Le dinar algérien connaît une embellie face à l’euro sur le marché noir, une tendance amorcée après un pic historique de la monnaie européenne à 262 dinars l’unité le 9 décembre dernier. En moins d’un mois, l’euro a perdu 20 dinars sur ce marché parallèle, atteignant 242 dinars ce 28 décembre, son niveau le plus bas depuis quatre mois. Ce retournement intervient dans un contexte économique et monétaire particulier, marqué par des décisions gouvernementales et des dynamiques internationales. Mais cette baisse est-elle conjoncturelle ou annonce-t-elle un rééquilibrage durable du marché des devises en Algérie ? Décryptage des facteurs en jeu et des implications pour l’économie nationale.
Un euro en chute libre sur le marché noir des devises
Après un pic à 262 dinars l’unité début décembre, l’euro a entamé une baisse progressive, perdant 20 dinars en moins de 20 jours. Ce samedi 28 décembre, la monnaie unique s’échangeait à 242 dinars sur le marché parallèle, marquant ainsi une chute significative depuis son sommet. Cette baisse représente une différence de 20 000 dinars pour une somme de 1 000 euros, un écart considérable pour les acteurs habitués à ces transactions.
Cette évolution intervient après plusieurs mois de hausse marquée, culminant en septembre et décembre avec des sommets historiques. Cette volatilité est caractéristique d’un marché noir qui échappe aux régulations et où l’offre et la demande sont fortement influencées par des événements économiques, politiques et sociaux.
L’impact des décisions gouvernementales sur le marché noir
L’un des facteurs clés ayant influencé cette baisse de l’euro est la récente décision du président Abdelmadjid Tebboune d’augmenter l’allocation touristique pour les Algériens. À partir de janvier 2025, cette allocation passe à 750 euros par année civile, contre l’équivalent de 100 euros auparavant, selon le taux de change officiel. Cette mesure, bien qu’encore en attente de modalités précises, a immédiatement pesé sur les attentes des acteurs du marché noir.
Cette annonce a créé une anticipation d’une plus grande disponibilité de devises via les canaux officiels, réduisant ainsi la pression sur le marché parallèle. Toutefois, en l’absence de mécanismes clairement définis pour sa mise en œuvre, cette baisse pourrait n’être qu’un phénomène temporaire si les attentes des consommateurs ne sont pas satisfaites par le système bancaire officiel.
Le dollar suit la même tendance sur le marché noir
Le dollar, tout comme l’euro, a connu des fluctuations importantes ces derniers mois. Après avoir atteint un sommet historique de 248 dinars le 9 décembre, le billet vert a suivi la courbe de l’euro, s’échangeant à 236 dinars au Square Port Said d’Alger le 28 décembre. Ces mouvements synchronisés reflètent l’interdépendance des deux devises sur le marché informel, où les dynamiques sont souvent dictées par des facteurs communs tels que les annonces gouvernementales et les perceptions des traders.
Sur le marché officiel, cependant, le dollar s’est légèrement apprécié face au dinar, passant de 134,81 dinars le 23 décembre à 135,53 dinars le 27 décembre. Cette divergence entre les marchés officiel et parallèle illustre les défis posés par la dualité du système monétaire algérien.
Une chute de l’euro : conjoncture internationale ou facteurs locaux ?
La baisse de l’euro sur le marché noir algérien peut également être analysée à travers le prisme des évolutions internationales. À l’échelle mondiale, l’euro a montré une certaine volatilité face au dollar, influencée par les politiques monétaires des grandes banques centrales et les incertitudes économiques. Ces fluctuations ont des répercussions directes sur les marchés informels en Algérie, où les devises étrangères jouent un rôle central dans les transactions économiques.
Cependant, les facteurs locaux semblent jouer un rôle prédominant dans cette tendance. La dépendance du marché noir à des dynamiques spécifiques, telles que l’accès limité aux devises via les banques officielles et les variations saisonnières de la demande, amplifie les mouvements de prix. La décision d’augmenter l’allocation touristique est venue perturber cet équilibre fragile, créant une surévaluation temporaire du dinar par rapport à l’euro.
Le marché noir des devises : un acteur clé de l’économie algérienne
Le marché noir des devises en Algérie, centré autour de lieux emblématiques comme le Square Port Said à Alger, joue un rôle crucial dans l’économie informelle du pays. Il répond à une demande insatisfaite par le système bancaire officiel, où les restrictions sur l’accès aux devises étrangères sont perçues comme un obstacle majeur pour les citoyens et les entreprises.
Malgré son caractère illégal, ce marché reste une référence incontournable pour les taux de change pratiqués dans le pays. Les fluctuations observées sur ce marché ont un impact direct sur les prix des produits importés, les voyages à l’étranger et les transactions commerciales internationales.
Les implications pour l’économie algérienne
La baisse de l’euro sur le marché noir pourrait avoir des effets positifs à court terme pour les consommateurs algériens, en réduisant le coût des biens et services liés à la devise européenne. Cependant, cette dynamique met également en lumière les déséquilibres structurels de l’économie algérienne, où la dépendance au marché parallèle reflète un manque de confiance dans le système financier officiel.
L’augmentation de l’allocation touristique annoncée par le président Tebboune est un pas dans la bonne direction, mais elle devra être accompagnée de réformes structurelles pour réduire l’écart entre les taux officiels et parallèles. Un système bancaire plus transparent et accessible, offrant des taux compétitifs et une disponibilité accrue des devises, pourrait contribuer à réduire l’importance du marché noir.
Les perspectives pour 2025 : stabilisation ou nouvelles turbulences ?
Alors que l’Algérie s’apprête à entrer dans une nouvelle année, les perspectives pour le dinar et les devises étrangères restent incertaines. La mise en œuvre effective de l’augmentation de l’allocation touristique sera un test clé pour le gouvernement, avec des implications directes sur la demande de devises sur le marché noir.
Par ailleurs, les dynamiques internationales, notamment les politiques monétaires des banques centrales et les évolutions géopolitiques, continueront d’influencer les taux de change. Pour l’Algérie, la stabilité du dinar dépendra également de sa capacité à diversifier son économie et à réduire sa dépendance aux hydrocarbures, une source majeure de devises étrangères.
une embellie fragile mais porteuse d’espoir
La récente baisse de l’euro sur le marché noir algérien offre une bouffée d’air frais pour les consommateurs, mais elle met également en lumière les défis structurels qui pèsent sur l’économie du pays. Si les mesures gouvernementales comme l’augmentation de l’allocation touristique sont un pas dans la bonne direction, elles devront être soutenues par des réformes profondes pour garantir une stabilité durable des devises.
Dans ce contexte, la capacité du gouvernement à restaurer la confiance dans le système bancaire officiel sera déterminante. Une gestion prudente des devises, combinée à une diversification économique et à une ouverture progressive des marchés financiers, pourrait permettre à l’Algérie de réduire son dépendance au marché noir et d’assurer une croissance plus équilibrée à long terme.