D’El-Oued à Johannesburg, le fabuleux destin d’un parfum algérien

Redaction

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« Wouroud », ce nom vous l’avez certainement aperçu sur les pochettes parfumées servies par les hôtesses et les stewards de la compagnie nationale Air Algérie.  Des pochettes parfumées utilisées par les Algériens durant des générations. Mais Wouroud, ce n’est pas que des pochettes distribuées par une compagnie aérienne. Wouroud, c’est d’abord et avant-tout la première parfumerie qui a été lancée en Algérie au lendemain de l’Indépendance.

Oui, très peu d’Algériens le savent, Wouroud est un parfum 100 % national né en 1963. Un parfum qui est parti à la conquête du monde. Un parfum qui s’est exporté jusqu’au Mexique, Afrique du Sud, le Soudan et le Brésil. Oui, les déodorants et eaux de toilette conçus par ce fabriquant algérien ont parcouru le monde durant les années 90 et au début des années 2000. Et pourtant, la parfumerie Wouroud se situe dans une région où rien n’est facilité pour investir et créer une activité industrielle. Oui, Wouroud est une marque algérienne dont les unités de production et le siège social se trouvent au Sud, dans le grand Sud, à plusieurs centaines de kilomètres de la capitale Alger. Wouroud est une parfumerie qui fabrique tous ses produits à partir d’Oued Souf, une région lointaine de plus de 650 Km d’Alger. Le design des boites de parfum, les composants des déodorants, le contrôle de la matière première, la conception et l’élaboration des nouveaux parfums, etc, tout est fait à partir d’Oued Souf, cette ville qui émerge à peine entre les dunes du grand Sahara algérien. Là où la route n’est toujours pas praticable, où les infrastructures publiques accusent de graves déficiences, où les coupures d’électricité sont monnaie courante, la parfumerie Wouroud réalise un chiffre d’affaires qui avoisine les 5 millions d’euros !

Djedidi
Mohammed Bachir Djedidi a quitté le nord en 1983 pour revenir au sud du pays et y créer sa parfumerie. Il a affronté toutes les difficultés pour développer une activité industrielle qui lui rapporte aujourd’hui 5 millions d’euros par an.

Privilégier toujours les nouvelles technologies 

« Nous détenons 15 % du marché global des déodorants et parfums en Algérie. Nous fabriquons et concevons jusqu’à 6 millions de parfums et déodorants par an. Nous avons une capacité de production qui est de 10 millions d’unité. Mais pour atteinte notre capacité totale, le marché national doit être régulé et le secteur informel doit être supprimé. Ces difficultés bloquent notre développement, mais n’entament pas, pour autant, notre volonté de se hisser vers le meilleur », confie d’emblée Mohammed Bachir Djedidi, le PDG des parfums Wouroud. Cet ingénieur chimiste a repris l’atelier de parfum de son père fondé à Alger en 1963. En 1983, il décide de revenir à Oued Souf pour y implanter sa propre parfumerie. Passionné et armé de son savoir et sa détermination à relever un défi immense, celui de bâtir une entreprise prospère dans sa région natale, Mohammed Bachir Djedidi lance un ambitieux programme de modernisation qui a privilégié très tôt les hautes technologies. Et malgré le climat rude, l’environnement économique hostile et l’isolement géographique par rapport aux grandes villes du nord, cet entrepreneur a réussi son pari fou : créer une activité industrielle innovante en plein désert !

Et depuis 187, les succès s’enchaînent pour Wouroud. Preuve en est, elle fut la première entreprise algérienne qui a utilisé la télé-copie, la première qui a procédé à la l’informatisation de ses services administratifs. En 1993, Mohammed Bachir Djedidi est le premier entrepreneur algérien qui a introduit dans son pays le code à barres avant même la naissance  de l’Association algérienne de codification des articles, qui fut créée en 1994. Et ce n’est pas encore fini : Wouroud fut pratiquement la première entreprise algérienne qui s’est dotée d’un site web dés 1997. Conscient des enjeux majeurs du marketing, le service marketing de Wouroud date de la 1994. A l’époque, les acteurs économiques algériens n’avaient qu’une notion vague de cette discipline. « Quand vous êtes basés au sud, vous comprenez vite que l’innovation est votre seule manière de survivre face à la concurrence étrangère. Ici, tout était hostile pour notre investissement. Nous devions donc nous montrer à chaque fois ingénieux pour faire prospérer notre activité », confie encore Mohammed Bachir Djedidi qui lance aujourd’hui, avec l’aide de ses collaborateurs, 4 à 5 nouveaux parfums par an. « Des parfums qui sont algériens à 70 % ! Ils sont donc un produit algérien. En 1985, nous avions inventé un parfum fait à partir de la pierre d’alun, une matière disponible en quantité dans la région d’El-Oued. Nous étudions les tendances du marché international et nous réalisons par la suite des études sur des échantillons de notre propre marché. Il nous faut au moins 6 mois pour concevoir et lancer un parfum. C’est un travail minutieux que nous faisons », explique encore le manager qui n’a rien perdu de sa passion d’antan.

parfumerie architecture
Une usine moderne qui mise sur la technologie, mais qui n’oublie pas la tradition de la région où elle prospère. Les coupoles et arcades témoignent de l’attachement viscéral de Wouroud au patrimoine culturel d’Oued Souf

Un pari fou mais réussi

Une  passion qui se traduit dans les moindres recoins de son usine modernisée depuis 1997. Mais une modernité qui s’allie avec la tradition architecturale d’Oued Souf. Le bâtiment de l’usine est couronné par plusieurs coupoles et s’appuie sur des arcades  à l’image des ces maisons sahariennes qui ont fait la légende d’Oued Souf. Un environnement qui permet à la centaine d’employés de cette entreprise de donner le meilleur d’eux-mêmes. Et pour leur confort, tout a été prévu : un bus de ramassage climatisé et un restaurant ouvert pour tout le monde. « Nous avons un service social très actif. Nous donnons mêmes des prêts à nos employés. Nous pensons à leur épanouissement car j’ai toujours pensé que l’homme est le moteur de la production et la source de la prospérité. Nous avons alors créé un centre médico-social pour prendre en charge l’employé et sa famille », assure à ce propos le PDG de Wouroud. Ce dernier ne manque jamais d’insister sur l’innovation pour ne pas disparaître face à la mondialisation. « Former notre personnel à tous les niveaux, c’est notre défi quotidien. Chaque année, nous envoyons des ingénieurs pour effectuer des stages techniques sur des nouvelles machines conçues à l’étranger. Prochainement,  nous ambitionnons de nous initier à holographie synthétique afin de l’introduire en Algérie. C’est une technique révolutionnaire pour contrecarrer la contrefaçon dont sont victimes nos produits », révèle Mohammed Bachir Djedidi. Il est à signaler que l’holographie synthétique est une nouvelle technologie qui transformer une « image » lisible à l’œil nu en un nuage de point. Cette transformation permet de coder « optiquement » une image. La lecture se fait par éclairage de ce nuage de point par une lumière laser. C’est un savoir original qui permet l’intégration microscopique de ce nuage de point au sein d’une image noir et blanc ou encore « d’organiser » ce nuage de point pour réaliser un graphisme lisible macroscopiquement. Il devient alors très difficile d’identifier la présence même de l’hologramme. Cette technique est extrêmement robuste et quasi inviolable. On peut donc l’utiliser comme « tag » anti contrefaçon.

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Pas moins de six millions de parfums et déodorants sont fabriqués par Wouroud chaque année. Un laboratoire de contrôle de qualité et un service de développement des produits veillent sur le perfectionnement de ces parfums qui ont été exportés dans plusieurs pays à travers le monde

A Oued Souf, où les routes sont encore délabrées et les transports sous-développés, la parfumerie Wouroud continue de voir grand pour renforcer son leadership. « Depuis, les années 80, nos parfums et déodorants ont été exportés au Brésil, Mexique, Qatar, Maroc, Soudan ou la Libye. Lorsque la compagnie Khalifa Airwaays avait ouvert une ligne pour rallier Alger à Johannesburg, nous avons profité de cette opportunité pour exporter nos parfums jusqu’à ce pays. Nous avions reçu des échos très favorables. Nous avions prouvé qu’un produit algérien peut gagner ses galons à l’étranger. Nous demandons uniquement à l’Etat de soutenir notre investissement et au consommateur algérien de tester avec confiance nos produits », conclut enfin le manager de Wouroud.

Le teaser du court métrage