De Frenda et Sougueur à Cambridge, l’histoire du premier «nuage» Algérien

Redaction

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Zine Seghier, ce nom ne vous dit certainement rien. Et pourtant, cet Algérien est celui qui a lancé dans notre pays une technologie révolutionnaire qui vous permet d’accéder sur Internet à vos contenus partout et à tout moment en stockant vos données pour les sauvegarder, les synchroniser et les partager sur le web. Non, ce n’est pas une publicité mensongère ni un spot gratuit. C’est juste le récit d’un cadre algérien qui a sillonné pas moins de 80 pays avant de décider de revenir dans son pays pour « apporter ma pierre au développement numérique », confie-t-il. 

A 55 ans, et en dépit d’un parcours international des plus prestigieux, Zine affiche une modestie naturelle et une humilité qui met à l’aise le plus complexé de ses interlocuteurs. Dans les bureaux de la start-up qu’il dirige à Oran, l’entreprise ISSAL, il nous accueille avec une bonhomie qui nous rappelle l’enthousiasme et le dynamisme de ces managers de la Silicon Valley.
Mais, en réalité, cet expert algérien des nouvelles technologies et tout ce qui touche au High-tech puise ses valeurs dans son enfance passée à Frenda et Sougueur, dans la wilaya de Tiaret, située à plus de 400 Km au sud-ouest d’Alger. Ces coins de l’Algérie profonde où le respect et la convivialité sont considérés comme des valeurs sacrées. Des régions réputées aussi pour leur pauvreté, leur déshérence et leur environnement socio-économique défavorable à l’épanouissement individuel. Mais ces handicaps n’ont pas empêché Zine Seghier d’aller au bout de ses rêves. A force de persévérance et d’abnégation, il réussit ses études supérieures à Arzew, tout près d’Oran, il s’envole pour Paris où il décroche une licence d’informatique à Paris Jussieu. Il enchaîne plus tard avec un MBA de droit international et se spécialise dans l’intelligence économique, une discipline stratégique qui manque cruellement à notre pays.

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Zine SEGHIER entretient de grandes ambitions pour l’avenir de sa startup. « Pourquoi ne pas devenir le premier opérateur mobile virtuel algérien comme Free en France ? Nous y réfléchissons sérieusement », révèle-t-il

Patron de Microcom France 

Ce parcours universitaire va lui permettre d’explorer des perspectives professionnelles prometteuses. Il se retrouve ainsi à Borland  Software Corporation, le prestigieux éditeur américain de logiciels informatiques. Une entreprise hyper-innovante qui a inventé des langages de programmation tels que les Delphi, C++ Builder et C#Builder et JBuilder, qui ont révolutionné le monde de l’informatique. Zine Seghier, cet enfant de l’Algérie profonde, ne s’est pas contenté de faire un passage ordinaire dans cette multinationale à la pointe de l’innovation. En 1985 et 186, il figure parmi les équipes de Borland qui ont lancé ses langages informatiques en Europe. En 1988, cet enfant de Frenda introduit le fameux langage de programmation  C++ en France ! « J’ai peut-être fait une bêtise en travaillant pour Borland alors que j’avais l’opportunité de travailler à cette époque-là pour Microsoft », confie-t-il avec un grand sourire qui efface le moindre soupçon de regrets. Et pour cause, en 1990, et jusqu’à 1996, il est promu patron de Microcom Inc. France ! Le commun des mortels doit savoir que  cette société spécialisée dans les modems et les technologies d’accès à distance a joué un rôle primordial dans le développement d’Internet dans le monde. Rachetée en 1997 par le géant Compaq, Microcom figurait parmi les premiers créateurs de Modems sur notre planète.

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Zine Seghier avec Nabil Senhadji, le directeur technique d’ISSAL, et un des associés avec lesquels Zine a relevé le défi de se lancer dans le cloud en Algérie

Il lance le Wimax en Chine 

Fort de son expérience, Zine Seghier part ensuite en Angleterre pour lancer, entre 2000 et 2006 avec des amis, une entreprise dont le rêve était d’offrir au monde le haut débit. A l’époque, au début des années 2000, très peu de personnes connaissaient réellement la technologie Wimax qui permet la transmission de données IP haut débit par voie hertzienne. La boite s’appelait alors « Cambridge broadband (Haut débit) ». Notre compatriote a réussi l’incroyable pari de lancer le Wimax en Chine en obtenant un ambitieux contrat avec la China Mobile qui est tout simplement aujourd’hui le plus grand opérateur de téléphonie mobile au monde avec plus de 755 millions d’abonnés. Un exploit exceptionnel qui a convaincu par la suite notre interlocuteur de revenir en 2006 explorer des horizons dans son pays l‘Algérie, ce pays compliqué craint par tous les investisseurs internationaux.

« J’avais un business plan précis et clair. Ce n’était pas qu’un simple choix sentimental. Nous sommes parmi les derniers pays dans le monde où le potentiel de croissance et de développement numérique est important. Il suffisait juste de s’armer de patience pour surmonter les obstacles administratifs et bureaucratiques qui nous étouffent ici », raconte notre interlocuteur dont les cheveux blancs qui parsèment son crâne sont autant de témoignages de sa sagesse. Sagesse dont il a fallu faire preuve pour lancer en Algérie une technologie novatrice. En effet, Zine Seghier s’est associé avec d’autres amis à lui, dont des compagnons belges, pour créer ISAAL qui était au départ un simple fournisseur d’accès à Internet. ISSAL a tenté de sous-louer une partie de la logistique d’Algérie-Télécom pour proposer de l’ADSL aux internautes algériens. Cependant, la situation de quasi-monopole d’Algérie-Télécom et les déboires d’Eepad, un fournisseur d’accès à Internet qui avait été évincé brutalement par Algérie-Télécom, ont fini par orienter Zine vers une autre activité. Et c’est à ce moment-là qu’il décide d’introduire le Cloud (nuage en anglais) en Algérie. Il s’agit plus concrètement d’une solution technologique permettant la dématérialisation du web, vous n’aurez plus besoin de clés USB ou de disques durs externes, et le stockage sécurisé en ligne de toutes les données.

Une startup qui vaut 10 millions d’euros 

 « Le principal problème de l’Algérie est qu »elle ne protège pas ses données numériques. Elle les héberge à l’étranger sans s’assurer de la moindre mesure de protection. Mon ambition était de doter mon pays d’une banque numérique dans laquelle nos données sont protégées et stockées en toute sécurité », explique le PDG d’ISSAL. Et pour ce faire, il a fallu consentir à un investissement de 2 millions d’euros pour mettre en place « le premier data-center en Algérie ». Un data-center installé à Oran et qui propose ses services depuis 2012 aux entreprises et institutions algériennes. Situé dans un immeuble discret, avec des portes blindées et un système de caméras de surveille sophistiqué, ce premier data-center algérien est un véritable « coffre-fort » comme aime à le répéter Zine Seghier. Avec 2000 serveurs virtuels et plus d’une centaine de serveurs physiques, ce data-center héberge d’ores et déjà les données de pas moins de 800 clients algériens. Des entreprises étrangères installées en Algérie et également des entreprises nationales ont adhéré à cette technologie. Ce qui prouve toute l’importance du marché algérien.

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Zine Seghier et son équipe dans les locaux d’ISSAL à Oran. Une équipe jeune et ambitieuse qui ne cesse d’innover pour apporter de ma maturité aux nouvelles technologies en Algérie

« Nous nous sommes endettés jusqu’au cou, mais nous avons réussi notre pari et nous avons gagné la confiance d’opérateurs mondiaux comme Google. Nous commercialisons aussi nos services cloud avec Djezzy grâce à un partenariat gagnant-gagnant », se réjouit Zine Seghier dont la boite qui dirige aujourd’hui ne vaut pas moins de 10 millions d’euros. Et rien ne semble arrêter la progression vertigineuse de cette start-up oranaise. Preuve en est,  ISSAL a lancé aussi la première « ferme de rendu » en Algérie. Et oui, depuis cette année, une start-up algérienne dispose de serveurs nécessaires pour calculer le rendu des images de synthèse, typiquement pour les effets spéciaux au cinéma ou à la télévision. Et c’est ainsi qu’ISSAL a pu réaliser la première publicité 3 D en Algérie à l’occasion du lancement de la nouvelle Symbol Renault, un véhicule monté dans l’usine oranaise du constructeur français. Auparavant, il fallait se rendre à l’étranger pour intégrer des animations 3 D dans nos spots publicitaires. Désormais, c’est possible en Algérie.

« Oui, tout est possible en Algérie. Nous ne sommes qu’à 16 % de taux de pénétration d’internet en Algérie. Au Maroc, ils sont à 56 % ! Imaginez toute la marge de manœuvre qu’il nous reste à accomplir. Imaginez demain, une justice numérisée ? Une école numérisée ? L’avenir de l’Algérie est dans le numérique », conclut notre interlocuteur sur une note espoir. Un espoir qui nous change de cette sinistrose générale qui plombe notre quotidien dans ce pays…

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