Société de la connaissance ou société de l’information face à la révolution numérique : un défi pour une nouvelle gouvernance.

Redaction

n « Le monde est devenu une grande maison de verre, un acquis contre les régimes totalitaires dans la mesure où l’information n’est plus le quatrième pouvoir mais le pouvoir lui-même. »

Les journées mondiales de la liberté de la presse est célébrée tous les 03 mai 2009 et celle de la société d’information a lieu tous les 17 mai selon l’adoption par l’assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies de la résolution A/RES/60/252 renvoyant à un Etat de droit et plus de démocratie. L’infrastructure de l’Internet se répand aujourd’hui autour du monde pour créer un large réseau mondial et ce grâce à l’informatique qui permet aujourd’hui de numériser les informations et de gérer de nouveaux systèmes. Ceci a des implications importantes sur la formation et l’enseignement.: Par exemple, les nouveaux produits et services TIC ne peuvent être utilisés que si les consommateurs ont des connaissances technologiques de base minimales. L’expansion est spectaculaire. En 1984 il y avait 1000 ordinateurs connectés, en 1987 10.000, en 1989 100.000, en 1991 apparition du World Wide Web , en 1992 1.000.000 d’ordinateurs connectés, en 1992 apparition du Navigateur web NCSA Mosaic , en 1996 10.000.000 d’ordinateurs connectés, en 1999, 200 millions d’ordinateurs dans le monde , en 2000 Explosion de la Bulle Internet , 20005 , 1 milliard d’utilisateurs dans le monde , en 2007 2,32 milliards d’ordinateurs et il semble que les 3 milliards aient été dépassés entre 2008/2009 et cela n’est pas fini.

I- SOCIÉTÉ DE L INFORMATION OU SOCIÉTÉ DE LA CONNAISSANCE ?

La société d’information désigne une société dans laquelle les technologies de l’information jouent un rôle fondamental. Par contre la notion de société de la connaissance (knowledge society), apparue vers la fin des années 1990, est utilisée en particulier dans les milieux universitaires, comme une alternative jugée préférable par certains à la notion de «société de l’information. Aussi, le débat n’est pas clos, et actuellement sur le plan théorique il y a désaccord, bien que l’emploi du premier se soit imposé, et aucun des deux n’a pu être l’objet d’un consensus. Alors que l’optique beaucoup plus technique de la société d’information fait référence aux données, aux canaux de transmission et aux espaces de stockage de l’information, la notion de société de la connaissance évoque les êtres humains, les cultures et les formes d’organisation et de communication, l’information étant déterminée en fonction de la société et non l’inverse.
Par exemple, Abdul Waheed Khan de l’Unesco : « La société de l’information est la pierre angulaire des sociétés du savoir. Alors que, pour moi, la notion de société e l’information est liée à l’idée d’innovation technologique, la notion de “sociétés du savoir” comporte une dimension de transformation sociale, culturelle, économique, politique et institutionnelle, ainsi qu’une perspective de développement plus diversifiée. À mon sens, la notion de société du savoir” est préférable à celle de société de l’information car elle fait une place plus large à la complexité et au dynamisme des changements qui sont à l’œuvre. (…) Le savoir en question est utile non seulement pour la croissance économique, mais aussi parce qu’il contribue à l’autonomie et au développement de la société dans son ensemble ».

Yves Courrier, différencie les deux termes comme suit : la « société de l’information met l’accent sur le contenu du travail (processus de saisie, de traitement et de communication des informations nécessaires) tandis que la société de la connaissance » met l’accent sur le fait que les agents économiques doivent posséder des qualifications supérieures qu’ils mettront à contribution dans l’exercice de leurs métiers.

Dans un important ouvrage coordonné par Alain Ambrosi, Valérie Peugeot et Daniel Pimienta dans « Enjeux de mots : regards multiculturels sur les sociétés de l’information » je cite « les politiques visant au développement de la société de la connaissance devant être axées sur les personnes, d’après leurs besoins et dans le cadre des droits humains et de la justice sociale ». Et de conclure « Le concept de société de l’information apparu avec la globalisation néolibérale, sous-entend que, désormais, ce seront les révolutions technologiques qui détermineront l’orientation du développement ; les conflits sociaux appartiendraient au passé. Pour cette raison, ce concept n’est pas le plus approprié, que ce soit pour qualifier les nouvelles tendances des sociétés et, encore moins, pour décrire un projet de société anti-hégémonique … toute définition du terme société ne peut pas décrire une réalité limitée à Internet ou aux TIC. Internet peut être un nouveau cadre d’interaction sociale, mais cette interaction est étroitement intégrée au monde physique, et les deux domaines se transforment mutuellement. L’information doit être un bien public, et non pas une marchandise ; la communication un processus de participation et d’interaction ; la connaissance une construction sociale partagée et non pas une propriété privée ; et les technologies un support pour tout ceci, sans qu’elles deviennent une fin en soi ».

II- LES INCIDENCES SOCIALES CULTURELLES ET ÉCONOMIQUES AU NIVEAU MONDIAL

Les mutations que connaît l’économie mondiale ont leur équivalent dans le domaine de l’information et de la communication. Elles ont une répercussion fondamentale sur la bonne gouvernance, sur l’urgence du renouveau du mode d’enseignement (c’est fini les cours dispensés par voie orale), sur la presse avec le développement de nouveaux médias utilisant Internet qui seront dominants à l’avenir et d’une manière générale un impact sur tous les mécanismes de gestion tant centrale que locale des institutions et des entreprises : passage de l’organisation hiérarchique de type militaire à l’organisation en réseaux. En effet, on observe aujourd’hui une métamorphose complète du paysage médiatique mondial qui est due principalement à la combinaison dynamique de deux facteurs : l’essor exceptionnel du capitalisme financier et la ‘‘révolution numérique’’ qui a donné aux technologies de l’information et de la communication un essor non moins exceptionnel. L’intégration des télécommunications, de l’informatique et de l’audiovisuel a donné naissance à la Société de l’information qui fait l’objet d’une attention particulière de la part des États et des organisations internationales. Cet intérêt s’est trouvé accru depuis une décennie en raison des retombées socio-économiques et culturelles des nouvelles technologies de l’information de la communication (NTIC) : la ‘‘fracture numérique’’ transcende en effet les clivages géographiques et traverse de part en part toutes les sociétés humaines. C’est que les nouveaux moyens de télécommunication facilitent l’échange et la diffusion de la connaissance. Ces nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) changent donc profondément la vie au quotidien des citoyens, le fonctionnement des entreprises, de l’État. Tout cela entraîne de nouvelles représentations mentales et sociales. Cela est plus patent au niveau multimédia (TV, vidéo à la demande, GPS, musique…) sur les téléphones portables.

Sur le plan macroéconomique, les nouveaux processus mis en place grâce aux TIC ont des conséquences sur l’analyse de la valeur des produits et services, que l’on effectuera davantage sur le cycle de vie, lequel a tendance à se raccourcir et influe sur les gains de productivité et la croissance liée à l’introduction des TIC. Les TIC influencent également la recherche scientifique et technique et permettent indirectement de réaliser de nouvelles découvertes qui ont à nouveau un effet macroéconomique. Enfin les TIC ont un impact dans de nombreux autres domaines comme les loisirs, la culture, la santé, la gestion du temps, les comportements en société. L’avènement d’Internet et le développement formidable qu’il connaît depuis quelques années ont pratiquement mis en demeure l’entreprise – de quelque importance qu’elle soit – de s’adapter et d’en faire l’usage le plus judicieux et le plus productif. La compétitivité l’obligeant à obtenir ou à donner l’information en temps réel, l’entreprise va en effet investir la Toile et recourir à l’électronique pour faire face à la concurrence et développer ses activités. Les NTIC permettent de mettre en place depuis quelques années des modèles d’organisation du travail dont les principales caractéristiques sont la décentralisation et flexibilité. Le phénomène de délocalisation de l’emploi tient largement de la recherche des gains de productivité et des possibilités offertes par les NTIC aux entreprises, particulièrement à celles qui sont d’une grande envergure : télé-saisie, télétraitement et télémaintenance informatique sont maintenant une réalité de tous les jours. Un tel phénomène est même observable à l’intérieur des pays développés où le recours au télétravail semble susciter un phénomène de repeuplement de certains espaces ruraux.

III-DE L’INTÉRÊT DES NTIC SUR LA BONNE GOUVERNANCE

Du point de vue de l’ONU, les bienfaits des NTIC, particulièrement pour les pays du Tiers monde, peuvent être considérables : gain de temps et d’argent, prévention de catastrophes humanitaires, extension de la bonne gouvernance, accroissement du pouvoir de mobilisation de la société civile.

C’est ce qui ressort de cette déclaration faite par Koffi Annan,ex Secrétaire général des Nations Unies, lors de la 56e Assemblée générale :

«L’énorme potentiel de ces technologies défie notre imagination. Mais dès aujourd’hui nous pouvons en mesurer l’immense utilité.
Lorsque les entrepreneurs de régions rurales peuvent passer commande ou vérifier le cours de leurs produits par téléphone cellulaire, le gain de temps et d’argent peut être énorme.
Lorsque les satellites nous renseignent sur l’imminence d’une tempête ou d’une inondation et que l’information circule rapidement grâce à un réseau de communication électronique, ce sont autant de catastrophes humanitaires qui peuvent être évitées.
Lorsque les citoyens peuvent obtenir directement sur Internet des informations indépendantes concernant les politiques de leur gouvernement, la bonne gouvernance a d’autant plus de chances de prendre racine.
Et lorsque des milliers d’entre eux peuvent communiquer en un rien de temps, par-delà les frontières, grâce au courrier électronique, le pouvoir de mobilisation de la société civile en faveur de la paix, de la justice et de la démocratie devient illimité».

Voilà donc pourquoi la compréhension des enjeux que représentent les NTIC et la maîtrise de leurs mécanismes et des instruments qu’ils utilisent restent essentielles. Elles permettraient de contribuer de manière décisive à réduire les disparités qui existent entre le Nord et le Sud et ouvrir à ce dernier des possibilités très grandes non seulement dans le domaine économique mais aussi en matière de modernisation des Etats qui le composent.

IV- LA QUESTION LANCINANTE DE LA FRACTURE NUMÉRIQUE

La ‘‘fracture numérique’’ est une expression d’origine américaine, apparue en juillet 1995 dans un rapport publié par le Ministère du Commerce américain. Il est fait état dans ce rapport de l’existence d’inégalités dans l’accès à Internet, inégalités entre les riches et les pauvres et entre les différentes ethnies qui composent la nation américaine. Ce rapport est actualisé en 1998 sous le titre ‘‘Digital Divide’’, ce qui a été traduit par ‘‘fracture numérique’’, ‘‘fracture digitale’’, ‘‘fossé numérique’’. Ce thème est repris à l’occasion de rencontres internationales, comme celle que le G8 a organisée à Okinawa en août 2000 et qu’il a consacrée aux inégalités d’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Au plan interne, des pays ont rapidement fait de cette question un sujet d’intérêt, voire de préoccupation, national. Internet aggrave, en effet, les inégalités existant au niveau mondial et au plan national : d’un côté, entre pays riches et pays pauvres et, de l’autre, à l’intérieur de ces mêmes pays, ceux du Nord voyant émerger des ‘‘sociétés numériques’’ et ‘‘à plusieurs vitesses’’. Ces deux types d’exclusion peuvent être repérés à partir d’une double analyse : celle de la répartition de la population internaute mondiale et celle des différents profils d’internautes qui existent à l’intérieur des sociétés étudiées. Identifiable donc à deux niveaux distincts, la fracture numérique requiert de la part des pays développés une prise en charge qui soit attentive à la réduction des disparités qui existent chez eux et une coopération internationale qui prenne en considération les besoins des pays du Sud supposant des conditions politiques, matérielles et financières nécessaires à la mise en œuvre d’une telle entreprise.

Car, les données statistiques montrent on ne peut mieux une concentration de la population des internautes dans les pays développés, essentiellement les pays anglo-saxons, des disparités à l’intérieur du monde développé et un retard important des pays en développement, notamment ceux du continent africain subissant une exclusion presque totale de la Société de l’information Car, l’insertion dans la Société de l’information des pays sous développés est confrontée à des obstacles quasi insurmontables. L’absence d’infrastructures adéquates et conséquentes, des coûts élevés rendent presque utopique toute idée de voir les pays les plus pauvres et l’Afrique surtout, se mettre, dans un proche avenir, à l’heure de la Société de l’information . Pour ne prendre que le cas d’Internet, on peut identifier au moins trois obstacles au développement de son utilisation.

a-Le prix de l’accès à la Toile : ce prix a trois composantes : le matériel et le logiciel, les fournitures de l’accès et les taxes téléphoniques. Selon le document de base du NEPAD (composante NTIC), « une connexion coûte en moyenne en Afrique 20 pour cent du PIB par habitant par rapport à une moyenne mondiale de 9 pour cent et à 1 pour cent dans les pays à revenus élevés ».

b- La pénurie d’infrastructures : ce problème est pris de plus en plus en charge par les pouvoirs publics dans les pays en développement en raison de l’incidence des NTIC sur le développement socio-économique. Ainsi, des mesures sont prises dans ce sens par certains pays, mesures qui consistent à laisser plus de liberté aux opérateurs historiques et à leur permettre de réinvestir leurs bénéfices; ouvrir au privé le capital des entreprises du secteur public; permettre à des opérateurs privés d’investir dans ce créneau.

c- Le problème de la disponibilité des contenus : les contenus existant dans les langues en usage posent eux aussi un problème de disponibilité qu’il n’est pas facile de régler. L’environnement culturel particulièrement pauvre, la faiblesse des systèmes éducatifs et l’absence d’investissement dans la recherche aggravent davantage le problème.

Conclusion

Toute relation ou activité humaine nécessitent des échanges d’information. Le regretté Claude Levy-Strauss un des plus grand anthropologue définit d’ailleurs la société comme un ensemble d’individus et de groupes qui communiquent entre eux. Les groupes organisés- ceux qui poursuivent la réalisation de but définis- ne peuvent fonctionner efficacement que si les informations internes et externes circulent convenablement, notamment aux points de concentration des informations, là ou se prennent les décisions. Le fondement de la société, la constitution de la civilisation repose sur une bonne communication de tout pouvoir. Une communication qui vise à informer à faire connaître et à faire comprendre. Une communication qui vise à constituer d’une part une interrelation entre les différentes structures de l’Etat et d’autre part entre l’administration et les différentes couches de la société. Car une mauvaise communication des appareils d’Etat (ère de l’époque stalinienne dépassé alors que la population parabolé a un large éventail dorénavant d’information avec la parabole) ne peut que conduire au manque de crédibilité de la communication des pouvoirs public ce qui accentue la fracture politique/citoyens et donc le divorce État/citoyens.

C’est que toute communication fiable doit prendre en considération les exigences créées par le développement de l’environnement médiatique mais aussi sociopolitique, culturel et économique tant interne que mondial. En effet, la concurrence médiatique avec tous ses caractéristiques : démultiplication des moyens de diffusion de l’information ( presse , radio, télévision, internet, etc…), rapidité dans la diffusion et la circulation de l’information exige une veille permanente. Cette attention particulière des Médias sur l’action publique répond à un besoin de l’opinion dans une démocratie pluraliste, celui de pouvoir juger les Gouvernants parce que devant les choisir. Ainsi les médias parlés / écrits crédibles concourent modestement à asseoir la démocratie. Une presse (ou de intellectuels) aux ordres s’adonnant aux louanges est contre productive pour le pouvoir lui-même.

ANNEXE

Les apports de Nicolas Curien

– Conservatoire national des arts et métiers et Académie des technologies et Pierre -Alain Muet -École polytechnique et Inspection générale des finances (France)- in « La société de l’information »

Introduction du Professeur Christian De BOISSEU et commentaires des Professeurs Élie COHEN et Michel DIDIER

Complément A. Les enjeux juridiques de l’Internet au regard de la préparation du Sommet de Genève-Isabelle Falque-Pierrotin B. La société de l’information :quels enjeux pour l’industrie des TIC-Didier Zmiro -C. Équipement des ménages en micro-ordinateurs et principales mesures incitatives dans dix-huit pays de l’OCDE-Direction des relations économiques extérieures- D. Favoriser la diffusion du micro-ordinateur et de l’Internet dans les ménages français- Karine Revcolevschi- E. La numérisation des biens artistiques : danger ou opportunité ? Le cas de l’industrie du disque-Gilles Bordes et Alain Crawford F. L’économie fondée sur le savoir-Dominique Foray- G. Documents et numérique-Jean-Michel Salaün – H. Mesure statistique de la société de l’information -Raymond Heitzmann, Fabrice Lenseigne et Patrice Roussel-Les enjeux de l’administration électronique-Gilles Brégant- J. Sécurité des réseaux et économie numérique -Mireille Campana- K. Les collectivités locales, acteurs du modèle français de la société de l’information Emmanuel Éveno et Daniel Latouche- L : Internet et les TIC au service de la santé -Michel Villac

la Documentation française. Paris, 2004 – ISBN : 2-11-005534-0

Je propose de faire une synthèse de cet important rapport (305 pages) de référence sur la nouvelle économie, en suivant les cheminements des auteurs ; quitte par la suite à en apporter une lecture critique

1.- De l’ère industrielle à l’ère de l’information

La nouvelle économie se résumait au développement du commerce De biens et services sur Internet, il s’agirait là d’un phénomène certes important pour l’avenir, mais dont les conséquences demeureraient assez circonscrites. Les changements organisationnels qu’entraîne la diffusion des technologies de l’information se portent en réalité vers tous les secteurs de l’ancienne économie », et ce sont ces changements qui induisent une nouvelle révolution industrielle. Comme les précédentes, celle-ci résulte de lacombinaison de plusieurs facteurs et se manifeste sous plusieurs dimensions, notamment : l’avènement de « l’entreprise-réseau », l’autonomisation du travail, le rôle moteur des marchés financiers dans la dynamique industrielle et les processus d’innovation, la transformation profonde de la gestion des savoirs et la montée en puissance d’une économie de la connaissance.

2- Changements dans l’organisation du travail

À l’ère de l’information, le travail est l’objet de deux transformations majeures : d’une part, le retour vers une plus grande autonomie, après la bureaucratisation de l’ère industrielle ; d’autre part, la réintégration dans la pratique professionnelle d’un savoir et d’une culture acquis dans la sphère de vie quotidienne : alors qu’à l’ère industrielle, les travailleurs des industries taylorisées ne devenaient opérationnels qu’en étant « dépouillés des savoirs, des habiletés et des habitudes développés par la culture du quotidien

3- Le rôle des marchés financiers

Le développement de la nouvelle économie entraîne également une mutation importante du fonctionnement des marchés financiers. La déréglementation des marchés, amorcée aux États Unis dans les années quatre vingt, a ouvert à la concurrence des secteurs initialement occupés par des
quasi-monopoles. A cette déréglementation, s’est ajoutée une profonde modification des modes de financement des entreprises qui a conduit, en l’espace de quelques années, d’une économie de l’intermédiation financière dominée par le crédit à une économie de marchés financiers.

4- Paradoxe de l’économie numérique

Biens publics, rendements croissants, externalités positives de consommation, paquets de produits liés, échanges de signaux hors marché, etc. : un tel tableau jure singulièrement avec les hypothèses de la concurrence parfaite. Si les TIC fournissent les instruments qui devraient en théorie favoriser un fonctionnement plus efficace d’une économie de marché, elles installent dans le même temps les ingrédients d’une économie publique ! ».

5-TIC et nouvelles relations économiques

Au fur et à mesure que les innovations induites par la logique inventive perceront les résistances de la logique défensive, une économie d’un type spécifique émergera peu à peu, dans laquelle les mécanismes traditionnels du marché et de sa régulation s’hybrideront avec de nouvelles formes de
relations coopératives entre les agents économiques. Dans une telle perspective, le paradigme pertinent ne consiste pas à penser les TIC comme le support technologique naturel du libre échangisme, mais plutôt comme l’instrument d’une « coordination distribuée » entre les agents, une coordination sans représentation institutionnelle explicite.


6-Le réseau comme forme institutionnelle

« Écosystèmes » de consommateurs, « viviers » d’entreprises entretenant des relations mi-concurrentielles mi-coopératives, « sélection » adaptative de routines et de savoirs, autant de formulations suggérant que la métaphore la plus pertinente pour évoquer le rôle des réseaux dans l’économie numérique est vraisemblablement celle du vivant, plutôt que celle de la machine. Poursuivant dans cette voie, on peut se risquer à ériger le réseau en institution, au même titre que le marché ou la hiérarchie, et à établir à grands traits un parallèle entre trois types d’organisation économique, respectivement basés sur la hiérarchie, sur le marché, et sur le réseau. Pourtant, ce modèle hiérarchique, viable pour un système économique de taille modeste et opérant dans un domaine de rendements de production croissants, devient inadapté pour un système économique de grande taille, en raison de problèmes liés à la transmission des informations entre le centre et la périphérie, ainsi qu’à l’apparition de dysfonctionnements grandissants lorsque s’allonge la chaîne hiérarchique (rendements organisationnels décroissants). Comme le note Eric COHEN dans son commentaire de cette importante étude « sous l’effet de la montée en puissance de l’information, de nombreux biens économiques deviennent des biens complexes (« paquets » intégrant des prestations à façon), des biens d’expérience (dont l’utilité est difficile à apprécier à l’avance), ou des biens paramétrables (modulables selon le profil du consommateur). Il en résulte que le signal-prix adressé par un marché traditionnel ne suffit plus pour éclairer les choix des consommateurs, surtout lorsque la gratuité se généralise pour certains biens purement informationnels. Dans ce type d’économie fondée sur l’information, le fonctionnement décentralisé du marché ne conduit pas à l’optimum collectif, mais peut au contraire favoriser les excès de concentration et les rentes de monopoles (voir Microsoft).

7- Les politiques gouvernementales

La prise de conscience des enjeux de la société de l’information a conduit la plupart des gouvernements à mettre en oeuvre des programmes d’action portant sur le développement des infrastructures, l’administration électronique, la formation et l’éducation, la lutte contre la fracture numérique.

8- Régulation et enjeux internationaux

L’Internet s’est internationalisé très rapidement. En quelques années, il s’est imposé à tous les États, qui se sont parfois trouvés aussi démunis face à son développement qu’ils l’ont été face à la mondialisation des échanges économiques et financiers. Il est difficile de contraindre ou d’interdire sur Internet et la réglementation publique traditionnelle, déjà délicate à mettre en oeuvre dans l’espace international, semble encore plus malaisée pour un réseau sans frontière, en continuelle expansion, où interagissent de multiples acteurs.

Abderrahmane Mebtoul est Docteur d’Etat en Sciences Économiques (1974), Expert International, professeur d’université en sciences économiques


Références bibliographiques

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Castells M. (2002) : La galaxie Internet, Fayard, traduction française.
Clément J. (2001) : « L’adieu à Gutenberg » in Apprendre le multimédia et
Cohen D. et M. Debonneuil (2000) : « L’économie de la nouvelle économie
» in Nouvelle économie, Rapport du CAE, n° 28, La Documentation française.
Curien, N. et M. Gensollen (2003) : « TIC et nouvelles relations économiques,
Écosystèmes et coopétition » in Encyclopédie de l’innovation, Mustar et Pénan (eds), Paris, Economica.
La Net économie, Andrée Muller, 2001, PUF
Alain Ambrosi, Valérie Peugeot et Daniel Pimienta novembre 2005 C & F Éditions « Enjeux de mots : regards multiculturels sur les sociétés de l’information
Rapport de Nicolas Curien -Alain Muet « La société de l’information » Commentaires Élie COHEN et Michel DIDIER « la Documentation française. Paris, 2004 – ISBN : 2-11-005534-0