Les 2,8 millions de retraités algériens ont commencé à bénéficier ces derniers jours d’une augmentation de leurs pensions. Crise financière oblige, cette revalorisation (très modeste) des pensions et allocations de retraites, qui intervient seulement au mois de juillet, a été fixée à 2,5% pour l’année 2016 par le gouvernement.
La décision de la dernière tripartite de mettre fin au dispositif de départ à la retraite sans condition d’âge dans le but, exprimé explicitement, de « sauvegarder les équilibres financiers de la caisse nationale de retraite (CNR) », est un signal dépourvu d’ambiguités. La viabilité financière du système de retraite algérien, bien qu’elle soit encore assurée aujourd’hui de façon conjoncturelle, est clairement menacée à terme par de profonds déséquilibres structurels qui trouvent leur origine dans le fait que les ressources de la CNR ne se développent pas de façon proportionnelle à l’activité économique; principalement en raison du poids croissant de l’activité informelle. En substance, face à la croissance rapide des prestations, les cotisations ne rentrent pas suffisamment.
Le nombre des retraités en croissance rapide
En juillet 2016, le système national de retraites concerne 2,880 millions de retraités. Parmi ces derniers, 2,6 millions bénéficient d’une pension tandis qu’environ 250 mille perçoivent seulement une allocation de retraite d’un montant beaucoup plus modeste. Les pensions directes concernent 1,5 millions de retraités tandis que 650 mille touchent des pensions de réversion. L’évolution rapide du nombre de retraités est une caractéristique majeure des dernières années. Ils étaient seulement un peu plus de 1, 2 millions en 2000. Leur effectif s’accroît actuellement au rythme de près de 200 mille nouveaux retraités chaque année (soit environ 7 % par an).
Des prestations proches de 10 milliards de dollars par an
Suivant des chiffres confirmés récemment par le directeur de cette caisse, la CNR verse mensuellement plus de 86 milliards de dinars de pensions. On s’attends donc à ce que le montant des prestations franchisse la barre des 1000 milliards de dinars ( près de 10 milliards de dollars). Ces versement ont également été en très forte croissance au cours de la décennie écoulée puisque qu’ils étaient seulement de 200 milliards de dinars en 2005, et d’environ 400 milliards de dinars en 2010.
Les équilibres financiers de la CNR ont connu une première alerte en 2006 et en 2007 avec l’apparition au cours de ces deux années des premiers déficits de son histoire ;Ces derniers ont été rapidement éliminés grâce à l’augmentation du taux des cotisations porté à cette occasion de 16 à 17 %.
Le budget de l’Etat à la rescousse depuis 2007
Ces premiers déficits ont servi de révélateurs de la fragilité des équilibres financiers du système de retraite algérien et ont conduit , dans le but affirmé d’« assurer sa pérennité à long terme », à la création par la loi de finance complémentaire 2006, du Fonds national de réserves des retraites (FNRR). Ce dernier est alimenté par une fraction de la fiscalité pétrolière (2%) ainsi que par une fraction des excédents de trésorerie des caisses de sécurité sociale. On estime, au cours des dernières années et depuis la mise en œuvre effective du FNRR, que la viabilité financière du système national de retraite est assurée à hauteur d’environ 20 % par la contribution financière du budget de l’Etat.
Pas assez de cotisants
Si la situation financière de la CNR n’est pas jugée actuellement alarmante par les responsables du secteur, ces derniers ne manquent néanmoins aucune occasion de souligner que le principal défi à moyen terme consiste pour le système national de retraite à « maintenir l’équilibre entre le nombre de retraités et le nombre de cotisants ». Face à des prestations en croissance rapide, le nombre de cotisants, estimé actuellement à 7 millions d’actifs, n’augmente pas au même rythme. En cause, essentiellement, le poids croissant de l’informel qui concerne, suivant les sources, entre trois et quatre millions de travailleurs non déclarés.
C’est dans ce contexte que les partenaires sociaux sont invités, de façon de plus en plus pressante au cours des dernières années, à réfléchir à une stratégie destinée à renforcer les bases du système national de retraite. «Il faut penser à moyen terme à maintenir ces équilibres financiers. Mais il ne faut surtout pas attendre d’éventuels déséquilibres comme cela se produit dans beaucoup de pays. Il faut être préventif en prenant des décision en concertation avec les partenaires sociaux», déclarait récemment de façon significative le DG e la CNR.
Vers de nouveaux « ajustements »
Le souci d’assurer un « bon fonctionnement du système de retraite » s’est ainsi traduit de nouveau par la récente hausse du taux de cotisations des salariés, qui a franchi un nouveau pallier en passant de 17% à 18%. Ce n’est cependant encore qu’une première étape. De nombreuses propositions sont désormais sur la table en vue de réviser le dispositif en vigueur. La décision récente, approuvée par la Tripartite, de supprimer le départ à la retraite sans condition d’âge a donné le ton. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, avait annoncé à cette occasion un nouveau projet de loi fixant l’âge de départ à la retraite à 60 ans pour tout le monde «par souci d’équité et de préservation des capacités de la Caisse nationale de retraite». Quelques jours plus tard, M. Sellal avait un peu corrigé le tir en affirmant, lors de sa visite à Tiaret, que « l’âge de départ à la retraite est de 60 ans, comme entériné lors de la dernière réunion de la tripartite » en précisant que cette disposition «pourrait être allégée» pour les métiers pénibles.
On s’oriente donc désormais clairement, dans les années qui viennent, vers des «adaptations progressives sur l’âge de départ à la retraite et sur les durées de cotisations » ainsi que probablement vers la recherche de financements complémentaires pour consolider les équilibres financiers de la caisse nationale des retraites. « Un problème social majeur pour les années 2020, alors même que la perspective des financements budgétaires est aléatoire », commente Abdellatif Benachenhou dans son dernier ouvrage.
Hassan Haddouche