Corruption / On ne pourra pas dire : « On ne savait pas » Par Aziz Benyahia

Redaction

Updated on:

« L’instruction du Premier ministre aux ministres relative à la lutte contre la corruption, le gaspillage de l’argent public et la déclaration du patrimoine, apparaît comme une farce… ».

« Quel est le ministre qui va l’écouter ou appliquer son instruction ? ».

« Nous sommes dans une période où les gens volent de toute part C’est carrément la politique de qui peut voler le plus ».

« Ces gens-là se trouvent à la Présidence de la République, au Gouvernement, dans d’autres institutions et appliquent ce qu’ils appellent la ligne nationaliste. C’est la ligne de la rapine et de la prédation. »

Le ton est calme et virulent à la fois. Il dénote la tranquillité de la chose avérée  et la certitude du propos. En toute évidence, il ne s’agit pas d’accusations agressives qu’on entend habituellement dans les réunions politiques, juste avant le lâcher de noms d’oiseaux, mais bien de conclusions obtenues à la suite d’analyses sérieuses et après le recul nécessaire, toutes précautions qui font la différence entre les niveaux des leaders politiques.

Ces déclarations n’ont pas été faites par un journaliste ni un observateur de la vie politique, mais par un acteur important et chevronné de notre vie politique depuis des lustres. Il s’agit d’une dame à qui Algérie-Focus doit rendre hommage pour plusieurs raisons ; la plus importante, hormis la compétence et la fidélité à ses idéaux, étant le courage insensé et la force de caractère qu’il faut avoir dans un pays où les hommes se sont arrangés pour ne laisser aucun espace aux femmes en politique et aux postes de commandement. Ne parlez pas de femmes aux fondamentalistes ; cela leur donne de l’urticaire.

Son engagement ne laisse personne indifférent au point qu’elle a reçu plus de coups qu’à son tour pour avoir accepté d’accompagner le pouvoir dans sa gestion calamiteuse des affaires publiques. D’aucuns l’accusent d’opportunisme, d’autres d’affairisme, d’autres enfin de faux nez d’une opposition dont les ardeurs ne résistent pas longtemps aux maroquins. Bref elle ferait partie de toute une écurie qui excelle dans les jeux de rôles  et qui sert d’idiot utile au Pouvoir. Pour elle, faire de la politique n’a rien à voir avec les chaises musicales : il faut être dans le système pour mieux en connaître les arcanes et pour lui apporter un soutien critique ou pour mieux le combattre si nécessaire.

Il s’agit, on l’aura deviné de madame Louisa Hanoune, dont la seule évocation du nom donne des boutons à beaucoup de responsables politiques. Mais ce nom rappelle, pour les observateurs honnêtes, la seule voix qui a osé dénoncer la tentative de bradage de notre sous-sol aux sociétés américaines. Et c’et grâce à son tapage et à son combat sur tous les fronts qu’elle nous a évité de justesse la forfaiture du siècle et la deuxième mort de nos chouhadas. Rappeler ces évidences ce n’est pas prendre parti pour Louisa Hanoune, mais c’est faire tout simplement et honnêtement notre métier de journaliste. Du reste, elle doit avoir d’autres faits d’armes à son actif dans son combat pour la cause des plus démunis et pour plus de justice et d’égalité et elle a du ferrailler sec au nom de son parti devant un hémicycle de rentiers.

Ouvrons une parenthèse pour dire que ce sont certainement ces qualités qui ont fait dire publiquement, par le Président Bouteflika à deux reprises, devant deux chefs d’Etat et leurs délégations officielles que Louisa Hanoune était « le seul homme politique en Algérie ». C’est flatteur pour le personnage politique mais pas très élégant pour la femme ni étonnant sous nos cieux. Si on ne veut retenir que l’hommage rendu à Louisa Hanoune, on ne peut faire l’impasse sur l’humiliation que nous éprouvons sincèrement pour les membres du gouvernement, les députés, sénateurs, ministres, walis et autres sommités en vue, jusque et y compris le frère successeur dynastique putatif, moqués devant des étrangers et chargés en même temps de négocier et de défendre nos intérêts. Cela donne une idée de la haute estime dans laquelle le Chef de l’Etat place le personnel politique national et du travail qui attend les psychiatres  priés de nous dire qui du peuple ou de son Président à besoin de quelques réglages ou tout simplement de mise au vert. Fermons la parenthèse.

Que dit Louisa Hanoune, dans sa dernière intervention ? Rien de plus que ce qu’écrivent à longueur de colonnes  nos journalises les plus indépendants et les plus courageux. Pour la presse écrite la dénonciation de la corruption n’a jamais été un marronnier. Bien au contraire, la presse libre a le courage et l’audace de citer des faits, des chiffres, des noms et des projets sans aucune peur du prince ni des chambellans. Algérie-Focus a été de ce combat dès ses premiers pas. Avec son style propre, et ses prises de risque quotidiens, compte-tenu de l’absence d’espace et de tradition de débat démocratique.

Du reste, c’est cette défaillance qui a présidé au lancement de notre journal, et c’est pour combler ce vide que nous avons décidé d’aborder tous les sujets qui intéressent la vie des citoyens, en posant comme préalable, la plus totale liberté d’expression tant qu’elle se manifeste dans les limites de la correction, de la courtoisie et du respect de la dignité de chacun.

C’est précisément ce souci de liberté qui nous permet de prétendre à l’objectivité de nos analyses et d’ouvrir grand nos colonnes à tous les contributeurs qui veulent bien nous enrichir de leurs éclairages.

C’est donc ce souci d’objectivité qui nous autorise à rendre hommage au combat de Louisa Hanoune contre la corruption. Nous nous sentons moins seuls depuis, et nous sommes plutôt rassurés de savoir que grâce à elle et à tant d’autres, on ne pourra pas dire là-haut : « On ne savait pas ».

Aziz Benyahia

Quitter la version mobile