Doucement M. Sellal, les déficits doivent être réduits «progressivement»   Par Hassan Haddouche

Redaction

Le gouvernement algérien met, ces derniers temps, tellement de zèle et de fougue à vouloir réduire et éliminer les déficits de nos finances internes et externes que c’est le FMI en personne qui est obligé de tenter de calmer ses ardeurs.

Cela peut sembler étonnant et la principale conclusion de la mission du FMI qui vient de passer 15 jours à Alger a, en effet, de quoi surprendre plus d’un observateur. «Trop abrupte», disent les experts venus de Washington à propos de la stratégie de réduction  des déficits algériens.

C’est le communiqué publié sur le site officiel du Fonds monétaire international qui le dit. Il est pour les experts du FMI «important d’éviter une réduction trop abrupte du déficit des finances publiques, pour atténuer le risque d’un très fort ralentissement de la croissance. De l’avis de la mission, étant donné le niveau relativement bas de la dette publique, l’Algérie pourrait se permettre d’engager un redressement un peu plus progressif des finances publiques que ne le prévoit le budget à moyen terme actuel».

Les choses sont donc bien claires et la conclusion est assez paradoxale du point de vue des «analyses» produites couramment dans notre pays à propos des recommandations du FMI. Les experts venus de Washington trouvent que le gouvernement algérien va actuellement trop vite dans la réduction des déficits du budget de l’Etat et qu’il devrait privilégier une démarche plus progressive dans le but de ne pas pénaliser la croissance économique hors hydrocarbures. «L’activité économique, précise la mission du FMI , a été globalement résiliente, mais la croissance s’est ralentie dans le secteur hors hydrocarbures sous l’effet de la réduction des dépenses de l’Etat et est estimée à 3,4 % pour 2016».

Trop brutal aussi pour le commerce extérieur 

Ces recommandations qui s’appliquent au budget de l’Etat sont-elles également valables pour la réduction des déficits externes, ceux de la balance commerciale et de la balance des paiements ? Cela, les experts du FMI ne le disent pas explicitement parce qu’ils n’ont pas l’habitude, ni le droit, de commenter «à chaud» l’actualité économique et les décisions gouvernementales. Mais, je peux vous annoncer sans aucun  risque d’erreur que les récentes mesures évoquées par le gouvernement et le ministre du Commerce (par intérim) en matière de licences d’importation et de contrôle du commerce extérieur, si elles sont confirmées dans les mois qui viennent, donneront lieu à un diagnostic exactement identique : «Trop rapide ,trop abrupte et dangereux pour l’activité économique».

«Tous les produits qui entrent en Algérie seront désormais soumis à une licence où une autorisation», a déclaré, voici une semaine, à Alger, le ministre du Commerce par intérim, M. Abdelmadjid  Tebboune.: «Nous allons nous réunir de nouveau en fin de cette semaine ou en début de la semaine prochaine afin d’arrêter approximativement les montants pour l’année 2017», a précisé le ministre.

Ouf, les nouvelles  licences sur les bananes sont arrivées !

Même limitée aux produits de la revente en l’état, la «réorganisation complète»(sic) du commerce extérieur algérien, annoncée par M. Tebboune pour les prochains mois, comporte des risques très  élevés.

Cette gestion administrative vise, selon le ministre du Commerce par intérim à «organiser le marché et éviter l’anarchie, notamment les cas d’abondance excessive des marchandises dans certaines périodes de l’année et leur pénurie dans d’autres périodes». L’ennui, c’est que la procédure des licences et des quotas vient d’être expérimenté en 2016 pour la banane et que c’est elle qui  a précisément provoqué l’anarchie, la pénurie et une hausse vertigineuse des prix. C’est M. Tebboune lui-même qui le dit : «Personne n’a bloqué les importations de  bananes. Les licences de 2016 étaient arrivées à échéance. Maintenant, il faut de nouvelles licences qui vont arriver bientôt». Elles sont en effet «arrivées» voici quelques jours au profit de six importateurs «professionnels».

Les choses vont donc surement, si tout va bien, s’améliorer pour les bananes, mais on peut quand même se demander par quel miracle le ministère du Commerce qui a été incapable de gérer les quotas d’importation de la seule banane en 2016, pourrait  être capable de gérer l’approvisionnement du marché  pour plusieurs milliers de produits finis en 2017 ?

Sur les traces du Vénézuela ?

Le système de licences généralisées pour «tous les produits finis»,  annoncé par M. Tebboune, est un puissant signal envoyé aux spéculateurs de tous bords.  Le ministre du Commerce (par intérim) aurait pu tout  aussi bien leur dire : «Préparez vos hangars», l’effet aurait été le même. Il aura inévitablement pour conséquences des pénuries généralisées et une inflation incontrôlable.

En fait, c’est  une situation proche de celle que connait actuellement un pays comme le Venezuela que nous prépare, dans la précipitation et sans aucune nécessité objective, M. Tebboune, qui évoquait voici quelques jours des «décisions bien réfléchies», mais semble en réalité céder à un réflexe de panique inexplicable en engageant la gestion du commerce extérieur de notre pays dans une véritable impasse.

Une démarche dangereuse et inutile

La démarche prônée par M. Tebboune n’est pas seulement dangereuse. Elle est également inutile en tous cas du point de vue des intérêts de la collectivité. Voici pourquoi. Les dernières statistiques de notre commerce extérieur indiquent que le déficit commercial de l’Algérie a déjà été réduit de moitié  en janvier et février 2017. A ce rythme, il est très probable que notre déficit commercial, qui était encore de près de 18  milliards de dollars en 2016, va  passer sous la barre des 10 milliards de dollars en 2017. Pas besoin donc de contingentement et de licences généralisées. Le rétablissement «progressif» de l’équilibre de la balance commerciale est possible dès 2019. Il est  même désormais très probable à la faveur d’un processus de substitution aux importations qui prendra quelques années pour produire des résultats tangibles, mais qui est déjà en marche; comme prévu d’ailleurs par les projections du gouvernement et de la Banque d’Algérie, et sans recourir à des mesures dignes d’une «économie de guerre».

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