En dépit des dénégations des pouvoirs publics, l’Algérie est un pays qui «sous performe» en matière d’attraction des investissements direct étrangers ( IDE). Malgré son fort potentiel en termes de marché domestique, de richesses naturelles et d’opportunités, notre pays reste peu attractif pour les IDE et maintient depuis de nombreuses années les plus faibles résultats de la région.
Comme chaque année à la même époque, la CNUCED, un organisme dépendant de l’ONU qui est la référence internationale dans le domaine, vient de publier son bilan annuel des IDE dans le monde. En apparence, les chiffres relatifs aux investissements directs étrangers réalisés en 2016 en Algérie, sont plutôt bons et ont été immédiatement présentés comme tels par la communication officielle. Reprise en chœur par tous les médias nationaux, l’agence APS indique ainsi ces derniers jours que «les flux d’IDE à destination de l’Algérie ont rebondi en 2016 à 1,5 milliard de dollars, une nette amélioration constatée après les flux négatifs enregistrés en 2015, selon le rapport 2017 de la CNUCED sur l’investissement dans le monde, publié jeudi dernier par les Nations Unies».
Pour l’organisation onusienne basée à Genève, les flux d’IDE captés par l’Algérie se sont en effet chiffrés à 1,5 milliard de dollars en 2016, contre -584 millions de dollars en 2015.
L’agence officielle algérienne note en outre avec satisfaction ce commentaire contenu, en guise d’explication dans le rapport de la CNUCED: « Après avoir enregistré des flux négatifs en 2015, l’Algérie a attiré 1,5 milliards de dollars en IDE en 2016, en partie grâce à l’amélioration des politiques d’investissement et un récent redressement de la production pétrolière ». Elle ajoute: « L’Algérie a mis en place récemment une nouvelle loi sur l’investissement offrant des incitations fiscales et des infrastructures nécessaires aux projets d’investissements ».
Des IDE en forte baisse depuis 2009
En fait , la CNUCED, ou plutôt la version APS de son rapport, qui nous avait habitué à des analyses plus pertinentes, a tout faux. Le résultat fortement négatif de 2015 était dû à une opération tout à fait exceptionnelle: le rachat par l’État algérien, en janvier 2015, de la majorité du capital de l’opérateur télécom Djezzy, quia coûté un peu plus de 2 milliards de dollars au Trésor algérien. Si on excepte cette transaction unique dans les annales de l’histoire économique de notre pays, on retombe exactement en 2015, comme en 2016, sur un montant de 1,5 milliards de dollars d’IDE entrants dans notre pays.
Le constat très optimiste sur un «rebond» et une «nette amélioration» du bilan des IDE est malheureusement contredit par les statistiques officielles elles-mêmes. Ce sont les derniers rapports de la Banque d’Algérie qui ont annoncé successivement des investissements directs étrangers en baisse régulière au cours des dernières années. On est ainsi passé d’un pic de 2, 7 milliards de dollars en 2009 à 2,2 milliards de dollars en 2010, à 1,8 milliard en 2011 et 1,7 milliards en 2012 et 2013. L’année 2014 avait marqué le plus bas de la courbe avec des entrées d’investissements étrangers évalués à 1,5 milliards de dollars. La «performance» de 2016 confirme donc la stabilisation du bilan des IDE en Algérie à un niveau particulièrement bas comparé à celui des pays voisins.
L’Algérie en queue du peloton africain et arabe
Avec un PIB, qui est le 2e ou le 3e du continent, l’Algérie se classe seulement en 13éme position sur les 54 pays du continent en termes de montant des IDE. Notre pays reste très loin des plus grands récipiendaires des investissements étrangers à l’échelle africaine.
Les flux à destination de l’Egypte, par exemple, sont en 2016 en hausse de 17% à plus de 8 milliards de dollars. Ils ont surtout été stimulés par la découverte de réserves de gaz par des entreprises étrangères. L’investissement direct étranger au Maroc s’est affiché à la baisse durant l’année dernière, mais les flux d’IDE à destination de notre voisin de l’Ouest sont quand même restés supérieurs à 2,3 mds de dollars l’année dernière, après avoir atteint 3,2 mds de dollars en 2015. Les IDE en Tunisie sont à peu près stables en 2016, autour d’un (1) milliard de dollars comme en 2015, dans un pays dont le PIB représente à peine le tiers de celui de l’Algérie et malgré la crise politique et économique que traverse notre voisin de l’Est.
La faute au 51/49
Comment expliquer ce manque d’attractivité de l’économie algérienne pour les investisseurs internationaux ? En fait, il n’y a pas beaucoup de mystères. Tout le monde le sait et le répète depuis des années, sauf les autorités algériennes qui continuent de vanter avec obstination les mérites du 51/49. Un climat des affaires «médiocre» et les contraintes imposées aux investisseurs depuis 2009 ont fait chuter les flux d’IDE au cours des dernières années. Pour la quasi-totalité des observateurs internationaux, il n’y a «pas de décollage en vue» et des réformes sont urgentes. La nouvelle loi sur l’investissement offrant des «incitations fiscales» a peu de chances de faire bouger les lignes.
L’Algérie revient de loin
Notre pays revient cependant de loin et l’époque ou les investissements étrangers étaient regardés avec suspicion, voire carrément interdits dans la plupart des secteurs de l’économie, appartient désormais au passé. En dépit de leur montant relativement modeste, les IDE réalisés en Algérie commencent à occuper une place non négligeable dans l’économie algérienne. Leur «visibilité» est de plus en plus importante tandis que les pouvoirs publics, les médias et l’opinion nationale commencent à s’habituer à la présence de ces nouveaux acteurs. Un bilan récent permets de mesurer le chemin parcouru depuis le début des années 2000. Il indique que le stock d’IDE entrants, qui représente le total des investissements directs étrangers captés par l’Algérie depuis 16 ans, s’est établi à 27 milliards de dollars à fin 2016, contre 19,5 mds de dollars à fin 2010, et seulement 3,3 mds de dollars à fin 2000.
Un début de diversification en cours
De façon traditionnelle, le secteur de l’énergie arrive dans notre pays largement en tête des bilans des IDE depuis longtemps, mais on observe un début de diversification économique pour les investissements étrangers aussi. Une étude toute fraîche, et bienvenue, de la Chambre de commerce et d’Industrie algéro-française (CCIAF) précise que 300 entreprises étrangères produisent 1,6% du PIB algérien hors hydrocarbures. Elles représentent 5,2 milliards d’euros de capitaux propres et 3,7 milliards d’euros d’investissements corporels. Il s’agit bien sûr encore d’un montant, et d’une proportion, très modeste en comparaison des pays voisins.
Selon cette étude rendue publique voici quelques jours, les secteurs les plus recherchés par les IDE hors hydrocarbures sont l’industrie des produits chimiques (20%) et la finance (18%), suivies par les boissons (13%) et les matériaux de construction (12%)». La France est de loin le principal partenaire de l’Algérie en matière d’IDE non pétroliers. Elle est suivie par l’Espagne et l’Italie.
Le paysage des IDE est donc bien en train de changer en Algérie. Mais la démarche des autorités algériennes est en grande partie responsable de la célèbre «frilosité» des investisseurs. Elle laisse entier le problème de la création d’une dynamique plus large qui associerait le secteur privé national et s’attaquerait résolument au frein que constitue encore, pour beaucoup d’investisseurs étrangers, et en dépit des dénégations des pouvoirs publics, le cadre réglementaire actuel.
Hassan Haddouche