persévérer dans la voie qu’il s’est tracée à savoir un discours de vérité sans complaisance profitable aux seuls intérêts supérieurs de l’Algérie qui doit nécessairement s’adapter aux nouvelles mutations mondiales notamment à travers un nouveau système d’information, le monde étant devenu une maison de verre, contribuant à faire reculer les régimes totalitaires.
Car, je pense fermement depuis des années, que la seule façon de se maintenir au temps d’une économie qui change continuellement, et donc d’une action positive de l’intellectuel et du journaliste c’est d’avoir une relation avec l’environnement national et international, c’est-à-dire mettre en place progressivement les mécanismes véritablement démocratiques qui ont un impact sur l’accumulation des connaissances internes.
Aussi, l’intellectuel et le journaliste ne sauraient vivre en vase clos, la culture n’étant pas figée, mais évolutive fortement marquée par l’ouverture de la société sur l’environnement englobant l’ensemble des valeurs, des mythes, des rites et des signes partagés par la majorité du corps social comme le montrent les différentes interviews de Focus Algérie de personnalités de différents horizons avec des sensibilités différentes.
Evitons les confusions : l’intellectuel n’est pas nécessairement un philosophe ou un écrivain ou un professeur d’Université. Et c’est cela qui fait que les journalistes via Internet à travers le net qui prendra de plus en plus une extension avec la révolution des systèmes de communication, risquant d’ailleurs de marginaliser la presse écrite( notre ami Jacques Attali prévoit sa disparition dans 15/20 ans ), peuvent parfois jouer le rôle des intellectuels autrefois réservés aux scientifiques surtout dans une société hyper médiatisée. En fait, il s’agit de toute personne( femme ou homme) qui, du fait de sa position sociale, dispose d’une forme d’autorité et la met à profit pour persuader, proposer, débattre, permettre à l’esprit critique de s’émanciper des représentations sociales.
Aussi, l’intellectuel ne saurait s’assimiler aux diplômes n’ayant pas forcément de lien avec le niveau scolaire, mais avec son niveau cultuel. Rappelons que Einstein postulant une théorie non-conformiste par la suite qui a révolutionnée le monde, a au début été rejeté par ses pairs de l’Université car qui se limitaient à une évaluation bureaucratique – administrative.
En tant qu’économiste, permettez moi de rappeler la résultante de la nouvelle configuration de la division internationale du travail, produit historique de l’évolution du développement du capitalisme que l’on nomme aujourd’hui mondialisation, les anglo-saxons parlant plutôt de globalisation, que le capital se socialise dans différents dispositifs techno- organisationnels influant dans le rapport des individus au travail dont le nouveau ssytème de communication est déterminant dans les savoirs sociaux , ayant des incidences à la fois sur la gouvernance d’entreprise, la gouvernance sociale et politique. Cette approche socio- culturelle évitant l’économicisme, qui rend compte de la complexité de nos sociétés doit beaucoup aux importants travaux sous l’angle de l’approche de l’anthropologie économique de l’économiste indien prix Nobel Amartya SEN où d’ailleurs selon cet auteur il ne peut y avoir de développement durable sans l’instauration d’un État de droit et de la démocratie tenant compte de l’anthropologie culturelle de chaque société, qui permet à la fois la tolérance,la confrontation des idées contradictoires utiles et donc l’épanouissement des énergies créatrices. Cela renvoie au concept de rationalité du grand philosophe allemand Emmanuel Kant « la Critique de la Raison pure (Kritik der reinen Vernunft) » publiée en 1781 et en 1787 (seconde édition remaniée) encore que la rationalité est relative et historiquement datée comme l’ont montré les importants travaux de l’anthropologue polonais Bronisław Kasper Malinowski (1884-1942), sur les tribus d’Afrique et d’Australie. Car, il s’agit de ne pas plaquer des schémas importés sur certaines structures sociales ou il y a risque d’avoir un rejet ( comme une greffe sur un corps humain) du fait que l’enseignement universel que l’on peut retirer de l’histoire des civilisation depuis que le monde est monde est qu’il n’existe pas de modèle universel.
En conclusion, facteur déterminant, l’intellectuel et les journalistes doivent douter constamment, et cela doit s’appliquer également aux politiques, .se remettant toujours en question, selon cette devise d’une profonde sagesse que le plus grand ignorant est celui qui prétend tout savoir. L’histoire du cycle des civilisations, prospérité ou déclin, est intiment liée à la considération du savoir au sens large du terme et qu’une société sans intellectuels est comme un corps sans âme. Le déclin de l’Espagne après l’épuisement de l’or venant d’Amérique et certainement le déclin des sociétés actuelles qui reposent essentiellement sur la rente, vidant d’illusion à partir d’une richesse monétaire fictive ne provenant pas de l’intelligence et du travail. Aussi, attention pour l’Algérie du fait de la dévalorisation du savoir richesse bien plus importante que toutes les réserves d’hydrocarbures.
Étant un défenseur de la presse libre, qui ne saurait signifier dénigrement gratuit, mais pour un apport productif grâce aux débats contradictoires, encore une fois bravo pour Focus Algérie dont je lui souhaite une longue vie et un grand succès.
Docteur Abderrahmane MEBTOUL