Le colonialisme mental de nos élites et la démocratie Par Farhat Othman

Redaction

Certains de nos intellectuels, comme Kamel Daoud dans son article de juillet 2013 intitulé : « La démocratie est-elle possible chez les « arabes » ? »* font une fausse analyse de l’inaptitue de nos peuples à la démocratie.

Ma première réaction en les lisant, comme en prenant connaissance de cet article, est de dire : est-il possible de penser juste chez nos élites ? En effet, c’est fou à quel point elles relèvent d’un colonialisme mental comme celui dont fait étalage Kamel Daoud. Comment veut-il que les choses changent chez  nous avec une mentalité qui déifie l’Occident en pleine obscurité axiologique ? Or, comme des observateurs perspicaces l’ont dit depuis bien longtemps, il n’y a pas de pays sous-développés, il n’y a que des pays sous analysés. À leur suite, je dirais, il n’y a pas d’Arabes nons démocrates, il n’y a que des élites arabes au mental colonisé.

Démocratie sauvage et d’élevage

En effet, au risque de surprendre notre intellectuel, nos masses sont démocrates à leur manière et selon les circonstances terribles qui leur sont faites.

Qu’est-ce la démocratie sinon le pluralisme, la liberté et l’esprit de contradiction ? Or, tout cela existe et est à l’excès chez nous du fait des exactions des élites, des abus des dirigeants et des horreurs des lois scélérates. Dans cet environnement imposé par des équipes au pouvoir qui sont soutenues par l’Occident, comment peut-on avoir un peuple quoi soit civilisé? Être civilisé, c’est être citoyen; or, qui fait que les masses arabes sont des sujets et non des citoyens? N’est-ce pas le colonialisme, aussi bien celui auquel on a cru y avoir mis  fin que le nouveau colonialisme par gouvernants autochtones interposés.

Et c’est aussi celui mental chez nos élites qui, au lieu d’aider à éclairer leurs compatriotes, les aider à avoir confiance en eux et à valoriser leur sagesse populaire et leurs richesses ancestrales, les vilipendent en les couchant dans le lit de Procuste occidental.

Comment demander à un peuple pauvre, même si son pays est riche, la richesse étant confisquée par une minorité de profiteurs, de vivre selon le mode de vie occidental? L’occident lui-même qui profite de sa situation de pauvreté fait tout ce qu’il faut pour que rien ne change. Et il se sert justement du levier mental. À commencer par des élites qui n’ont plus de leurs racines populaires, étant vendues soit à l’Occident soit à l’Orient qui sont son produit même s’il se présente comme sa négation.

  1. Daoud oublie-t-il d’abord qu’il n’existe nulle part de démocratie, car il n’y a, même en Occident, que le pouvoir des gourous de la politique et ses démons; c’est la daimoncratie qui n’est nullement le pouvoir du peuple. Au mieux a-t-on affaire en Occident a une démocratie d’élevage où les citoyens ne sont que des animaux de basse-cour.

Cela ne saurait être chez les Arabes et les Amazighs qui sont, par définition, révoltés, libres. Aussi a-t-on la démocratie sauvage qu’on voit. Tout y est : la différence et le pluralisme cultivés à outrance, la contestation et la contradiction y compris contre l’évidence et de manière excessive.

Agir sur les mentalités

Dans nos pays, ll ne manque que des institutions qui nécessitent pour s’implanter une confiance dans les dirigeants qui n’existe pas et une pleine maîtrise de son sort qui n’est qu’un mythe en ce monde globalisé, devenu un immeuble planétaire.

Cela suppose déjà une certiane prospérité économique; mais surtout que le système mondial change avec la fin du paradigme ancien; or, les tenants de l’ancien ordre ne le veulent pas, car il y va de leurs intérêts. Et l’Occident est à leur tête. Aussi compte-t-il sur les intellectuels des pays du Sud pour vanter les mérites de son modèle obsolète.

Or, ce sont ces élites qui doivent aider leurs peuples à prendre conscience de leurs atouts pour fonder un nouveau modèle. Ils ont tout sauf le soutien décisif des  élites qui sont soit démissionnaires soit au service du maintien de l’ordre périmé.

C’est ce que fait Kamel daoud en jugeant que les Arabes ne sont pas aptes à la démocratie. Que fait-il pour les y aider ? Ne sait-il pas que l’imaginaire est à la base de la démocratie et que ne pas y croire, en douter, c’est détruire l’idée même de sa naissance; que dire alors de sa réalisation?

Daoud se focalise sur les islamistes en oubliant qu’ils sont le produit combiné de la politique des puissances occidentales et de la démission des élites arabes musulmanes qui sont incapables de proposer autre chose qu’une singerie d’un modèle épuisé, celui d’un Occident en plein déclin.

  Il suffit de garder le monde tel qu’il est pour voir que ce sont les Occidentaux qui soutiennent les islamistes et font tout pour capoter tout effort qui ne soit pas dans le sens de leurs intérêts et donc reproduisant leur modèle périmé.

L’Occident n’encourage pas la démocratie dans les pays arabes, mais le maintien de ses intérêts par d’autres équipes au pouvoir qui soient usent de la religion comme d’un opium pour un peuple que les uns et les autres veulent toujours maintenir en minorité afin de juguler son élan vers la liberté.

Car les peuples arabes sont libertaires dans l’âme, le démon de la liberté les travaille quand des intellectuels lucides au mental non colonisé les y aident au lieu d’anesthésier leur volontarisme en les faisant douter d’eux-mêmes. En cela, ils ne font rien d’autre que ce que font islamistes et dictateurs, chercher par des recettes soporifiques à maintenir le peuple dans sa léthargie actuelle.

La démission des intellectuels

Si M. Daoud veut voir fleurir la démocrate (ou plutôt la démoarchie) qui est la puissance du peuple), qu’il commence lui et les intellectuels comme lui, qu’ils soient entichés d’Occident ou d’Orient, à comprendre la soit de droits et de libertés chez leurs peuples !

Qu’ils militent pour qu’ils aient ces droits, car c’est ainsi et ainsi seulement qu’on lèvera les freins qui empêchent de voir autrement les choses. Qu’ils osent contester les lois supposées morales et religieuses et qui sont immorales et irréligieuses pour amener à leur abolition.

C’est ainsi qu’ils contreront à la fois la dictature politique et religieuse, car il n’y a que sa liberté rendue au peuple qui le rendra soucieux de démocratie. Celle-ci n’est-elle pas des droits et des libertés?

Comment les avoir si les lois qui régissent la vie de tous les jours sont liberticides. Comment croire naïvement qu’une opération électorale suffira à transformer un pays en démocratie quand son environnement légal, et aussi international s’y oppose.

Surtout quand cela s’ajoute à une situation de pauvreté populaire qui font que les pauvres gens se soucient de survivre par tous les moyens y compris illégaux puisque l’excès entraîne l’excès : celui des lois illégitimes entretenant les comportements irrespectueux du vivre-esemble. C’est aux lois d’abord d’être modifiées et cela est une obligation incombant aux élites, surtout aux intellectuels.

Que M. Daoud, au lieu de faire de l’incantation, indique donc aux autorités les lois qui doivent être abolies, car ayant un impact certain sur l’inconsciente et l’imaginaire populaire, et qui mettront la première pierre de l’édifice de la démocratie. Je cite, pêle-mêle : l’égalité successorale, la reconnaissance du droit à l’apostasie, l’abolition de l’homophobie, la dépénalisation de l’alcool et la reconnaissance pleine et entière des droits des Amazighs.

Voilà comment les intellectuels oeuvreront pour la démocratie dans leur pays !

* http://www.algerie-focus.com/2013/07/la-democratie-est-elle-possible-chez-les-arabes/?fb_action_ids=1061727683911472&fb_action_types=og.comments