Djamel l’investisseur et les quarante mille saboteurs Par Abdou Semmar

Redaction

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Un bosseur pour quarante mille saboteurs au kilomètre carré. C’est la densité démographique qui caractérise l’Algérie en 2015. Cette Algérie, qui prétend désirer le changement, le progrès et le développement, fait tout, en réalité, sur le terrain, pour démobiliser les bonnes volontés, démotiver les bâtisseurs et démoraliser les investisseurs.

Et il n’y a pas que les autorités qui participent à ce forfait. La société, les Algériens lambda, ceux-là même qui se considèrent comme victimes de tout et de n’importe quoi, sont aussi singulièrement actifs sur le front de la démobilisation, de la démoralisation et du « cassage » sans ménagement des volontés constructives. L’histoire de Djamel, un algérien revenu de Londres pour développer un projet dans sa ville natale, Alger, en est la parfaite illustration. Après plus de 21 ans d’exil, Djamel décide de rentrer dans son pays pour faire fructifier son expérience, son savoir-faire et, surtout, son argent. Djamel a travaillé pendant sces longues années d’exil dans les plus célèbres chaînes de restauration d’Angleterre. A Londres, il a grimpé tous les échelons, côtoyant les grosses pontes de la restauration. De simple plongeur, il est devenu chef cuisinier. Son sérieux, son engagement et sa détermination à toute épreuve, lui ont dessiné une authentique success story. Cet enfant de Belcourt a réussi à gagner la confiance des managers d’une grande chaîne de restauration turque, avec sa centaine d’établissements en Angleterre, en Turquie et un peu partout en Europe : le Woody Grill. Djamel se retrouva ainsi propulsé dans un poste de top management.

A ce moment, il repensa à son rêve : revenir à Alger, ouvrir un beau restaurant, créer des emplois, de la richesse pour son pays et doter sa ville tant aimée d’un restaurant aux standards européens. Il entama les démarches et convainquit ses hauts responsables turcs de miser sur l’Algérie. Ceux-ci lorgnaient plutôt vers le Maroc. A Casablanca, ils avaient, en effet, obtenu toutes les facilités. En une journée, les autorisations ont été accordées. Une banque locale s’est même proposée de participer au financement du projet.

Mais Djamel aimait son pays et le défendit jusqu’au bout. Il fit du lobbying pour privilégier l’Algérie. Sa direction lui accorda sa confiance et lui donna son feu vert. Djamel pouvait, dès lors, partir à la conquête de l’Algérie. Dans sa tête, une seule ambition : ouvrir une dizaine de restaurants Woody Grill à travers le pays, former des cuisiniers, donner la chance à des jeunes de décrocher un gagne-pain. Le rêve était beau, mais tellement difficile à réaliser. Djamel se heurta rapidement aux « sapeurs », ces gens qui exècrent la réussite et jalousent le succès des autres. Djamel l’investisseur mit plus de sept mois pour obtenir l’autorisation d’ouvrir son restaurant ! Sept mois alors qu’au Maroc, il aurait pu tout régler en une seule journée. La bureaucratie lui joua ses tours de passe-passe. Il ne rencontra que des responsables qui ne comprenaient même pas son langage. Certains sont allés jusqu’à lui cracher au visage : « Mais tu es fou ! Tu as laissé la magnifique Londres pour venir ouvrir un restaurant chez nous ! »

A la catastrophe administrative, s’ajouta la profonde méchanceté des Algériens ordinaires ! Lorsqu’il trouva enfin un local qui correspondait à ses souhaits, ses voisins l’accueillirent avec… une pétition pour le bloquer. Il a passé des jours à leur expliquer qu’il était animé de de bonne volonté. Il leur raconta son histoire : l’Algérien qui a renoncé au faste londonien pour participer au développement de son pays. Il a tout fait pour les rassurer. Mais, en vain! Les voisins ne voulaient pas d’un restaurant en bas de chez-eux. Pourquoi ? Mystère et boule de gomme! Mais Djamel, le coriace finît par triompher. Il aménagea son restaurant, investît ses économies et lança son affaire. Il recruta des jeunes sans expérience. Il a cru en eux. Il les a formés, accompagnés. Aujourd’hui, les clients se bousculent au portillon de son restaurant. Mêmes les « sapeurs » qui avaient voulu se dresser sur son chemin son projet ont fini par venir manger chez lui. Sans piper mot. Djamel a fini par réussir parce qu’il n’a pas cédé aux travers de notre société. Mais il ne cache pas son amertume car, en son for intérieur, il a la conviction d’aimer un pays qui ne veut pas de gens comme lui. Un bosseur pour 40 mille saboteurs au kilomètre carré. Le jour où l’équation change, l’Algérie changera avec…