Pour la première fois de l’histoire des Etats-Unis, que la Standard & Poor’s le 05 aout 2011 dégrade la dette souveraine américaine qui perd son triple AAA à AA. C’est que les thérapeutiques conjoncturelles européennes de juin/juillet et américaines du début aout 2011 ne s’étant pas attaquées à l’essence du mal qui ronge le corps social mondial, il fallait s’attendre à comme je l’ai souligné dans plusieurs contributions nationales et internationales depuis aout 2007, à des turbulences cycliques comme cela est le cas en ce mois d ‘aout 2011 au niveau des bourses mondiales et cela risque de se prolonger avec des répits dans les mois et années à venir.
En effet, les Etats confrontés à un important déséquilibre budgétaire, il n’est ni possible ni souhaitable que les dépenses se maintiennent à un niveau aussi élevé. Cela n’est pas propre aux USA comme en témoigne l’explosion des déficits budgétaires pour l’ensemble des pays européens et des pays de l’Asie comme le Japon ( dette deux fois supérieure à celle de l’Europe) et très accessoirement la Chine sans compter les déficits d’autres pays émergents L’objectif stratégique est la relance de la sphère réelle face à cette crise de l’endettement des Etats, posant la problématique de l’urgence d’une nouvelle régulation de l’économie mondiale.
1-Un accord entre républicains et démocrates, un accord de court terme
L’Accord a prévu des réductions budgétaires en deux étapes dont la première tranche couvrirait environ 1.000 milliards de dollars sur 10 ans. L’accord mettrait ensuite sur pieds une commission spéciale bipartite du Congrès (républicains et démocrates) avant fin novembre 2011– de faire des recommandations pour tailler dans les dépenses publiques fédérales à hauteur de 1.500 milliards de dollars également sur 10 ans. Cette deuxième étape contiendrait des réductions dans nombre de secteurs de l’Etat fédéral, y compris dans certains programmes sociaux.
Dans cet Accord, le président Barack Obama s’est engagé à ne pas accroitre les impôts, l’accord prévoyant une baisse de 350 milliards de dollars sur 10 ans, ce qui posera le problème de financement des plans sociaux. Cette mesure transitoire permettra au Trésor américain de tenir jusqu’en 2013, soit après les élections de novembre 2012. Bien qu’à court terme l’accord protège la Social Security (assurance sociale pour la retraite et les handicapés), les bénéficiaires du Medicare (assurance santé pour les personnes âgées), et les dispositifs sociaux pour les personnes ayant des revenus modestes. Aussi, s’il ne fallait pas avoir une vision de sinistrose car un non accord aurait conduit au risque de l’implosion de toute l’économie mondiale ce qui ne n’empêche pas de tirer les leçons urgentes pour l’avenir d’une refonte du système monétaire international issu des Accords de Breeton Woods de 1945 totalement inadapté aux nouvelles réalités mondiales. Aussi je pense que ce sont des accords de replâtrages à l’instar de l’Accord européen vis à vis de la crise grecque ne s’étant pas attaqué à l’essence de la crise qui risque de se repérer dans les mois ou années proches.
Certes, à court terme l’économie américaine reste et restera entre 2011/2015/2020 la première puissance économique mondiale, le dollar représentant 60% des transactions mondiales contre 27% pour l’euro et nous sommes à l’ère de la mondialisation. Sur les 7 000 milliards de dollars de placements américains dans le monde reçoivent plus de dividendes de leurs investissements à l’étranger que le pays ne paie d’intérêts sur leurs dettes, les avoirs américains à l’extérieur étant essentiellement composés d’actions alors que les créances étrangères correspondent à des titres obligatoires sur le Trésor américain.
La différence de rendement entre des actions et des obligations explique que les États-Unis restent, en dépit de leurs déficits, des investisseurs bénéficiaires. Par ailleurs, à la différence de bon nombre de pays, les USA peuvent monétiser leur dette faire tourner la planche à billets du fait du dollar comme monnaie internationale représentant 60% des transactions mondiales en 2010 contre 27% pour l’euro , expliquant les réticences à réformer le système monétaire international caractérisé par la non synchronisation entre la sphère financière dominante et la sphère réelle, la dynamique économique et la dynamique sociale (distorsion entre les salaires et les profits spéculatifs).
2- Une dette publique inquiétante des USA-Europe avec une concentration excessive de la richesse mondiale
L’envolée de la dette publique occidentale explique les tensions budgétaires actuelles depuis fin 2010 tant aux USA en Europe mais également en Chine c’est à dire au niveau des trois espaces économiques les plus puissants du monde. En effet, le PIB mondial est évalué selon les statistiques du FMI en 2010 à 61 963 milliards de dollars US et selon la FED américaine la dette publique US dépasse les 14. 294 milliards de dollars soit 97% du PIB pour une population estimée à 310 millions.
Pour l’ensemble de la communauté économique européenne des 27, selon Eurostat la dette publique représente 80%, du PIB soit 12.885 milliards de dollars pour une population d’environ 500 millions. USA et Europe 12% de la population mondiale concentrent 27136 de milliards de dollars de dettes publiques soit 45% du PIB mondial. Cela démontre une concentration excessive du PIB près de 50% pour une population ne dépassant pas 900 millions d’habitants alors que la planète approche 7 milliards d’habitants. Car pour la Chine pourtant deuxième puissance économique mondiale depuis 2010, pour une population de 1,33 milliard d’habitants le PIB totalise seulement 5745 milliards de dollars soit 9,5% du PIB mondial qui a placé une grande partie de ses réserves de cange environ 30% sur plus de 3000 milliards de dollars de réserves de change, connait une explosion de sa dette publique et un retour à l’inflation 5,4% au premier semestre 2011 selon les statistiques officielles chinoises.
Selon les statistiques récentes de la banque mondiale, inclus les dettes contractées par les provinces, les municipalités et les districts qui ont atteint l’an dernier 27 % du produit intérieur brut , 1160 milliards d’euros résultat des mesures des effets de la crise mondiale d’octobre 2008 où en 2009 et 2010 ce qui fait grimper le total de la dette chinoise à plus de 80% de son PIB. Autant qu’il faille s’attendre à un retour à l’inflation mondiale en cas de la déconnection de la sphère réelle et financière, tant en Europe qu’aux USA, qu’en Chine.
3-Les politiques économiques classiques en désarroi face à la crise
Les thérapeutiques sur les perspectives de sortie de la crise sont contradictoires entre les partisans de l’orthodoxie monétaire et les partisans de la relance par le déficit budgétaire. Ainsi, la grande majorité des économistes s’accorde aujourd’hui sur la nécessité d’asseoir la macroéconomie sur des fondements microéconomiques.
La situation actuelle est insupportable et dangereuse et conduira au chaos si l’on n’entreprend pas de réformes profondes. Si les Etats-Unis ne mettent pas de l’ordre dans leur budget et ne font pas davantage d’économies, ils vont au-devant de problèmes douloureux avec pour risque d’accentuer la récession mondiale, le dollar représentant en 2011 60% des transactions mondiales contre 27% pour l’euro.
Pour l’Europe, des pays comme la Grèce, l’Italie, le Portugal et l’Espagne seront tôt ou tard menacés d’insolvabilité et l’Union européenne redoutera tôt ou tard que ces pays ne sombrent dans un chaos semblable à celui de l’Argentine en 2002 et de l’Islande en 2008. Ces chocs vont bouleverser une nouvelle fois l’économie mondiale. En cas de non solutions structurelles, le risque est soit l’augmentation des impôts qui toucheront certainement les couches les plus défavorisées ou une accélération de l’inflation mondiale pour éponger la dette des Etats qui pénaliseraient également ces couches sociales dans la mesure où l’inflation joue comme vecteur de redistribution en faveur des revenus variables au détriment des revenus fixes.
Selon l’INSEE (2009) pour la France un point d’inflation en plus donne autant de recettes fiscales qu’un point de croissance supplémentaire et dans sa note de conjoncture de mai 2010 la Deutsche Bank note qu’une accélération de l’inflation de 2 à 8% entraînerait une baisse de 21% de la valeur de la dette publique mais avec le risque d’une inflation élevée compte tenu d’une hausse inévitable du taux d’intérêt des nouvelles obligations. Mais l’inflation ne se décrète pas et est le produit de la régulation Or, à la différence de la période historique des Etats Nations, l’économie actuelle est globale et surtout l’introduction des pays émergents à très forte population comme la Chine, l’Inde, le Brésil dont le cout salarial est extrêmement bas, explique que les banques centrales ont beau injecter des centaines de milliards de liquidité contribuant certes à des bulles d’actifs détruisant ainsi la liquidité injectée mais ayant un impact limité sur le processus inflationniste.
Un rééquilibrage salarial ce qui et souhaitable au profit des pays émergents, si les populations les pays du G7 continuent à vivre au dessus de leurs moyens entraineraient un processus inflationniste mondial incontrôlée avec d’importantes tensions sociales du fait de la concentration de la richesse au profit d’une minorité rentière alors que l’urgence de l’heure est un sacrifice partagée.
4- Urgence d’une nouvelle régulation mondiale
L’émergence d’une économie et d’une société mondialisées et la fin de la guerre froide depuis la désintégration de l’empire soviétique, remettent en cause la capacité des États- nations à faire face à ces bouleversements. Les gouvernements à travers les États-Nations – et la crise actuelle en est la démonstration, sont désormais dans l’impossibilité de remplir leurs missions du fait de la complexification des sociétés modernes, de l’apparition de sous-systèmes fragmentés, de l’incertitude liée à l’avenir et de la crise de la représentation politique, d’où l’exigence de s’intégrer davantage dans un ensemble plus vaste pour pouvoir répondre aux nouvelles préoccupations planétaires.
Cette régulation mondiale est rendue d’autant plus urgente avec cette financiarisation accrue car il s’échange chaque jour 4.000 milliards de dollars de devises sur les marchés des changes, trois fois plus qu’il y a une décennie, selon l’enquête triennale publiée fin aout 2010 par la Banque des règlements internationaux. Les acteurs non bancaires font désormais la moitié des transactions, la City renforçant sa prééminence, avec 37 % des échanges de monnaies et 46 % des transactions sur les dérivés de taux d’intérêt. Paris avec 3 % du négoce de devises et 7 % sur les dérivés (troisième rang derrière Londres et New York). Nous assistons à l’entrée du dollar australien, le won coréen, la lire turque, la roupie indienne, ces monnaies qui progressent, au détriment du billet vert et l’introduction du yuan chinois sur ce marché dans un proche avenir devrait entrainer de profonds bouleversements.
En l’absence d’institutions internationales réformées tenant compte des nouvelles mutations mondiales et notamment des pays émergents, capables de prendre le relais de la souveraineté étatique défaillante, le risque est que le seul régulateur social demeure les forces du marché à l’origine d’ailleurs de la crise mondiale actuelle. Aussi s’agit-il de prendre au sérieux ces turbulences en prenant des décisions d’ordre structurelles au risque d’un krach mondial pire que celui de 1929. La refonte du système économique mondial d’une manière générale et du système monétaire international d’une manière particulière s’impose pour éviter des turbulences cycliques préjudiciables à l’avenir de l’économie mondiale comme en témoigne la bipolarisation croissante entre le Nord et le Sud et les remous sociaux également croissants au niveau de la zone Nord. Faute d’une remise en ordre énergique des finances publiques notamment aux USA et en Europe il y a fort risque d’aggravation de l’économie mondiale.
Il est évident que l’Algérie exportant 98% d ’hydrocarbures libellés en dollars, important 75% des besoins des entreprises et des ménages dont 60% en euros , ayant placé 80% de ses réserves de change, environ 125 milliards de dollars, soit en bons de trésor américains, dans les banques centrales européennes et autres parties du monde ( pour ces cas certes garantis par les Etats mais avec des rendements très faibles pour ne pas dire nuls) et dans des banque privées dites cotées AAA est interpellée.
Professeur Abderrahmane MEBTOUL expert International
(*) Cet article a été publié tel qu’il nous a été envoyé par son auteur