Témoignages de torturés pendant la guerre d’Algérie

Redaction

Utilisée durant la guerre d’indépendance, la torture fut dénoncée par de multiples témoins. Jean-Pierre Guéno a rassemblé leurs écrits.

« Les parachutistes se sont présentés chez moi et ont perquisitionné. Ils m’ont emmenée avec mon jeune frère Claude et transportée en Dodge, les yeux bandés. Nous sommes arrivés très vite à la villa Sésini où l’on m’a remise à un homme avec ces mots : « Jusqu’à ce que mort s’ensuive »… » Lucie Costas, dans cette lettre adressée en mars 1957 au Monde, raconte les heures de sévices qui ont suivi son arrestation pendant la bataille d’Alger opposant les paras de Massu au FLN.

Ce témoignage, adressé à Hubert Beuve-Méry, le directeur du quotidien du soir, et d’autres, aussi terribles, destinés aux patrons de L’Express et de France Observateur ont été rassemblés par Jean-Pierre Guéno. Jusqu’alors éparpillés, parfois oubliés ou, surtout, inédits, ces récits jettent un éclairage cru sur cette guerre à outrance qui ne disait pas son nom. Et qui fit de nombreuses victimes, dont Maurice Audin, jeune mathématicien communiste, militant de l’indépendance de l’Algérie.

Le refus de voir la France « perdre son âme »

Dans une époque de fureur et de haine où les exactions étaient pratiquées dans les deux camps avec férocité, ces témoignages sur la « question », alors ignorés par le pouvoir, ont pourtant fourni des arguments à ceux qui refusaient que la France perde son âme. A des intellectuels : Jean-Paul Sartre, Claude Bourdet ; à des hommes de presse : Jean-Jacques Servan-Schreiber, Jean Daniel ; à des militaires, comme le courageux général Pâris de Bollardière, qui, pour s’opposer à l’usage de la torture par ses troupes, évoquait, dans une lettre publiée par L’Express, « l’effroyable danger qu’il y aurait pour nous à perdre de vue, sous le prétexte fallacieux de l’efficacité immédiate, les valeurs morales qui, seules, ont fait la grandeur de notre civilisation et de notre Armée ».

De son côté, François Mauriac se désolait dans son Bloc-Notes : « Il reste des crimes qui atteignent ceux qui les commettent, le corps d’élite dont il porte l’uniforme et, à travers l’armée, nous-même, le peuple. »

Source : L’Express

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