J’ai été parmi les premiers à soulever le problème des placements des réserves de change, et il y a de cela bien longtemps, au moment où se déclenchait la crise des prêts hypothécaires aux USA qui allait provoquer une crise sans pareil depuis la crise de 1929 ; une crise non encore terminée car personne ne s’est attaqué à ses fondamentaux (voir mon interview en arabe à El Khabar 22 août 2007 « où sont placées les réserves de change de l’Algérie ? » et dans la presse algérienne et internationale sous le titre : « dix questions au gouverneur de la banque d’Algérie et au gouvernement : combien, comment, et où sont placées les réserves de change de l’Algérie »). Il est incontestable que la déclaration de Abdelhamid TEMMAR, Ministre de la promotion de l’investissement, a créé des remous sur la cote de l’Algérie sur des places financières internationales, mais les réponses trop techniques, évasives tant celles du Ministre des finances, que récemment le 26 mars 2010, celles du gouverneur de la banque d’Algérie qui je le rappelle est le seul habilité à placer les réserves de change à l’étranger selon la loi sur la monnaie et le crédit. Elles n’ont pas permis d’éclairer la population algérienne qui a une faible culture économique. Ces propos divergents témoignent d’ailleurs d’un manque de cohérence et de la visibilité de la politique socio-économique à suivre du gouvernement et désarçonnent tant les opérateurs nationaux qu’internationaux qui se demandant s’il existe un pilote à bord.
C’est pourquoi je vous propose l’avis du gouverneur de la banque d’Algérie et les remarques que m’ont transmises, suite à mes précédentes contributions, deux amis, éminents économistes, le professeur Farid YAICI, doyen de la faculté des sciences économiques, des sciences de gestion et des sciences commerciales de l’Université de Béjaia et le professeur Ahmed BOUYACOUB, directeur de recherches de l’Université d’Oran, s’agissant de favoriser des débats productifs contradictoires utiles pour le pays, le plus grand ignorant n’étant pas celui qui prétend tout savoir.
Je les cite :
A)- « Le processus de gestion de ces réserves estimées, selon le gouverneur de la Banque d’Algérie, à 143 milliards de dollars en DTS et à 147,2 milliards de dollars hors DTS. Les devises rapatriées par les agents économiques au titre des exportations de biens et services sont cédées à la Banque d’Algérie à hauteur de 100% pour les exportations des hydrocarbures, et à 50% pour les exportations hors hydrocarbures et à 50 % pour les exportations de services contre la monnaie de la banque centrale’. Par ailleurs, les réserves officielles de changes détenues par la Banque d’Algérie, qui sont les créances sur les pays émetteurs des devises, ‘constituent la garantie de toute la masse monétaire (en dinars) dans l’économie nationale, c’est-à-dire en possession des agents économiques (Etat, entreprises et ménages). La contrepartie de ces réserves de change se retrouve dans l’économie nationale au niveau du Fonds de régulation des recettes pour un équivalent de 59 milliards de dollars, des dépôts de Sonatrach auprès de la Banque extérieure d’Algérie pour un équivalent de 10,6 milliards de dollars, des dépôts des autres agents économiques auprès des banques pour l’équivalent de 73,6 milliards de dollars ainsi que des dépôts en devises des particuliers équivalent à 4,3 milliards de dollars ».( Mohamed Laksaci gouverneur de la banque d’Algérie 26/03/2010).
B)- «Suite à ta contribution sur la destination des réserves de change de l’Algérie, je te précise qu’il ne faut pas perdre de vue que les réserves de changes, et donc l’or les devises étrangères détenues par le pays, constituent l’une des contreparties de la masse monétaire en circulation, et par voie de conséquence de la création monétaire. En principe, donc, les réserves de change de l’Algérie ont déjà été utilisées pour différents besoins, après leur monétisation par la Banque d’Algérie. Tout rapatriement de réserves de change suppose alors destruction de la monnaie déjà créée par leur cause. Dans le cas contraire, ce serait du double emploi. » (professeur Farid Yaici).
C)- « Suite à ta contribution et aux remarques du professeur YAICI, je te précise que l’Etat n’a pas distribué ces réserves pour en faire des dépôts en dinars. La masse monétaire M2 au 3O juin 2009 était de 2135,3 milliards de DA et les placements à l’extérieur s’élèvent à 10593,1 milliards de DA… Sans compter l’or et le reste (voir l’Actif du compte de la Banque d’Algérie). Les réserves de change sont inscrits à l’actif de la BA en dinars bien sûr, ce qui ne signifie pas qu’il les a transformés en liquidités. » (professeur Ahmed Bouyacoub).
Cependant je pense que le gouverneur de la banque d’Algérie et le gouvernement pour éviter de fausses rumeurs devraient donner une explication claire, sans entrer dans des détails techniques tournant autour de cinq axes liés, afin d’éviter de mauvaises interprétations et surtout les rumeurs destructrices pour le pays sur la gestion des réserves de change, dont selon la dernière déclaration du gouverneur de la banque d’Algérie, la composition par devises d’origine, exprimée en équivalent dollars, est constituée à hauteur de 46% en dollars et à 42 % en euros, le reste étant constitué d’autres monnaies étrangère :
1- combien, comment et dans quelles structures sont placées les réserves de change de l’Algérie à l’extérieur, le Ministre des finances algérien ayant officiellement lors d’un débat à l’APN en novembre 2008 affirmé solennellement devant les députés que 80% étaient placées à l’étranger sans aucune autre précision sachant que le taux d’intérêt des banques centrales américaines, asiatiques ou européennes tend vers zéro depuis la crise mondiale.
2-la différence entre le fonds de régulation des recettes, solde budgétaire résultant de la différence entre le cours réel des hydrocarbures et le cours défini par la loi de finances, toute dévaluation du dinar par rapport aux devises gonflant paradoxalement ce fonds comptabilisé en dinars et les réserves de change en devises et qu’est ce que l’on inclut dans chaque masse d’une manière précise afin d ‘éviter des doubles emplois ;
3- le flux annuel de devises annuel additionnel occasionné par les exportations d’hydrocarbures reconvertis en importations de marchandises écoulées en dinars et nécessitant une contrepartie monétaire;
4- comment se cote le dinar algérien par rapport aux monnaies internationales officiellement, est-il à l’équilibre et les raisons des distorsions par rapport au marché parallèle ?
5- et enfin selon la déclaration officielle du gouverneur de la banque d’Algérie et plusieurs responsables gouvernementaux quel impact sur la politique monétaire de «40% de la masse monétaire en circulation est contrôlée par la sphère informelle moyenne 2008/2009». N’existe-t –il pas une intermédiation financière informelle et quel impact sur la politique monétaire interne et le processus inflationniste ?
Pour terminer je ne saurai trop insister sur le fait qu’il est important de différencier le stock de devises placées, des flux annuels consacrées aux importations qui sont reconvertis en dinars algériens qui est une monnaie non convertible.
Docteur Abderrahmane MEBTOUL, Professeur d’Université en management stratégique