Du smartphone au panneau solaire : l’ambitieux pari de Condor

Redaction

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D’abord, une désagréable impression donne lieu à un constat amer : Bordj Bou Arreridj est une ville encore délabrée qui manque incroyablement d’une âme urbaine. Les interminables travaux de construction plantent un décor de ruines. Faites de routes et de bâtisses cimentées, la ville manque cruellement de charme alors que son passé regorge de nombreux trésors. L’un de ces trésors : des familles généreuses et engagées entreprenantes depuis des années pour insuffler un dynamisme économique sans équivalent en Algérie dans cette région victime d’une mauvaise gouvernance locale.

Et parmi ces familles, on retrouve les Benhamadi dont le nom évoque aujourd’hui la success story de Condor, premier groupe privé algérien de fabrication de matériel électroménager et de composants électroniques. Une famille qui, d’abnégation en abnégation, d’efforts en efforts, d’investissement en investissement, a réussi à métamorphoser tout le tissu social d’une région jadis repliée sur elle-même. Sans Condor, il n’y aurait jamais eu de zone industrielle prospère à Bordj Bou Arreridj, témoignent à l’unanimité de nombreux habitants de cette ville des hauts-plateaux située à 230 Km à l’est de la capitale Alger.

Un business qui révolutionne les mœurs

Condor, c’est aujourd’hui plus de 4600 employés et autant de familles, sans compter les emplois indirects créés par la grâce des multiples activités économiques de ce groupe algérien symbole d’un géant en devenir. Téléviseurs, réfrigérateurs, climatiseurs, smartphones, ordinateurs de bureau, tablettes et maintenant panneaux solaires, Condor ne cesse de grandir en se diversifiant. Numéro un dans le marché de l’électroménager avec des produits qui ont conquis le cœur des consommateurs algériens, Condor entame à présent une remarquable percée dans le monde des nouvelles technologies avec ses smartphones et ses tablettes.

Mais aujourd’hui, le groupe se lance à la conquête de l’énergie solaire. Serait-ce une folie dans un pays rentier dépendant depuis toujours des hydrocarbures ? «Non, juste un ambitieux pari», nous répond clairement et avec une impressionnante sérénité, le président du conseil d’administration du groupe Condor, Abderrahmane Benhamadi. A Bordj Bou Arreridj, tout le monde l’appelle par son second prénom, Abdelmalek. Sa modestie, sa bonhomie empreinte d’une certaine timidité laisse croire qu’il est un homme effacé.

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Depuis 11 ans, le manager du groupe Condor ne cesse de motiver ses équipes pour donner vie à tous ses projets

Mais en réalité, ce n’est qu’une impression incorrecte. Tous ses collaborateurs restent scotchés par sa trempe de meneur d’hommes. Sa grande capacité à motiver son staff pour donner vie à ses projets a fait la légende d’Abderrahmane Benhamadi, l’entrepreneur qui ne cesse d’entreprendre. L’innovation, la persévérance et l’efficacité sont des valeurs qu’il cultive pour atteindre ses objectifs. Et aujourd’hui, après 11 ans d’existence, le chiffre d’affaire de Condor est évalué à près de 250 millions d’euros !

Pourtant, ce ne sont pas les chiffres qui intéressent le premier manager de Condor. Ce sont, d’abord le leadership et le respect des consommateurs : «Depuis le début de l’année, nous avons pu vendre plus de 800 mille smartphones et tablettes. Cela prouve que les Algériens ont aimé nos produits en dépit de la très forte concurrence sur le marché», se réjouit Abderrahmane Benhamadi qui croit dur comme fer à l’innovation technologique pour développer encore le groupe Condor. Une innovation qui passe par la conclusion de partenariat avec des géants mondiaux comme le géant américain INTEL avec lequel Condor a conçu une tablette montée en Algérie dans ses unités de production situées à Bordj Bou Arreridj. En 5 ans de partenariat avec Intel, Condor a réussi à offrir un produit qui conjugue l’élégance, la performance, l’utilité, la connectivité, la facilité et le plaisir d’utilisation.

La technologie chez Condor produit même des bouleversements au sein de la société. Dans les ateliers de montage, d’assemblage et d’insertion des cartes mères des ordinateurs ou des smartphones, les femmes représentent jusqu’à 80 % des employés ! Véritable révolution de mœurs dans une région longtemps conservatrice qui ne voyait pas d’un bon œil le travail des femmes : «Nous avons voulu faire évoluer les mentalités. Les femmes travaillent et gagnent leurs vies dans nos unités. Elles sont transportées et bénéficient de la restauration comme les hommes. C’est un changement social dont nous sommes fiers», confie Abderrahmane Benhamadi.

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Les projets industriels de Condor ont permis à la femme à Bordj Bou Arreridj de se libérer des poids des traditions conservatrices qui l’empêchaient de contribuer au développement économique en intégrant le marché du travail

Chez Condor, il n’y a pas que les femmes qui ont trouvé un terrain favorable à leur émancipation. Les jeunes de la région aussi, et surtout, ont enfin trouvé  un environnement adéquat pour booster leur ingéniosité. Khaled Bentakoka, l’assistant chef qui veille chaque jour sur le bon fonctionnement de la chaîne de montage des C4+ et C2+, les deux smartphones qui font fureur sur le marché, est âgé d’à peine 29 ans : «Dans notre groupe, nous ne faisons pas que du montage. C’est faux ! Nous disposons aussi d’une division recherche et développement afin de produire notre propre contenu technologique. Nos chercheurs sont jeunes et partent en formation à l’étranger. Dans l’avenir, nous allons pouvoir concurrencer les marques les plus prestigieuses dans le monde», s’enthousiasme Khaled dont l’optimisme marque une rupture avec la sinistrose ambiante des autres jeunes qui restent les bras croisés à attendre un geste inespéré de l’État.

Investir : une passion

Des ingénieurs jeunes et ambitieux, Condor en compte beaucoup dans sa nouvelle unité de production de panneaux solaires. Une usine flambant neuve inaugurée en octobre 2013. Un investissement qui a coûté la bagatelle de 10 millions d’euros, nous apprend sur place Boualem Benhammada, le directeur des énergies renouvelables à Condor. Ce cadre qui cumule 28 ans dans le domaine industriel est passé du réfrigérateur au panneau solaire.

Autodidacte et volontaire, il s’est formé également avec des entreprises allemandes et chinoises. Il a conçu de bout en bout ce projet révolutionnaire pour Condor : une usine qui tend à démocratiser l’usage du panneau solaire en Algérie afin d’en finir avec l’éternelle dépendance vis-à-vis du pétrole.

Avec à peine 120 employés, 11 ingénieurs, l’usine a fabriqué pour sa première année plus de 36 mille panneaux solaires de différentes catégories. Un début prometteur qui a convaincu le ministère de la Défense algérien de devenir l’un des premiers clients de cette entreprise algérienne : «Mais pour que notre investissement soit rentable et nos emplois pérennisés, nous devons vendre 200 mille panneaux solaires», souligne Boualem Benhammada.

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La nouvelle usine de fabrication des panneaux de solaires de Condor emploie de nombreux jeunes ingénieurs, diplômés de l’université algérienne et formés aussi à l’étranger, qui ont soif d’innovation

Pour se faire, ce manager demande des facilitations à l’État : «Que les pouvoirs publics nous fassent confiance. Qu’ils nous laissent des parts des marchés publics qu’ils octroient aux opérateurs étrangers», réclame-t-il. Notre interlocuteur demande notamment à Sonelgaz de s’intéresser au potentiel de son usine : «Nous avons aussi répondu à 15 projets lancés dans plusieurs wilayas. Nous nous sommes conformés aux cahiers des charges.

Nous espérons que l’État donne la priorité à un acteur économique national», confie encore Boualem Benhammada qui nous a fait visiter son usine en nous présentant ses équipements derniers cris avec beaucoup de fierté. Un sentiment de fierté qui comblera tous les employés de cette usine futuriste le jour où, enfin, les fermes solaires seront développées par l’État algérien. D’ici là, il y a encore du chemin à parcourir.

Dieu merci à Condor, nous sommes conscient que tout se conquiert et rien ne se donne. Le groupe travaille d’ores et déjà sur 5 ou 6 autres projets qui demeurent bloqués faute de foncier industriel ! En attendant, un hôtel équipé de toutes les commodités a ouvert ses portes à Bordj Bou Arreridj pour combler le vide sidéral dont souffre cette région  en matière d’infrastructures hôtelières. Un hôtel de 84 chambres a vu le jour grâce à un investissement de Condor. Un investissement de plus…

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