Par Nassim Brahimi
La drogue serait-t-elle la seule certitude qu’on a sur notre après-pétrole? Peut-être qu’elle en sera une, puisque elle intègre violemment l’interminable liste de nos «importations» et l’exigu espace de notre «agriculture».
La drogue n’est pas taboue, comme le sexe ou la misère le sont. C’est même le GPS des classes sociales. Paradoxalement, il y a, dans ce sujet, comme une légère confusion sociolinguistique. En bas de l’échelle, on retrouve les drogues dites «douces». Comprendre pas chères. Tandis qu’en haut, on snife la vie à coups de drogues «dures», c’est-à-dire, hors de portée des petites et moyennes bourses et réservées à un public branché mais loin d’être averti. Entre les deux, il y a une couche méconnue qui joue constamment aux apprentis-psychiatres, enregistrant sur le jargon rural, des brevets pharmaceutiques aux appellations colorées. Le tout baignant dans une folie évasive. Et vivant dans une illusion illusoire qui annule, par un effet placebo, une autre bien réelle mais oh ! combien insupportable.
Dans la symbolique du peuple algérien, il n’y a pas de différence entre se droguer, se suicider, devenir fou (ça peut être un choix) ou tenter une harga. L’objectif recherché étant le même: Fuir et se fuir jusqu’à nouvel ordre. Un psychanalyste vous dira qu’il y a là, une recherche infantile du jouissif, donc du sexuel, par de l’auto-flagellation. Un sociologue vous expliquera, par contre, que ce n’est qu’une réponse miséreuse à une vie misérable. Quant au toxico, il estime que se droguer ce n’est que punir son idéal qui n’arrête pas de lui échapper.
Il y a un facteur que tous les addictologues négligent dans leur tentative de comprendre la dépendance des drogués à leur drogue, c’est leur non-dépendance à autre chose. Le vide, autrement dit. Et en Algérie, ce n’est pas ça qui manque. Bien évidemment, ceci ne concerne pas uniquement la consommation de la drogue mais peut s’appliquer à la violence, au démobilisme et même au terrorisme.
La sensation du vide accompagne l’Algérien de l’école à l’université, d’où, elle n’arrêtera plus de l’harceler. Et ce vide, remplit tout ce qu’il y a d’essentiel dans ce pays: Vide politique, vide social, vide économique, vide juridique, vide existentiel et vide personnel, qui se manifeste que lorsqu’on ne perçoit en soi qu’une carcasse qui vieillit en trébuchant sans jamais pouvoir se relever. Et à force de farce sans contenu, on finit par croire qu’on ne sert plus à rien et qu’on est de plus dans ce pays.
C’est là que la drogue entre en jeu pour remplir cet insupportable néant de mirages. N’empêche que ça reste l’image d’un suicide inavoué. Un message à tous ceux qui se trouvent coincés : Il est temps de décrocher et de passer à autre chose. Dans la vie, on ne nous donne rien. C’est à nous de prendre.