Démissionnez monsieur Tayeb Louh ! Par Abdou Semmar

Redaction

Lettre ouverte à Monsieur Le Ministre de la Justice, Tayeb Louh 

Monsieur Le Ministre,

Notre confrère Mohamed Tamalt, emprisonné à la suite d’une condamnation relative à l’exercice de sa profession, vient de décéder à la suite d’une longue grève de la faim. Ce jeûne de protestation est l’ultime recours dont dispose une personne pour faire valoir ses droits. C’est une protestation non-violente qui interpelle toutes les consciences. Il est évident que la gestion de ce genre de situation n’est pas facile pour les responsables de la justice, qui gardent toutefois la possibilité de procéder à une alimentation forcée par sonde gastrique, et dans le cas de Mohamed Tamalt, à lui administrer quotidiennement son traitement antidiabétique.

Une enquête indépendante et impartiale déterminera le degré de responsabilité de toute la chaîne de commandement judiciaire, depuis le verdict du tribunal et jusqu’à la gestion quotidienne de cette situation en passant par l’autopsie opérée sans l’accord de la famille et pour finir, l’ultime intervention du Procureur de la République de Koléa dont la compétence territoriale semble mise en cause. La réponse à toutes ces questions, ne ramènera pas Mohamed Tamalt à la vie, mais elle aura le mérite de lever le voile sur certaines zones d’ombre et de redorer, fut-ce un tout petit peu, l’image largement ternie de la justice dans notre pays.

Il vous appartiendra donc à vous, en tant que premier responsable de la machine judiciaire de faire en sorte de procéder aux enquêtes nécessaires et de prendre les décisions justes qui s’imposent.

Mais dès l’instant qu’il y a mort d’homme et quel que soit le niveau d’entêtement de la victime qui aurait par son comportement compliqué la gestion de son cas, il y a forcément des responsabilités qui sont établies et auxquelles personne ne doit échapper.

La vôtre, Monsieur Le Ministre est entièrement engagée non pas à titre individuel mais au titre de votre fonction et de votre situation régalienne. Vous êtes le premier responsable de la justice de par vos fonctions et vous avez de ce fait beaucoup d’avantages mais aussi certains devoirs, dont le moindre est d’assumer entièrement les couacs de votre administration.

Vous vous honorerez monsieur Le Ministre en présentant votre démission après avoir pris les dispositions nécessaires pour situer les responsabilités au sein de votre administration.

Sachez monsieur Le Ministre qu’en tant que journaliste, je ne partage ni les méthodes ni le contenu des écrits pour lesquels la justice l’a condamné en s’appuyant probablement sur des arguments fondés. De même que je souhaite vous convaincre que ma démarche n’obéit pas, loin s’en faut à je ne sais quel réflexe corporatiste, ni à une solidarité aveugle, ni à un panurgisme de mauvais aloi. Elle procède de la défense de la liberté de chacun de nous de s’exprimer dans le respect strict des droits et des devoirs garantis par la loi. La liberté de pensée et la liberté de d’exprimer sont indissociables. Elles sont constitutives de notre profession et doivent de ce fait être protégées.

Des agents relevant de votre autorité sont impliqués dans cette mort inadmissible. Je ne doute pas que votre sens des responsabilités et les exigences de votre conscience, vous rappellent à votre devoir en tant qu’homme d’abord et en tant que ministre ensuite, et vous appellent à vous honorer en présentant votre démission. Il y va de votre honneur et de celui de la justice.

Abdou Semmar