Abdeslam Bouchouareb : Entre Réfugié Politique et Criminel en Fuite, Quel Sort pour l’Ex-Ministre Algérien en France ?

Redaction

Abdeslam Bouchouareb Entre Réfugié Politique et Criminel en Fuite, Quel Sort pour l’Ex-Ministre Algérien en France

L’ex-ministre algérien de l’Industrie, Abdeslam Bouchouareb, se retrouve au cœur d’une affaire juridique et diplomatique complexe entre la France et l’Algérie. Réfugié en France depuis la chute du président Abdelaziz Bouteflika en 2019, Bouchouareb est poursuivi en Algérie pour des affaires de corruption qui lui ont valu de lourdes condamnations par contumace. Alors que l’Algérie réclame son extradition, la justice française doit statuer sur son sort le 9 octobre 2024. Cet article explore les enjeux juridiques, politiques et diplomatiques de cette affaire, en examinant les accusations portées contre Bouchouareb, la demande de protection qu’il a adressée à la France, et les conséquences potentielles de cette décision pour les relations franco-algériennes.

Qui est Abdeslam Bouchouareb ?

Un Acteur Clé du Régime Bouteflika

Abdeslam Bouchouareb a occupé le poste de ministre de l’Industrie en Algérie de 2014 à 2017, sous la présidence d’Abdelaziz Bouteflika. Avant cela, il avait également été ministre de l’Industrie et de la Restructuration en 1996, ainsi que député et membre du Comité central du Front de Libération Nationale (FLN). Bouchouareb était l’un des hommes clés du régime Bouteflika, influent dans la gestion des dossiers économiques et industriels du pays.

Durant son mandat, Bouchouareb a été impliqué dans la gestion des licences d’importation de véhicules, une politique qui a été vivement critiquée pour son opacité et ses liens avec des intérêts privés. Il a également été cité dans le scandale des Panama Papers en 2016, qui a révélé son implication dans la création d’une société offshore pour gérer un portefeuille de valeurs immobilières d’une valeur de 700 000 euros. Ces révélations ont terni son image et renforcé les accusations de corruption à son encontre.

Un Exil Précipité

Bouchouareb a quitté l’Algérie avant la chute de Bouteflika en avril 2019, alors que le mouvement populaire du Hirak prenait de l’ampleur et exigeait la fin du régime en place. Anticipant les poursuites judiciaires qui allaient s’abattre sur les proches de Bouteflika, il s’est réfugié en France, où il a demandé la protection des autorités françaises. Depuis son exil, il a été condamné à plusieurs reprises par contumace à des peines allant jusqu’à 20 ans de prison pour corruption.

Installé dans les Alpes-Maritimes, Bouchouareb réside légalement en France, où il est placé sous contrôle judiciaire depuis octobre 2023. Bien qu’il soit interdit de quitter le territoire français, il échappe pour l’instant aux autorités algériennes qui réclament son extradition.

Les Accusations de Corruption en Algérie

Une Poursuite Implacable par la Justice Algérienne

Depuis la chute de Bouteflika, l’Algérie a lancé une vaste campagne anticorruption, visant principalement les anciens hauts responsables du régime et les hommes d’affaires proches du pouvoir. Abdeslam Bouchouareb est l’un des principaux cibles de cette campagne. Il a été condamné dans plusieurs affaires liées à des pratiques de corruption, notamment dans le secteur de l’automobile, où il est accusé d’avoir favorisé des entreprises en échange de pots-de-vin.

Parmi les accusations portées contre lui, on trouve des allégations de détournement de fonds publics, de blanchiment d’argent, et d’abus de pouvoir. La justice algérienne a émis huit demandes d’extradition à son encontre, incluant cinq pour exécuter des jugements déjà prononcés et trois dans le cadre de nouvelles poursuites judiciaires. Bouchouareb rejette ces accusations, affirmant qu’elles sont motivées par des raisons politiques dans le cadre d’une « purge » des cadres du régime Bouteflika.

La Lutte contre la Corruption en Algérie : Réelle ou Sélective ?

La campagne anticorruption menée par le gouvernement algérien sous la présidence d’Abdelmadjid Tebboune a été saluée par certains comme un effort nécessaire pour rétablir la justice et la transparence dans un pays miné par la corruption pendant des décennies. Toutefois, d’autres y voient une opération sélective, visant principalement les opposants et les figures déchues du régime Bouteflika, tout en épargnant d’autres personnalités encore influentes.

L’affaire Bouchouareb illustre bien cette tension. Ses partisans soutiennent que les poursuites contre lui sont politiquement motivées, destinées à éliminer un rival potentiel et à consolider le pouvoir de Tebboune. De leur côté, les autorités algériennes affirment que Bouchouareb doit être jugé pour ses crimes économiques et que son extradition est une question de justice.

La Demande de Protection en France

Un Appel à la Justice Française

Face aux demandes d’extradition de l’Algérie, Abdeslam Bouchouareb a sollicité la protection de la France, invoquant des poursuites politiques. Son avocat, Me Benjamin Bohbot, a déclaré que son client ne pourrait bénéficier d’un procès équitable en Algérie et risquerait des traitements inhumains en prison. En outre, il a mis en avant l’instabilité politique en Algérie et les conditions de détention difficiles pour justifier sa demande de protection.

Bouchouareb est actuellement sous contrôle judiciaire en France, ce qui signifie qu’il est interdit de quitter le territoire, mais il n’est pas incarcéré. La justice française a demandé des « suppléments d’information » aux autorités algériennes, y compris un engagement formel que la peine de mort, si elle est encourue, ne sera ni requise ni appliquée. Cette démarche montre la prudence de la France dans ce dossier, conscient des implications politiques et diplomatiques de toute décision.

Le Dilemme de la France : Extradition ou Protection ?

La situation de Bouchouareb place la France dans une position délicate. D’un côté, Paris est engagé à coopérer avec l’Algérie, son partenaire historique, dans la lutte contre la corruption et le crime transnational. D’un autre côté, la France doit respecter ses propres engagements en matière de droits de l’homme et veiller à ce que Bouchouareb bénéficie d’un traitement juste.

La décision de la justice française d’accepter ou de refuser l’extradition aura des répercussions importantes. Si la France accepte de l’extrader, cela pourrait être perçu comme un soutien tacite aux efforts de l’Algérie pour purger les anciens cadres du régime. Cependant, cela pourrait aussi nuire à l’image de la France en tant que pays défenseur des droits de l’homme, surtout si Bouchouareb est exposé à des risques de traitements inhumains ou à un procès inéquitable en Algérie.

Les Implications pour les Relations Franco-Algériennes

Un Test pour la Coopération Bilatérale

L’affaire Bouchouareb est un test pour les relations franco-algériennes, déjà marquées par des tensions liées à l’histoire coloniale et à des divergences sur des questions mémorielles et migratoires. L’Algérie considère cette affaire comme une question de justice et de souveraineté, tandis que la France doit naviguer entre ses obligations diplomatiques et juridiques.

Si la France refuse d’extrader Bouchouareb, cela pourrait entraîner un refroidissement des relations avec Alger, qui pourrait accuser Paris de protéger un criminel. En revanche, une extradition pourrait être perçue en Algérie comme un signe de soutien à la campagne anticorruption du gouvernement Tebboune, renforçant les liens bilatéraux.

L’Impact sur la Diaspora Algérienne en France

La décision de la justice française aura également un impact sur la diaspora algérienne en France, qui est la plus importante communauté immigrée en France. Cette diaspora est très attentive aux relations entre les deux pays, et toute décision judiciaire concernant un ancien haut responsable algérien comme Bouchouareb sera scrutée de près.

Si la France décide de protéger Bouchouareb, cela pourrait provoquer des réactions négatives au sein de la diaspora, qui pourrait voir cette décision comme une preuve supplémentaire de l’impunité des élites corrompues. À l’inverse, une extradition pourrait être saluée comme une victoire de la justice, bien que cela puisse aussi renforcer les divisions au sein de la communauté sur la question de la corruption et de la justice en Algérie.

Conclusion : Quel Avenir pour Abdeslam Bouchouareb ?

L’avenir d’Abdeslam Bouchouareb est suspendu à la décision de la justice française, qui doit trancher entre l’extradition et la protection de l’ancien ministre. Cette affaire, emblématique des défis posés par la lutte contre la corruption transnationale, soulève des questions complexes sur la justice, la politique et les relations internationales.

Pour la France, il s’agit de trouver un équilibre entre le respect des droits de l’homme et la coopération avec un partenaire stratégique comme l’Algérie. Pour Bouchouareb, c’est une question de survie, alors qu’il cherche à échapper à une justice algérienne qu’il juge partiale et politisée. Quel que soit le dénouement, cette affaire laissera une marque indélébile sur les relations franco-algériennes et sur la perception de la justice internationale dans la lutte contre la corruption.