La «générosité» de l’Algérie à l’égard des voisins africains est bien connue. Les effacements de dettes à répétition ont été, depuis des décennies et restent encore, un élément essentiel de la stratégie financière rudimentaire de notre pays vis-à-vis du continent. Il s’agit d’une pratique pourtant aujourd’hui largement dépassée.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que la stratégie algérienne en matière d’accompagnement financier des investissements des entreprises nationales en Afrique est encore à l’état embryonnaire. M. Baba Ammi, le ministre des Finances, a évoqué la semaine dernière à Alger «une étude au niveau du ministère pour examiner l’ouverture des filiales des banques algériennes dans les pays africains». Pas beaucoup plus avancé, son collègue des Affaires étrangères, M. Lamamra, a assuré de son côté que «plusieurs types de financement potentiels existent», citant à titre d’exemple les banques de développement en Afrique.
L’effacement des dettes, une pratique dépassée
Il existe pourtant un domaine que nos responsables gouvernementaux ont oublié de mentionner. L’Algérie a procédé au cours des dernières années à de nombreuses, et répétitives, opérations d’annulation des dettes de pays africains. La dernière en date, d’un montant global supérieur à 902 millions de dollars, est intervenue en 2013, et a concerné 14 pays membres de l’Union africaine. Cette pratique est aujourd’hui pourtant largement en perte de vitesse à l’échelle internationale et des pays comme ceux de l’Union européenne, mais aussi le Japon ou la Chine, l’ont remplacé depuis longtemps par la «conversion de dette en investissements». «Même l’effacement de la dette des pays africains les plus pauvres, les Algériens l’ont fait sans demander de contreparties. Sans même trop le faire savoir. Ils auraient pu la transformer en titres de capital pour prendre des parts dans les entreprises publiques de ces pays», relevait, lors du Forum Algérie-Afrique, M. Mohamed Ould Noueigued, président de la Banque nationale de Mauritanie.
La conversion de dettes en investissements
La conversion de dettes en investissements est un mécanisme financier qui permet à la fois d’alléger la dette du pays débiteur et d’encourager les investissements du pays créancier. Les montants en jeu restent dans le pays débiteur au lieu d’être transférées vers les créanciers. C’est le pays créancier qui sélectionne les acteurs auxquels il transfère ses titres de créances. Il existe aujourd’hui de très nombreuses formules qui permettent d’utiliser la dette pour financer en Afrique des projets auxquels seraient associé des entreprises algériennes.
Remplacer l’aide par des prises de participations dans les entreprises
Plus généralement la nouvelle stratégie africaine en cours de définition devrait être l’occasion d’une révision de la doctrine algérienne en matière d’aide aux pays du continent. L’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Abderrahmane Hadj Nacer, plaide de longue date en faveur d’une démarche qui remplace les dons purs et simples ou les prêts rapidement effacés par la recherche d’une plus grande «imbrication» entre les économies. Selon lui, «l’Algérie doit penser à ses intérêts. Elle ne doit pas donner de l’argent n’importe comment. Il faut prendre des participations dans des entreprises et non pas déverser l’argent dans le Trésor public des pays concernés».
H. Haddouche