Ali Benflis : « Si je suis élu, l’Algérie aura la pression fiscale sur les entreprises la plus basse au monde »

Redaction

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Conseiller du candidat indépendant Ali Benfis sur les questions économiques, Haitham Rabani nous explique en détail le projet économique de l’ancien chef de gouvernement, qui brigue le poste de Président de la République, 10 après un premier essai infructueux. Résolument socio-libéral, le volet économique du programme électoral d’Ali Benflis met l’accent sur une baisse de la pression fiscale sur les entreprises, sur une ouverture aux investisseurs étrangers et le développement de la formation professionnelle. Entretien.

Propos recceuillis par Djamila Ould Khettab

Allez-vous abroger la loi 51/49 ?

Pas complètement. L’abrogation de cette loi concernera seulement les secteurs non stratégiques, c’est-à-dire les PME et PMI productrices, qui ont de la valeur ajoutée.

Les secteurs stratégiques, à savoir les hydrocarbures, les minerais de qualité, on a aussi ajouté les cimenteries pour ne pas créer de polémique seront toujours sous le coup de la loi 51/49.

Pourquoi maintenir la règle du 51/49 sur ces secteurs en particulier ?

Dans une économie mondiale ouverte, on doit appliquer les mêmes règles que les autres pays à condition que cela ne touche pas à notre souveraineté. C’est pourquoi, les secteurs stratégiques resteront protégés par la loi 51/49.

En Algérie, nous n’avons pas le savoir-faire et il y a beaucoup de jeunes entrepreneurs algériens qui veulent créer des entreprises mais qui ne disposent pas de suffisamment de fonds ou n’ont pas l’expérience. Or à l’étranger, comme en Allemagne par exemple, on a cette expérience et ce savoir-faire. Avec la fin de la règle du 51/49 sur les entreprises de secteurs non-stratégiques, des investisseurs étrangers pourront devenir actionnaires majoritaires de société en Algérie, à condition toutefois qu’ils s’engagent à former les jeunes diplômés algériens et à aider le pays en matière de brevets d’invention. On peut pas demander aux pays, qui ont de brevets d’invention, alors que nous n’en avons pas, d’être minoritaire dans le capital de société dans lesquelles ils investissent. Ce n’est pas logique.

La règle du 51/49 a poussé les sociétés étrangères en dehors des frontières. Seuls 5 pays au monde appliquent cette loi et ces 5 Etats, dont l’Algérie, sont des pays exportateurs. L’Algérie enregistre 60 milliards de dollars d’importation contre 1 milliards d’exportation. Comment voulez-vous exporter si vous n’avez pas le savoir-faire, si vous êtes très en retard sur les évolutions technologiques et ne possédez aucun brevet d’invention ?

D’autres mesures pour encourager l’investissement ?

Aujourd’hui, la pression fiscale avoisine les 79%. Elle est énorme. On est parmi les pays qui taxent le plus au monde les sociétés. La pression fiscale sera ramenée à 20%. La TVA sera baissée et avoisinera les 5%, l’impôt direct l’investissement et l’impôt sur les dividendes seront aussi diminués. On aura donc la pression fiscale la plus basse du monde.

Cette politique vise à donner plus d’air aux sociétés. Elles auront ainsi la possibilité d’investir ailleurs, dans le matériel et la formation notamment. C’est l’état, qui doit faire des sacrifices, s’il veut miser sur la formation et créer un tissu industriel. Et ce n’est pas un sacrifice important puisque 70% de notre PIB provient de la commercialisation des hydrocarbures.

Mais la bureaucratie reste un frein à l’investissement…

Effectivement. Même si la Sonatrach trouve une mère ou un océan de pétrole en Algérie, ce n’est pas la solution. On ne fait que retarder la bombe atomique. Ce qu’il faut, au contraire, c’est aider les investisseurs algériens avec une bureaucratie très souple.

Les lois algériennes en vigueur sont contraignantes. Un investisseur, qui veut créer une entreprise, doit d’abord passer le ministère de l’environnement pour une étude sur l’impact et le danger de son activité sur l’éco-système. Or, il faut compter entre 6 mois et un an et demi pour reçu et obtenir des décrets environnementaux obligatoires. Même chose pour le ministère concernés par l’investissement. Donc en tout, la procédure peut prendre 3 ans !

A la place, on va instaurer un cahier de charges environnementales. Au lieu de 200 pages de décrets, on en aura 30. Et, dans un soucis de décentralisation, ce n’est plus le ministère de l’environnement qui se chargera de la vérification de la conformité des activités industrielles aux normes écologiques mais  les directions environnement des wilayas.

Aujourd’hui, les agrééments pour un investissement sont signés par les APC, les wilayas et le ministère. Tout cela crée une lenteur administratives extraordinaire. Avec Ali Benflis, tout ce qui est signé par les ministères aujourd’hui concernant l’investissement économique le sera désormais par le chef de l’APC ou par le wali. La procédure ne prendra pas plus de 45 jours. Idem pour l’accès à l’électricité d’une usine fraîchement ouverte. Il y aura désormais un délai maximum de 15 jours.

Pour ce qui est des permis de construire, prenez l’exemple de Singapour, le pays, qui donne l’autorisation de construire le plus rapidement au monde. Dans notre programme, puisque nous nous positionnons en faveur de la décentralisation, il est prévu de décerner des permis de construire en 15 jours. L’Algérie figurera ainsi parmi les pays au monde où cette facilité d’administration est extraordinaire.

Allez-vous conserver l’ANSEJ (Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes) ?

Bien sûr ! Mais on va l’améliorer en incitant les jeunes à se former dans l’objectif de développer un véritable tissu industriel. Dans le programme ANSEJ, seules 6% des entreprises créées grâce à l’aide des crédits alloués produisent vraiment. Ce n’est pas normal. On va pas se débarrasser des jeunes, comme l’administration précédente, en leur donnant des crédits énormes pour acheter la paix sociale. On va mettre l’accent sur la production et le management.

Mais comment encourager la formation professionnelle, qui n’est pas prisée par les jeunes algériens ?

Nous ouvrirons de nouvelles filières, notamment dans le domaine manufacturier, la nanotechnologie, l’automobile, l’aéronautique. Mais on restera ouvert à tout ce qui peu émanciper et diversifier le tissu économique algérien. On doit former, on doit former ! La baisse de la pression fiscale sur les entreprises sert justement à encourager la formation professionnelle des jeunes algériens.

On va l’imposer dès l’école primaire. Aujourd’hui, on oblige les élèves à avoir un niveau théorique académique élevé or ils ne sont pas formés. Nous estimons que la formation est une condition sinequanone si on veut avoir une main d’œuvre qualifiée. On doit l’initier à utiliser ses mains dès le plus jeune âge, avec par exemple des cours d’arts appliqués pour les plus petits.

Comment s’assurer que les jeunes bénéficiaires des prêts de l’Ansej remboursent leur crédit ?

Pourquoi donner aux jeunes des illusions ? Dans la wilaya de Naama, par exemple, il y a 400 locations de voitures ! Or, à Naama, il n’y a pas de touristes, pas de tissu industriel, il y a rien C’est quoi cette mascarade ?

Ça prouve seulement qu’il n’y a pas une étude globale du marché, pas de coordination entre les secteurs. Dans son programme, Ali Benflis prévoit une étude globale de la situation ainsi qu’une réelle coordination entre les différents départements de l’Etat. Comme nous prônons une politique du dialogue, on ne sera pas dans le « soit vous payez, soit vous allez en prison ».

Le taux de chômage officiel s’établit cette année à 9,4%. Quelle est votre politique de l’emploi ?

Nous vison un emploi réel dans des secteurs productifs, de service et créateurs de richesse. On ne combat pas le chômage avec des postes dans les services publics et à l’aide de contrats de pré-emploi. Ce n’est pas une création réelle d’emploi, ce n’est qu’un subterfuge pour retarder l’explosion du problème.

Justement à propos du contrat de pré-emploi, allez-vous préserver cette formule ?

Il sera désormais lié à la formation professionnelle et à l’octroi d’un vrai travail dans le secteur productif ou des services (tourisme, restauration ect.). Nous allons instaurer une allocation qui pourra s’étendre jusqu’à une année durant laquelle la personne sans emploi sera formée et orientée. C’est une nouvelle donne, c’est l’Etat qui s’engage, qui se sacrifie pas les citoyens.

Selon la Banque mondiale, 38% du travail en Algérie est informel. Comment l’éradiquer ?

Notre approche n’est pas punitive. Le travailleur informel doit comprendre que travail dans le formel est plus intéressant pour lui.

C’est l’Etat qui est fautif en premier lieu. C’est la pression fiscale énorme dans notre pays, qui a poussé ces gens-là à fuir et à avoir des sommes colossales dans leurs maisons. Dans certaines maisons, quand vous rentrez, vous sentez l’odeur de l’argent pas l’odeur de la cuisine. INous allons donc les encourager à domicilier leur argent dans des banques. Et en les formant, ces personnes reviendront dans le circuit formel.

Quelles zones industrielles allez-vous développer en priorité ?

Les régions agricoles car il faut encourager l’industrie agroalimentaire et nous allons élargir des zones industrielles existantes. On peu toujours se dire que l’est du pays produit de la tomate donc on va installer une usine de concentré de tomates là-bas. Mais si un investisseur veut se lancer dans la fabrication de pneumatique à Khenchela, on ne va pas l’interdire. « Ramenez votre usine, l’administration vous aidera », c’est notre message aux investisseurs.

Si Ali Benflis est lu le 17 avril, quelle sera la 1ère mesure économique qu’il fera adopter?

Pour ce qui concerne les procédures fiscales, liées à la loi de finances, il faudra attendre 2015. En revanche, toutes les mesures bureaucratiques, sur l’environnement, le permis de construire, le registre de commerce, la création de société, les statuts des notaires pourront être directement appliquées au lendemain de sa victoire.