Depuis la mi-novembre, la détention de l’écrivain Boualem Sansal en Algérie a cristallisé les tensions historiques et politiques entre Alger et Paris. Accusé d’atteinte à la sûreté de l’État et à l’intégrité territoriale après des propos polémiques tenus sur un média d’extrême-droite français, Boualem Sansal est jugé conformément aux lois algériennes. Mais cette affaire dépasse largement le cadre juridique et s’inscrit dans une logique d’ingérence flagrante, alimentée par des figures politiques françaises comme Bruno Retailleau.
Le ministre français de l’Intérieur, sous couvert de défendre la liberté d’expression, multiplie les menaces à peine voilées contre l’Algérie : suspension des visas, révision des accords migratoires de 1968, et plus généralement, des sanctions diplomatiques. Ces déclarations s’inscrivent dans un discours postcolonial que Paris peine à abandonner, tout en ignorant les réalités locales et internationales liées à cette affaire. À travers cette posture, la France instrumentalise une question purement interne pour servir des intérêts politiques et électoraux.
En réalité, l’Algérie applique ses lois dans le respect de sa souveraineté et des cadres juridiques internationaux, notamment l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui prévoit des restrictions légitimes à la liberté d’expression dans des cas spécifiques. Cette affaire soulève donc une question centrale : jusqu’où la France est-elle prête à aller pour s’ingérer dans les affaires intérieures d’un État souverain sous prétexte de défendre des principes qu’elle-même applique de manière sélective ?
L’article 19 de l’ONU : Une liberté d’expression encadrée
La France, par la voix de ses responsables politiques et médiatiques, invoque régulièrement la liberté d’expression pour critiquer la détention de Boualem Sansal. Pourtant, cette posture oublie une partie essentielle du cadre juridique international. L’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié à la fois par l’Algérie et la France, reconnaît le droit à la liberté d’expression tout en prévoyant des restrictions claires dans certains cas.
Selon cet article, l’exercice de la liberté d’expression peut être limité pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, ou encore les droits et la réputation d’autrui. Les accusations portées contre Sansal relèvent précisément de ces restrictions : ses propos, largement diffusés, ont été perçus comme une tentative de déstabilisation, dans un contexte où l’unité nationale est un enjeu central.
La France, en pointant du doigt l’Algérie, oublie ses propres limites à la liberté d’expression. Ses lois interdisent l’apologie du terrorisme, l’antisémitisme, et la négation des crimes contre l’humanité, autant de restrictions légitimes qui démontrent que la liberté d’expression, même dans une démocratie, n’est jamais absolue. Pourquoi alors reprocher à l’Algérie d’appliquer des restrictions similaires, en adéquation avec ses priorités nationales et son cadre légal ?
Bruno Retailleau : Une posture paternaliste et politicienne
Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur du gouvernement français, s’est imposé comme l’une des voix les plus virulentes contre l’Algérie dans l’affaire Boualem Sansal. En multipliant les déclarations publiques et les menaces diplomatiques, il incarne une posture paternaliste qui illustre l’attitude ambiguë de la France envers son ancienne colonie.
Le 18 décembre, interrogé par BFMTV, Retailleau n’a pas hésité à menacer de suspendre les visas pour les Algériens ou de réviser les accords bilatéraux de 1968. Sous couvert de défendre la liberté d’expression, il adopte un discours populiste et opportuniste, en phase avec une montée générale des tensions identitaires en France. Ces déclarations, destinées avant tout à un public national, reflètent une instrumentalisation politique de l’affaire Sansal, bien plus qu’une véritable défense des droits humains.
Par ailleurs, Retailleau semble ignorer — volontairement ou non — que la France elle-même n’hésite pas à réprimer des discours jugés contraires à l’ordre public. Que ce soit par le biais de lois sur la sécurité globale ou de restrictions sur les contenus en ligne, Paris applique des limitations strictes à la liberté d’expression. Pourquoi alors exiger de l’Algérie une tolérance absolue face à des propos qui menacent directement sa stabilité ?
La souveraineté algérienne : Une ligne rouge non négociable
L’Algérie a toujours affirmé son attachement à la souveraineté nationale, un principe non négociable qui guide ses politiques internes et ses relations internationales. Dans l’affaire Boualem Sansal, les autorités algériennes ont agi en conformité avec leurs lois, tout en respectant les cadres internationaux, comme en témoigne la référence à l’article 19 du PIDCP.
Face aux pressions françaises, l’Algérie reste ferme. Les menaces de Bruno Retailleau, qu’il s’agisse de suspendre les visas ou de réviser les accords migratoires, ne font qu’alimenter un ressentiment historique et exacerber les tensions. Pour beaucoup d’Algériens, ces déclarations rappellent une attitude postcoloniale où Paris cherche encore à dicter sa vision à Alger. Pourtant, le temps de cette domination est révolu.
Une relation bilatérale sous tension
L’affaire Boualem Sansal s’inscrit dans un contexte plus large de relations tendues entre la France et l’Algérie. Les désaccords sur la mémoire coloniale, les flux migratoires, et les questions économiques nourrissent des incompréhensions profondes entre les deux pays. Cette affaire n’est que le dernier épisode d’un feuilleton où chaque geste diplomatique est scruté et interprété à travers le prisme d’une histoire complexe.
Pourtant, au lieu de chercher l’apaisement, certains responsables français, comme Retailleau, préfèrent alimenter les tensions. Cette stratégie risque de compromettre non seulement la relation bilatérale, mais également la stabilité régionale dans une période déjà marquée par de nombreux défis géopolitiques.
Respect et souveraineté, les clés d’une relation saine
La détention de Boualem Sansal, loin d’être un cas isolé, est révélatrice des tensions persistantes entre l’Algérie et la France. Si Paris souhaite réellement défendre les droits humains et la liberté d’expression, elle doit commencer par respecter la souveraineté de ses partenaires et s’abstenir de toute ingérence dans leurs affaires internes.
Quant à l’Algérie, elle doit continuer à affirmer sa souveraineté avec fermeté, tout en rappelant que ses actions s’inscrivent dans un cadre juridique et légitime, conforme aux normes internationales. Ce n’est qu’en dépassant les postures paternalistes et en privilégiant le dialogue que les deux nations pourront construire une relation équilibrée, loin des héritages postcoloniaux et des jeux de pouvoir politiciens.
Boualem Sansal est avant tout un citoyen soumis aux lois de son pays. Et la souveraineté, en tant que principe fondamental du droit international, doit rester une ligne rouge infranchissable.