Il s’est passé quelques chose de très intéressant sur le marché parallèle des devises au cours des deniers jours. La valeur de l’euro a franchi la barre symbolique des 200 dinars pour atteindre même, pendant quelques jours, un pic à 204 ou 205 dinars pour un euro. Explication des cambistes interrogés par des journalistes: c’est la faute aux annonces du gouvernement sur la mise en route de la planche à billet qui a poussé beaucoup d’Algériens fortunés, ou moins fortunés, à chercher à protéger leurs économies en les plaçant en euro qui est devenu pour eux une «valeur refuge».
Hier, bonne nouvelle, l’euro était en repli à environ 197 dinars. Les mêmes cambistes professionnels du square Port Said expliquent aux journalistes qu’à ce dernier prix, malgré la baisse des taux, il n’y a pratiquement pas de transactions en ce moment.
Ruée vers l’euro
Explications du chroniqueur d’Algérie Focus: Il y a eu un mouvement de «panique» et de «ruée vers l’euro» comme l’ont titré certains journaux de la presse nationale pendant quelques jours. Le problème est que les dinars commencent à manquer. Il y a eu les vacances qu’il a bien fallu financer et qui coûtent de plus en plus chers. Et ensuite, l’Aïd et la rentrée aussi qui ont provoqué beaucoup de dépenses.
Et puis il y a surtout quelque chose dont on n’a pas parlé beaucoup. C’est la politique du gouvernement qui fait que depuis presque deux ans, en 2016 et en 2017, il n’y a pratiquement pas eu d’augmentation de salaires et pas eu de recrutement non plus dans la Fonction publique. Les retraites également n’ont pratiquement pas augmenté. En même temps, le gouvernement a accumulé des arriérés de paiements qui font que même les entreprises privées qui ont obtenu des contrats publics n’arrivent souvent pas à se faire payer et à payer les salaires de leurs employés et commencent à tirer la langue. Il y a même des entrepreneurs qui ont entamé des grèves de la faim. Çà s’appelle une politique d’austérité. Elle a permis de commencer à réduire les dépenses de l’Etat, de réduire les importations et même la quantité de monnaie en circulation.
L’euro n’a pas (encore) pris l’ascenseur…
Et c’est pour cette raison, figurez-vous, que l’euro n’a pas (encore) pris l’ascenseur sur le marché parallèle et qu’après avoir franchi la barre des 200 dinars, il est revenu sagement à 196 dinars. Comme avant les vacances d’été. Vous trouvez peut être que c’est déjà beaucoup ? Eh bien, vous n’avez encore rien vu.
M. Ouyahia, qui s’est empressé cette semaine de dénoncer l’action des «spéculateurs du marché des changes», vient en effet de prendre une décision capitale pour l’avenir immédiat du marché de la devise. Elle va permettre de le «fluidifier» en l’approvisionnant très largement en dinars. Le Premier ministre a décidé de faire fonctionner la planche à billet pour financer le déficit du budget de l’Etat. Finie donc la politique d’austérité des deux dernières années. Dès le 4e trimestre de 2017, et aussitôt que la loi sur le «financement non conventionnel» sera votée, il vient d’annoncer que l’Etat va injecter «500 milliards de dinars» dans l’économie, essentiellement pour payer des arriérés aux entreprises.
Pour ceux qui n’auraient pas compris, et qui ne savent pas bien compter, il faut expliquer que «500 milliards de dinars», c’est 50 000 milliards de centimes. Et ce n’est encore qu’un début car l’année prochaine, en 2018, finie la politique d’austérité. La prochaine loi de finances, concoctée sous les auspices de M. Ouyahia, prévoit très officiellement des dépenses en très forte augmentation et donc un déficit qui atteindra environ, aux dernières nouvelles, près de 2000 milliards de dinars qui seront désormais financés non pas par des recettes budgétaires, mais par l’impression de billets de banque.
Toujours pour ceux qui ne sont pas fort en calcul : 2000 milliards de dinars, c’est 200 000 milliards de centimes ……
…Mais ça ne va pas tarder
Bien sûr tout cet argent ne va pas se retrouver sur le marché noir de la devise du jour au lendemain. Mais ce qui est certain, c’est qu’il va être mis en circulation et qu’il va s’ajouter à la masse monétaire déjà existante.
Conclusion, la prochaine fois que l’euro va passer la barre des 200 dinars et ça ne saurait tarder, cette fois il ne reviendra pas en arrière. Et les 250 dinars avant l’été prochain c’est un pari que je prends tout de suite avec les lecteurs de cette chronique. Quand à M. Ouyahia, qui va continuer à accuser, dans les mois qui viennent, les saboteurs, la main étrangère et les spéculateurs, il faudra bien qu’il comprenne un jour que, dans cette affaire, il n’y a pas de mystère et que le seul vrai «spéculateur» c’est celui qui paie les dépenses de l’Etat avec de la fausse monnaie.
Yazid Taleb