Des investissements d’un montant de 108 millions de dollars, censés être libérés par le géant émirati Dubaï DP World à court terme au profit des ports algériens de la Capitale et de Djendjen sont hypothéqués par la crise. Le groupe Dubaï DPW entrainera-t-il dans sa chute les entreprises portuaires algériennes dont il a acquis la gestion ? En extrapolant et en théorie, les risques sont bien fondés…plus que les assurances.
Le géant portuaire DP World exploite, outre le hub géant de Jebel Ali et sa capacité annuelle de 9 millions d’EVP, pas moins de 49 terminaux portuaires dans le monde. En Algérie, Il gère les ports d’Alger et de Djendjen. La faillite potentielle de Dubaï World et, en fait, de l’Etat de Dubaï lui-même, serait donc une très mauvaise nouvelle. « De fait, il y a une menace. Mais l’intérêt de Dubaï reste de se transformer en grande plateforme financière, logistique et touristique. On voit donc mal l’Etat se passer d’une activité pérenne et la sacrifier. De plus, dans le contexte actuel, on peut se demander qui pourrait racheter DP World », relève-t-on des déclarations d’un expert français. Cependant, après l’annonce officielle de l’Emirat soulignant que l’Etat n’interviendra pas pour épauler Dubaï DPW qui comprend l’opérateur portuaire DP World et le géant de l’immobilier Nakheel, les risques sont encore plus palpables.
Dubaï World et le gouvernement sont deux entités différentes
En effet, les craintes ont été attisées par les dernières déclarations d’Abdoulrahman al Saleh, le directeur général du ministère des Finances, faites ce lundi à la chaîne de télévision Dubaï TV faisant état que les autorités de Dubaï n’assumeraient pas les dettes du conglomérat public Dubaï World. «Les créanciers doivent assumer leur propre part de responsabilité tenant à leur décision de prêter aux entreprises», a-t-il affirmé, ajoutant qu’ «ils pensent que Dubaï World fait partie de l’Etat, ce qui est incorrect.». C’est un message net à tous les partenaires et les créanciers de Dubaï DPW. Hier, le souverain du Dubaï, cheikh Mohammad ben Rached Al-Maktoum, a tranché le nœud Gordien en affirmant que son gouvernement et le conglomérat public Dubaï World étaient deux entités différentes, dans sa première apparition publique depuis l’éclatement de la crise sur la dette. «Faire l’amalgame entre Dubai World et le gouvernement de Dubaï est erroné», a déclaré cheikh Mohammad, également vice-président et Premier ministre des Emirats arabes unis, à des journalistes au siège de la télévision de Dubaï. Pour John Sfakianakis, économiste en chef chez Banque Saudi Fransi, filiale du groupe Crédit agricole : «quel rôle joue le gouvernement ?
Ceci continue à créer de l’incertitude », a-t-il déclaré. «Leur objectif est de faire une distinction entre les deux (entre l’Etat et Dubaï DPW), mais la différence (…) est nébuleuse.» En effet, la distinction entre le gouvernement de Dubaï et les entreprises phare semble minime, estiment plusieurs experts. Du côté algérien, aucune voix officielle n’est venue rassurer les EP algériennes. Faisant cheval seul, El Hachemi Siagh, un expert algérien en finances, a déclaré hier à l’APS que les difficultés financières actuelles du conglomérat émirati Dubaï World ne vont pas affecter les activités de sa filiale portuaire DP World en Algérie. «Ce sont surtout les activités immobilières de Dubaï World qui sont touchées. DP World est l’une des filiales de Dubaï World mais elle ne semble pas touchée par la restructuration », a-t-il déclaré.
Cependant, une éventuelle répercussion de la crise de Dubaï sur les activités de DP world en Algérie est probable vu l’ampleur de la crise qui a faussé toute les cartes de cet émirat naguère nanti. Il faut savoir que Dubaï DPW compte investir dans un premier temps 108 millions de dollars sur une durée allant de trois à quatre années. La concession de 30 ans de DP World est cohérente avec la stratégie Algérienne à développer les deux ports d’Alger et Djen Djen en ligne avec les intérêts nationaux : DP World Djazair, qui gère plus de 60% du commerce extérieur, sera développé en premier lieu pour servir les besoins domestiques, alors que Djen Djen va devenir le principal terminus de la partie est du pays, ainsi que d’un hub de transbordement pour la Méditerranée occidentale. Pour rappel, l’émirat de Dubaï avait demandé mercredi un moratoire de six mois sur le remboursement en décembre des 59 milliards de dollars dus par l’entreprise publique Dubaï World. Le moratoire concernerait environ 5,7 milliards de dollars (3,8 milliards d’euros) de dettes arrivant à échéance avant la fin mai 2010. La banque centrale des Emirats a promis dimanche qu’elle fournirait des liquidités aux banques locales en cas de besoin. Mais Abdoulrahamn al Saleh a estimé que cela ne serait sans doute pas nécessaire.
Benachour Med
Fiche technique
Dubai Ports World, plus simplement DP World ou DPW est le troisième opérateur portuaire mondial. C’est une filiale de Dubai World, société holding, propriété du gouvernement de Dubaï (Émirats arabes unis). DP Terminals a été créé en 1999 et DP World est né de la fusion entre la Dubai Port Authority et l’activité internationale de DPI Terminals. En mars 2006, DP World a racheté la société britannique P&O, qui était alors le quatrième opérateur portuaire mondial, pour la somme de 3,9 milliards de livres sterling, devançant l’offre du Singapourien PSA International qui n’était que de 3,5 milliards. Ce rachat a provoqué une forte polémique aux États-Unis où P&O gérait plusieurs ports américains1. Dans le contexte post 11-Septembre, de nombreux membres du Congrès américain, tant Démocrates que Républicains, se sont opposés, pour des questions de sécurité, à ce qu’une société d’un pays du Golfe gère des ports américains. Malgré le soutien de la Maison blanche et d’un certain nombre de garanties apportées, DP World a dû se résoudre à revendre ses activités portuaires aux États-Unis.