Délinquance sexuelle: Plaidoyer pour un prêche du vendredi contre le viol

Redaction

Le viol est une agression avant d’être un rapport sexuel, car il a lieu sans consentement mutuel. De ce fait il est puni par la loi. Celle-ci n’est pas d’inspiration religieuse sauf en régime théocratique ou dans les pays où le code pénal fait explicitement référence à la religion. L’Algérie n’étant pas une théocratie – Dieu merci – mais une démocratie, elle dispose d’un arsenal juridique qui lui permet de punir un acte de viol avéré suivant des dispositions juridiques claires et précises. On appliquera donc dans ce cas le code pénal.

 Au mois de mars deux jeunes filles mineures ont été violées par une quarantaine de jeunes dans le parc zoologique d’Alger. Le tribunal doit statuer sur leur sort très bientôt. Le verdict est attendu avec beaucoup d’intérêt, non seulement dans l’espoir que justice sera rendue aux victimes ; ce qui va de soit naturellement, mais surtout pour savoir jusqu’où peut aller la justice des hommes dans des cas d’une telle sauvagerie.

Il s’agit donc d’un viol collectif sur mineures en bande organisée dans un lieu public. Nous avons affaire à une véritable abomination qui a traumatisé notre société et qui nous interpelle tous, individuellement et collectivement. Pourquoi ? Pour avoir enfanté des monstres alors que notre histoire, nos traditions, notre culture et notre religion devraient nous prémunir contre ce genre d’atrocités qu’on a toujours imaginés chez les autres, les « kouffars » et jamais chez nous. Nous avons tous failli : parents, éducateurs, responsables politiques…

Nous sommes en droit de penser que le tribunal, dans sa grande sagesse appliquera la loi, rien que la loi. Ce sera chose faite à coup sûr. Mais cela restera insatisfaisant tant qu’on ne sonnera pas l’appel pour une mobilisation générale afin d’éviter que cela ne se reproduise.

Les médias, pour ce qui les concerne, ont rapporté les faits, condamné les violeurs et appelé à plus de sécurité dans les lieux publics. Autant dire une expression d’impuissance entre l’incantation et les vœux pieux. Reste une autre voie dont la portée pourrait valoir catharsis à la condition qu’elle soit pavée de volonté sincère, et vierge de toute inspiration partisane : celle des imams, des prêcheurs et de tous les porteurs de la parole publique.

Je propose que sur instruction du ministère des Aaffaires religieuses, consigne soit donnée pour que le prêche du prochain vendredi porte exclusivement sur cette abomination et qu’un appel collectif soit lancé à la Justice pour punir avec la plus grande et la plus exemplaire sévérité ces monstres non moins bestiaux que ne le sont les pensionnaires du parc où ils ont accompli leurs virils exploits. Cela aura non seulement une valeur pédagogique incontestable, mais il aura une portée dissuasive par la sévérité du jugement, ramènera un peu plus de paix dans le cœur des victimes et de leurs proches et apportera la preuve que l’ensemble des Algériens condamne avec la plus grande fermeté l’insécurité dans nos villes et villages et l’impunité partout où la violence se manifeste.

Certes il y aura des réticences chez certains d’entre eux. Je pense aux spécialistes du raccourci pour qui une jeune fille ne doit pas aller dans un parc et que si elle y va c’est pour provoquer les hommes. Ils considèrent que les stades ? C’est pour les hommes. Les parcs ? C’est pour les hommes ? Les plages ? C’est pour les hommes ? Les cafés et les toilettes publiques ? C’est pour les hommes ? Les piscines ? C’est pour les hommes.

Iraient-ils cependant jusqu’à refuser de condamner, ne serait-ce que verbalement, une fois, un vendredi, du haut du minbar, la plus bestiale des abominations et la lâcheté sans nom d’une quarantaine de nos propres enfants ? Ces bêtes ont pris du plaisir à faire vomir de douleur dans une tournante sauvage, deux de nos filles d’à peine dix- sept ans, condamnées jusqu’à la fin de leurs vies à voir en nous, leurs pères ou leurs frères, des monstres primitifs aux allures civilisées et en chaque groupe d’hommes des violeurs en puissance.

Aziz Benyahia